Ecriture : Maud Delmar. Mise en scène : Timothy Meyers. Comédien : Nathan Desnyder. Production : Théâtre La Boussole. Spectacle pour enfants à partir de 4 ans. Création : septembre 2019.
Le spectacle commence par une belle projection vidéo qui plante l’histoire. A la fin du XIXe siècle, le Professeur Spank, grand ami d’Houdini, conçoit une machine à disparition qu’il présente à l’Exposition universelle de Paris en 1900. Celle-ci fera disparaître pour de bon le célèbre magicien, perdu dans les dédales du temps…
De nos jours, un jeune homme nommé Maxime parcourt les libraires des quais de Seine et tombe sur un bouquin de magie intitulé : Le Grand Livre de Magie du Professeur Spank. Il y trouve à l’intérieur une baguette et une lettre qui stipule que l’heureux propriétaire du livre est l’héritier de l’atelier de magie du Professeur. Maxime se rend donc à l’adresse de l’atelier. Les portes s’ouvrent et laissent découvrir une pièce remplie d’accessoires du XIXe siècle rétrofuturistes dans le style du Steampunk. La voix off du Professeur1 souhaite la bienvenue à Max qui va devoir faire ses preuves au niveau magie, s’il veut aider Spank à revenir dans le monde réel. C’est avec l’aide des enfants que Max va s’initier à cet art méconnu en treize étapes.
Max s’approche d’une cabine de transformation et change de costume instantanément (Quick change). Ainsi, il ressemble plus à un apprenti magicien. Un enfant l’aide à choisir un chapeau (gag du chapeau trop grand sur la tête de l’enfant et éventail de cartes se transformant en chapeau). Après avoir pris la bonne coiffe, c’est au tour de la baquette magique. Max tend à l’enfant différentes baguettes qui sont toutes l’occasion de gags (« baguette molle », « baguette télescopique », « baguette plumeau », « baguette géante »).
Max trouve des « graines magiques » et fait apparaître, avec un peu d’eau, des fleurs en bouquet d’un pot vide (après la formule magique « Spankadabra », qui sera le leitmotiv du spectacle).
Une spectatrice choisit une carte au hasard, qui est déchirée à 1/3 et roulée sur elle-même. Le printemps étant le renouvellement de la nature, la carte disparait dans la main du magicien et est retrouvée dans une orange qui apparait d’un arbuste (Référence : l’Oranger Fantastique de Robert-Houdin). Le bout déchiré correspondant au reste de la carte.
Après ces échauffements magiques, Max est prêt à affronter les treize étapes qui le conduira à Spank, comme Hercule et ses « douze travaux ».
Tour n°1 : La pièce manquante
Un portrait du Professeur Spank est disposé sur un chevalet sous forme de puzzle dont il manque une pièce. Max propose à un enfant de tirer, au hasard, un morceau dans un grand filet transparent où se trouve une centaine de pièces. Au bout de trois essais, avec la formule « Spankadabra », il tombe sur la bonne pièce pour reconstituer le puzzle. (Référence : Sac à échange)
Tour n°2 : La tour Eiffel reconstituée
Un modèle réduit de la tour Eiffel est présenté aux enfants, mais il manque le troisième étage. Max prend un sac noir avec un peu de « poussière de ferraille » et tape sur le dessus de la tour avec un maillet pour faire apparaître le haut de l’édifice.
Tour n°3 : La fée électricité
Max allume et éteint une ampoule sans son socle, entre ses mains. Il fait ensuite voyager la lumière entres ses deux pouces. (Référence : D’Lite)
Tour n°4 : Le coffre héroïque
Max trouve dans l’atelier un comics de Superman et une mini cape de son héro préféré. Si on porte cette cape, on a des super pouvoirs. Max découvre alors un coffre qui contient de la kryptonite. Il se bat avec et cela ne l’empêche pas de faire semblant de voler dans les airs devant une projection vidéo. Une saynète qui tombe à l’eau, sans effets magiques.
Tour n°5 : Le phonographe fou-fou
Sur une musique des années folles, un grand ruban de foulards est sorti du « pavillon » du gramophone…
Tour n°6 : Les chaines du grand Houdini
Un spectateur est invité à déverrouiller les cadenas de menottes et de refermer les chaines avec ces mêmes cadenas sur les poignets de Max. Un foulard est disposé sur les doubles menottes et l’apprenti escapologiste se libère une main par deux fois (gag), puis les deux mains. (Référence : Les menottes d’Houdini)
Tour n°7 : Les ailes d’Icare
Max chausse des ailes mécaniques. Un appareillage rétrofuturiste du plus bel effet. Il s’équipe ensuite d’un casque et de lunettes. Une projection vidéo l’emmène dans un ciel étoilé où gravitent de nombreux objets volants non identifiés. Max saisit alors un devant d’avion et fait semblant de voler… à terre. On attend en vain un effet de lévitation, même léger, mais rien ne vient !
Tour n°8 : L’œil magique
Un portant avec un œil en spiral est amené en avant-scène. Celui tourne sur lui-même provoquant un effet optique. Si les spectateurs fixe le centre de cette spirale pendant 30 secondes et regarde ensuite le visage de Max ; il se déforme. Un principe très basique qui marche une fois sur deux suivant les personnes.
