Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
À l’époque, j’avais huit ans et mon frère en avait dix-neuf. Un jour il décide de me montrer un tour de magie avec des cartes, lors duquel il est capable, sans jamais regarder le jeu, de deviner la carte qui me fait face. Pendant ce tour qu’il me propose, il enchaîne plusieurs techniques : au début il touche la carte et devine, ensuite il met le paquet sur sa tête et devine à nouveau… C’est un moment incroyable pour le petit garçon que je suis, mais comment fait-il ? C’est alors que je lui demande, ce qu’il refuse et me répond de trouver par moi-même. Le défi est lancé, je cherche, m’entraîne encore et encore et trouve une solution, je lui montre, ça fonctionne. Il veut bien me révéler le secret à condition que je lui révèle le mien. En effet, il m’explique que cela fonctionne ainsi entre magiciens. C’est alors que je lui dis comment j’ai fait et lui aussi, nous n’avons pas la même technique et je trouve ça tout aussi incroyable… Voilà mon premier souvenir de magie.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
J’ai franchi le pas lors de mon adolescence vers seize ans, afin d’impressionner une fille je décide de lui montrer les tours que j’avais appris plus jeune. Elle adore, c’est alors que je me mets à chercher des nouveaux tours. Heureusement pour moi, c’est la période de Noël et je vais au marché de Noël de La Défense, où se trouve un stand de magie, tenu par Paul Techer (MagicLandes) où il fait des démonstrations incroyables. Néanmoins, le matériel de magie a un coût. Je décide donc de faire des anniversaires afin de financer mes tours de magie. Voilà le début de mon aventure ! Par la suite, à dix-neuf ans, je rentre dans l’animation et je créé mes premiers spectacles pour enfants. Deux ans plus tard, je créé mon spectacle adulte et je commence l’hypnose. Les différentes rencontres, qui ont entrainées des moments de partage, que j’ai eu la chance de faire pendant plusieurs années m’ont permis d’apprendre diverses techniques et disciplines. De même que la lecture de nombreux livres spécialisés. Depuis un peu plus de sept ans, je suis dans une association d’échanges entre magiciens : « les 78 tours » où j’ai pu essayer mes spectacles en public lors d’événements et festivals, ainsi qu’échanger sur le métier de magicien.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Les personnes qui m’ont aidé sont Max de Magic Dream, une personne en or avec le cœur sur la main, il m’a toujours parfaitement conseillé et accompagné dans mes choix. Il y a également Faïd Lecame, un magicien incroyable, qui est critique toujours de manière objective et constructive. Ce dernier a su élever ma magie à un autre rang, il m’encourage dans mes nouvelles actions et est un soutien au quotidien.
Le Double Fond a été l’endroit où j’ai véritablement plongé dans l’univers captivant du métier de magicien, où mes années d’expérience et de travail ont enfin trouvé leur valeur. En 2021, j’ai eu l’opportunité incroyable de décrocher mon diplôme de magicien, l’équivalent d’un Bac+2, et je peux affirmer que ce fut une expérience ponctuée d’échanges enrichissants et d’apprentissages de la plus haute qualité. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers le Double Fond qui m’a offert la possibilité de passer ce diplôme par le biais de la VAE. Il a non seulement reconnu mes compétences forgées au fil des années, mais a également insufflé une nouvelle énergie à ma passion.
En dehors de la magie, j’ai une famille et des amies, amis d’une valeur inestimable, qui me soutiennent et sont présents à chaque instant. Enfin, il y a ma femme, que j’ai rencontré à seize ans. C’est donc elle qui a vu mes premiers tours de magie et qui me soutient tous les jours, une femme magique. Nous faisons maintenant des spectacles ensemble. Il y a deux opportunités qui m’ont aidé à grandir. La première, c’est le fait d’avoir joué dans une très grande salle renommée, la Salle Gaveau dans Paris, devant l’ambassadeur de Chine. C’est une salle qui accueille normalement des opéras, la salle était pleine et c’était impressionnant pour le jeune magicien que j’étais. Grâce à cette expérience, dorénavant, je gère mieux mon stress lors de mes prestations. De plus, mes années d’animation m’ont aussi aidé à développer ma capacité à m’adapter aux différentes situations et au fait de toujours trouver une solution rapide aux imprévus.
Il y a également, dans mon passé, des évènements qui m’ont freiné et qui m’ont fait perdre confiance en moi pour m’intégrer. J’ai été harcelé au collège… Il est certain que mon métier de magicien a un lien avec ça. Quand je suis dans mon rôle de magicien, je suis une autre personne et je peux m’exprimer. Après avoir pris conscience de cela, j’ai décidé, il y a trois ans de créer mon action de sensibilisation au harcèlement scolaire avec la magie et là, j’ai découvert un autre impact de la magie.
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai une appétence particulière pour la magie pour les enfants. Que ce soit en spectacle sur scène, dans un gymnase, à domicile, à côté d’un brouhaha à cause de montagne russe et structures de jeux, je sais que tout va bien se passer. De plus, j’apprécie le mentalisme, le mystère et la magie avec les adultes dans le but de créer une émotion, de les accompagner dans mon monde, de les faire réfléchir et poser des questions sur ce qu’ils viennent de voir. Que ce soit sur scène, pour un mariage, pour des événements, soirées… Je travaille, peu importe les conditions. En effet, j’ai déjà également fait plusieurs spectacles en live.
