Comment est née l’aventure Magicus ? Quelles volontés vous ont animé ?
J’étais nul à l’école sauf en français. Mon prof m’avait donné le goût d’écrire quand j’avais quinze ans. De là je suis venu au « journalisme » en autodidacte qui a rejoint ma passion de l’époque qu’était la magie. Nous étions un petit groupe de lycéens passionnés de magie et on se réunissait dans l’atelier de mon grand-père devenu un mini-théâtre tous les mercredis après-midi. Un jour j’ai apporté le numéro 1 de Magicus en cinq exemplaires, sans avoir l’idée de continuer et surtout de proposer des abonnements… Puis Fanch Guillemin, avec qui je correspondais, a fait un court article en 1980 dans L’Illusionniste dont il était le directeur de la publication. Et j’ai reçu une vingtaine de courrier de magiciens qui voulaient s’abonner !
Quelles sont les activités de votre association ?
A 90% le magazine. Puis l’organisation de conférences : nous fêterons la 200ème conférence organisée cette année ! Nous avons aussi organisé 12 festivals à Toulouse et 2 au Maroc. Nous animons des stages d’initiation durant l’été.
Quelle est la ligne éditoriale de votre magazine ?
SURPRENDRE, OSER, INVESTIGUER, OBSERVER ; en clair : considérer que l’art magique est vivant, ancré dans la vie quotidienne et donc lié à l’actualité même si nous aimons évoquer des magiciens et des faits du passé qui sont notre socle culturel.
Premier stand Magicus au Congrès Français de l’Illusion AFAP de Nancy en 1983 (Didier Puech à droite).
Comment réagissez-vous face aux nombreuses polémiques et controverses qui vous entourent ?
C’est normal ! Nous sommes un magazine MILITANT, engagé, qui fait du bruit dans le ronron de la presse magique française. Nous avons aussi énormément de magiciens qui AIMENT NOTRE DIFFERENCE. Certains de nos détracteurs les plus virulents ne nous aimeraient que si l’on écrivait du bien d’eux ! Au fil des années je crois que Magicus magazine est respecté car nous sommes invités à peu près partout et lu par un très grand nombre de magiciens (les vrais abonnés et ceux qui nous feuillettent à la sauvette !).
Est-ce que le fait de « provoquer les choses » fait partie de votre motivation à bousculer le monde bien-pensant des prestidigitateurs ? Quel est votre but au final ?
C’est le minimum syndical ! Bousculer les choses, selon nous : fait AVANCER LES CHOSES ! On n’a pas la prétention d’y arriver mais nous essayons… Nous sommes des OBSERVATEURS du monde magique, tout simplement. Le regard critique est la base du journalisme. La critique dans les deux sens car nous écrivons souvent du bien des magiciens, spectacles, livres, etc. Mais une critique dure fait davantage de bruit qu’un article élogieux !
Notre objectif n’est pas de BOUSCULER LE MONDE BIEN-PENSANT mais peu importe si nous bousculons : nous informons le plus honnêtement possible nos lecteurs. Notre but final est de donner la parole à ceux qui ont des choses à dire (12 chroniqueurs) et tenter d’éclairer un peu le monde magique avec des infos, des reportages, des analyses, des commentaires… sans oublier l’humour qui est lié à notre image de marque… Ecrire du bien de tous pour garder un poste relève d’un autre domaine que le journalisme.
Parlez-nous de l’organisation du « Festival magie blanche sur la ville rose ».
12 éditions de 1989 à 2006. Des centaines de magiciens internationaux sont venus et je crois que nous avons fait du bon boulot, rarement j’ai entendu des magiciens engagés dire autre chose que : « on a été bien reçu, très convivial, belle ambiance ». Il est devenu difficile d’obtenir des partenariats avec la Mairie de Toulouse, le département ou la région, mais j’ai un scoop : nous préparons pour octobre 2014 un Festival tout à fait original : le MIAM (cherchez !). Nous comptons sur un gros sponsor, le meilleur de tous : NOUS-MÊMES !
Parlez-nous de la création du Festival International « Souffle Magique » au Maroc.
J’adore ce pays que je fréquente depuis 23 ans, non pas en touriste mais en voyageur. Grosse différence. Au début je « fuyais » là-bas pour ne pas entendre parler de magie qui est, finalement, l’essentiel de ma vie. Puis j’ai rencontré des magiciens marocains avec qui j’ai sympathisé, notamment Youssef Chouiter qui est devenu mon meilleur ami au Maroc. On a organisé ensemble, avec Achour, Mohcine et quelques autres amis, le Festival au Maroc et j’ai appris à découvrir que « voyageur » et « organisateur » sont deux « métiers » bien différents !
Didier Puech et Youssef Chouiter (Photo : Alain Sénéchal).
J’ai donné toute mon énergie et mon coeur pour AIDER les jeunes magiciens locaux (on a offert 2000 € de cadeaux en concours) et n’ai reçu que très peu de retours positifs. Sans doute les cicatrices de notre colonisation ? Je ne sais pas. Une grosse différence culturelle, sans doute, et ça me fait râler car les Marocains sont des gens formidables auxquels il manque un cadre, une structure, des règles… On a fondé Les Amis de Magicus au Maroc qui va sans doute organiser, ponctuellement, des conférences.
Depuis 2012 j’ai renoncé à organiser d’autres festivals et j’ai fait un grand tri parmi mes « amis » magiciens au Maroc en passant de vingt à six… Je regrette de ne plus organiser de Festival au Maroc car de nombreux jeunes magiciens débordent de talent mais veulent absolument s’occidentaliser avec le pire de la magie occidentale vue sur les réseaux sociaux… Youmachin est devenu la référence culturelle, autant dire que c’est du vent !
Comment s’est concrétisée la collaboration avec l’Ecole des Arts du Cirque de Toulouse ?
On remonte loin ! En 1988. J’avais proposé au Lido (Ecole du Cirque de Toulouse) un atelier de magie qui a fonctionné durant plusieurs années. J’ai eu comme « élève » celui qui m’a dépassé en célébrité : Sébastien Clergue. On en rigole aujourd’hui… A l’époque il me demandait timidement de lui présenter des magiciens dans les congrès : « Tu peux me présenter Merlin, Brahma, Delord, Bébel, etc. ? » et lors de la FISM de Lisbonne en 2000 on marchait ensemble dans la rue et on a vu arriver au loin les bras ouverts VERS LUI : David Acer, David Williamson, Jeff McBride… « Oh ! Seb my friend ! ». Et ils se sont embrassés comme du bon pain tandis que je tenais le sac à main… Je lui ai demandé en riant : « Seb tu peux me les présenter ! »…
Pour finir sur une touche poétique, parlez-nous de Jacques Delord que vous avez bien connu…
J’ai plein de choses à dire sur lui mais je suis de nature pudique et je garde pour moi les anecdotes trop personnelles. Pour autant on vient de publier un numéro de Magicus magazine suite à l’excellent hommage que lui a consacré La Maison de la Magie de Blois en novembre 2013, sur fond de réédition de la Trilogie.
Photo extraite de la couverture du Magicus Magazine N°188 de novembre-décembre 2013.
C’était un grand monsieur, humainement et artistiquement. Et surtout fidèle en amitié sur la durée, chose rare. Il me manque à titre personnel et je crois que sa vision de l’art magique avait quelque chose d’intemporel, aussi il aurait encore toute sa place dans les colonnes de Magicus magazine.
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Interview réalisée en décembre 2013. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Magicus magazine – Didier Puech. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.