Tour n°9 : Le bras à lévitation
Max enfile une armure sur son avant-bras et, grâce à elle, fait léviter un guéridon. Seul puis avec l’aide d’un enfant. (Référence : Floating table de Dirk Losander)
Tour n°10 : La machine à lire dans les pensées
Un enfant est affublé d’un « casque récepteur » sous la forme d’une passoire. Il pense alors à une carte de son choix. Celle-ci se retrouve retournée face en bas dans un jeu ou toutes les autres cartes sont face en l’air. (Référence : Brainwave deck)
Tour n°11 : Vapor Vaporis
Comment produire de la vapeur d’un appareil rouillé ? Max utilise une vieille radio avec une rallonge et branche la prise pour l’allumer. Les deux prises n’arrêtent pas de se déplacer sur le fil et la radio disjoncte à chaque fois avec les effets sonores et musicaux qui vont avec. Certainement la saynète qui marche le mieux et dont la mise en scène tient la route, même si on ne comprend pas la problématique du départ… (Référence : Unplugged de Ruben Vilagrand sur une idée du Pavel’s Super Walking Knot)
Tour n°12 : Le cocktail de l’alchimiste
Un table avec une machine à coudre et différents récipients font face au public. Max va préparer différents cocktails avec un enfant. Il verse un liquide bleu, un rouge, puis un vert dans un shaker et boit la mixture. Il en ressort de sa bouche un ruban multicolore. Ensuite, trois liquides de différentes couleurs sont versés dans un seau à champagne. Max prend trois gobelets transparents et ressort, un à un, les trois liquides séparément. Le seau est ensuite montré vide. (Référence : The Cocktail de Gustavo Raley)
Tour n°13 : Le tapis volant du Fakir
Une fillette avec un chapeau de fakir est invitée à s’asseoir sur un tapis posé sur un socle avec deux barres frontales. Les deux barres sont alors enlevées une à une, ainsi que le socle. La fillette lévite dans les airs sur le tapis tournant et un grand anneau est passé par deux fois autour d’elle.
La machine à disparition
Après avoir réussit avec succès les « treize tours mythiques », Max est enfin prêt à faire revenir le Professeur Spank dans l’époque contemporaine. Il entre dans la machine à disparition (une grande boîte sur roulettes) avec une lumière à la main. La lumière s’éteint et Max réapparait au fond de la salle. Le Professeur Spank réapparait sous forme d’image dans la projection vidéo et Max finit la représentation en chantant sur une musique des années folles.
Avec ce dernier tour, nous touchons le fond de la médiocrité. Comment peut-on faire croire aux enfants la réapparition du jeune Max alors qu’il n’a même pas disparu de la boîte ? Du non sens. Non, Monsieur le metteur en scène, une lumière qui s’éteint ne suffit pas à faire disparaître un homme. Montrer la boîte vide aurait été dans l’ordre des choses, tout comme faire apparaître le Professeur Spank, en chair et en os, dans sa machine pour terminer correctement la représentation. Incompréhensible.
Conclusion
Sous prétexte d’un spectacle « jeune public », on sert aux enfants des tours de magie basiques, simplistes et bâclés. C’est, une fois de plus, rabaisser notre art à « un gentil divertissement pour enfants » ! Erreur grossière car on sait très bien que ce public est le plus exigeant qui soit et n’est pas dupe de ce qu’il a devant les yeux. C’est un profond mépris à leur intelligence. Nous sommes à des années-lumière du formidable travail accompli par des Peter Din, Paul Maz, Sébastien Mossière ou Anaël, qui eux respectent profondément leurs « petits » spectateurs et les tirent toujours vers le haut.
Niveau histoire, c’est du basique et le déroulé du spectacle n’offre aucune surprise dramaturgique, déroulant les tours comme on travaille mécaniquement sur une chaine de montage à l’usine…
Sinon, y-a-t-il un conseiller technique dans ce spectacle ? A en croire le répertoire choisi2 et surtout l’exécution des tours, le théâtre n’avait peut-être plus de budget pour se payer le regard d’un magicien qualifié ? L’argent de la production étant partie dans les décors et les réalisations vidéos ? Résultat, une copie à revoir de A à Z car la pratique de la prestidigitation ne supporte pas l’approximation !
Tout comme l’on ne s’improvise pas comédien quand on est magicien, on ne s’improvise pas magicien quand on est comédien. Nous en avons un parfait exemple avec ce spectacle. Il est louable, et même logique ici, de confier le rôle d’un « apprenti illusionniste » à un comédien3. Mais ce n’est pas une excuse pour lui faire bâcler ses tours (même truqués et automatiques) et de l’envoyer au casse-pipe. Car malgré lui, il débine nombres d’effets et de principes et ternit l’image du magicien.
Notes :
1 La voix off de Spank, qui accompagne Max, est celle de Benoît Allemane, la voix française de l’acteur Morgan Freeman.
2 On retrouve, en quasi majorité, des tours pour débutants vendus chez les marchands de trucs ou accessibles au grand public dans les boîtes de magie commerciales. Toutefois, une incohérence demeure : Comment peut-on investir 400€ dans un tour professionnel (Unplugged de Ruben Vilagrand) alors que le reste est du « premier prix » ?
3 Depuis septembre 2019, c’est le troisième comédien que le Théâtre La Boussole emploie pour jouer le rôle de Max. Après Clément Gustave et Christophe Sellier, c’est Nathan Desnyder qui reprend le flambeau. Issu des Cours Florent, il suit une formation en comédie musicale et en chant. Il est très marqué par le style Disney, ce qui se voit sur scène.
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