Ma particularité est également mon action pour sensibiliser au harcèlement scolaire avec la magie. J’ai créé cette action dans le but de permettre aux jeunes d’extérioriser leurs émotions et de marquer mon discours grâce à la magie. Lors de ces interventions, je témoigne de ce que j’ai vécu et je souligne mon témoignage avec des expériences magiques. C’est toujours un moment incroyable, car après le spectacle, il y a un débat où les jeunes libèrent la parole…
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Derren Brown, que ce soit ces spectacles ou ces émissions. En effet, la psychologie qu’il y a derrière est incroyable, j’admire le travail fournit et le fait de créer des émotions fortes chez les spectateurs. L’artiste qui m’a véritablement marqué est Yann Frisch. J’ai eu la chance d’assister à son spectacle Le Syndrome de Cassandre que j’ai adoré. En effet, ce mélange de clown, magie, histoire… tout est bon. Un spectacle à voir pour la technique comme pour l’écriture. J’ai également vu son dernier spectacle, qui est dans la même veine : Personne. Un spectacle déroutant, où il joue des personnages avec de fortes personnalités. Son jeu est de qualité avec une énergie folle et les tours de magie, qui sont inclus dans l’histoire, sont dingues. J’admire le travail qu’il fournit, j’ai eu la chance de le voir en conférence pour son numéro Baltass. Je trouve que la conférence est encore plus folle que le numéro. En effet, on voit tout le travail de précision qu’il y a eu en amont, tout est calculé, les rires, les temps faibles, forts, rien n’est laissé au hasard et la technique est juste incroyable. Il est clair qu’il n’est pas champion du monde pour rien ! Enfin, il y a les livres de Jacques Delord, qui m’accompagne encore et encore. J’ai tellement de magiciens à vous citer…
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Le mentalisme, les techniques psychologiques. La magie avec des objets du quotidien ou non : billets, Rubik’s cube… et cartes. La magie pour enfants. Tout ce qui peut impacter mon discours lors de mes interventions (pk touch, test tactile…)
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’ai été influencé par des films comme Jumanji, Hook… Ces films ont stimulé mon imaginaire, quand je suis devenu magicien, j’ai créé mes spectacles autour d’histoires. J’aimerais un jour que le spectacle que j’ai en tête, sur un personnage qui a marqué l’histoire, voit le jour. J’affectionne particulièrement raconter un conte au public et les amener dans mon univers.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Franchement, je ne sais pas car chaque personne est différente et voit donc les choses différemment. Mais je vais essayer de répondre à la question en m’y prenant autrement. Je vais donc me reformuler la question, tu veux bien ? Quel conseil et quel chemin pourrais-tu conseiller à l’enfant de huit ans que tu étais, quand tu as commencé la magie ?
Je lui dirais de continuer ce qu’il fait mais, pour gagner du temps, de chercher son personnage, de prendre des cours de théâtre, de découvrir qui il est et qui il souhaite être. Il doit lire les livres, au lieu de regarder des DVD, afin de stimuler sa créativité et son imaginaire. Il ne doit jamais baisser les bras et s’autoriser à oser. Oser monter sur scène, oser se montrer, oser partager. Cela permettra de booster sa confiance en lui et lui donnera envie de travailler plus. Il ne doit pas avoir peur de l’échec et doit avoir cette phrase en tête, qui fait sens : « Je ne perds jamais, soit je gagne soit j’apprends ». Le travail paie, lance-toi et tu verras.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je ne peux la juger, les temps changent et il faut s’adapter. Néanmoins, je vais parler de moi, j’ai du mal avec les réseaux sociaux, mais il faut que j’y sois présent. J’ai du mal avec toute cette magie commerciale, tous les jours « le tour de l’année » sort… Cependant, en même temps, je vois des magiciens qui créent des effets incroyables, proposent des choses avec les nouvelles technologies qui changent la vision de la magie, comme Kévin Micoud ou Étienne Saglio… Il faut savoir se renouveler, chercher ce qui parle au public, ce qui le touche.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Une très grande importance ! Il faut vérifier nos informations, dans nos spectacles, les spectateurs sont à l’écoute et nos mots ont un poids. Lors de mes prestations, je fais attention au public que j’aborde, chaque personne à une culture qui peut être différente et il faut prendre en compte cela dans les choix des tours, mais également dans le discours. Il peut y avoir de fortes croyances qui peuvent créer un climat gênant suite à un tour de magie. Il faut savoir s’adapter à son public.
La culture à un impact dans notre style, nos présentations, nos histoires. Notre sensibilité est différente. Je suis curieux, j’aime apprendre, découvrir… Cela impacte ma magie, mes spectacles. Un exemple concret, j’ai beaucoup écouté, lu, regardé des témoignages sur le harcèlement scolaire et j’ai changé mon action en ayant en tête tout ça, pourquoi ? Car mes expériences ne soulignaient pas l’essentiel, ce qui ressort à peu près à chaque situation d’harcèlement, comme la perte de confiance en soi, d’estime de soi, le discernement, les violences répétées, les témoins, l’entraide…
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’aime les sorties, le théâtre, les escape games, l’improvisation théâtrale. J’adore jouer aux jeux de société, surtout les jeux de stratégie où il y a un peu (beaucoup) de manipulation. Lire du Stephen King. Et j’apprécie particulièrement jouer aux Playmobil avec mes fils dans notre monde imaginaire ! J’aime jouer avec l’esprit, voyager en restant sur place, donc si vous avez des univers à me faire découvrir, je suis preneur.
– Interview réalisée en juin 2023.
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– La vidéo de présentation de l’action de sensibilisation au harcèlement scolaire
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