Extraits de la revue L’Illusionniste, N° 4 d’avril 1902 et N°31 de juillet 1904
Nous extrayons de Simple Revue l’anecdote suivante : II y a… plusieurs années, deux très jeunes gens, presque deux enfants se présentaient au théâtre Robert-Houdin pour prendre leur place au spectacle… Ce n’étaient pas des « premières» qu’ils demandaient !… Et en vidant leurs poches, décimes par décimes, en un gros tas de cuivre (de ce pauvre cuivre si sale d’avoir roulé entre tant de pauvres mains) ils en comptaient le prix sans doute amassé patiemment depuis bien des jours ?
— Je ne veux pas de tous ces sous ! s’écria la buraliste.
— Mais nous n’avons pas d’autre argent…
— Allez changer quelque part… Que voulez- vous que je fasse de çà…?
Les deux gamins ramassèrent leur billon, et s’en allèrent passablement humiliés, chez un marchand de vins qui consentit à leur donner des pièces blanches contre leurs humbles « patards ». Quelques instants après ils s’asseyaient enfin tout frémissants dans la petite salle où les attirait un intérêt particulier pour la prestidigitation. Ces deux gentils gamins aux yeux vifs, aux physionomies décidées, s’appelaient Emile et Vincent Isola.
Les frères Isola, sont nés à Blidah ; bien qu’ils portent un nom étranger, ils sont français. C’est au commencement de 1892, qu’ils se fixèrent au boulevard des Capucines, dans une salle qui servait à des conférences et qui dès lors prit le nom de Théâtre Isola. Le « Tout Paris » défila dans ce petit local pour applaudir les stupéfiantes productions que les deux magiciens renouvelaient à chaque saison. C’est ainsi qu’on vit successivement : Pierrot aux Enfers, La Malle Moscovite, Le Poids lourd et léger, présenté d’une façon magistrale, le Phénomène aérien, la plus extraordinaire suspension dans l’espace, qui ait jamais été faite, les fameuses Lyres Isoliennes, la Suggestion musicale, le Piano mystérieux et les Automates musiciens, etc., etc., enfin, le Bottin ou Océan de Lumières qui mit le comble à l’étonnement des spectateurs.
Les deux frères exécutant le Phénomène aérien.
Leur succès fut éclatant, les salons les plus aristocratiques se disputaient à coup de banck-notes, leurs séances particulières. Mais après la renommée vint l’ambition ; ayant étonné Paris, comme artistes, ils voulurent l’étonner comme impresarios. Parisiana, malgré sa situation privilégiée sur les boulevards, faisait à ce moment de piteuses affaires ; ils en acceptèrent hardiment la direction et, bientôt, sous leur impulsion, cet établissement prit la place prépondérante qu’il méritait. L’année suivante, la direction de l’Olympia se trouvait vacante. Enhardis par le succès, ils se mirent sur les rangs, furent choisis par les actionnaires, qu’ils remboursèrent afin de rester seuls, et bientôt, le public vint en foule à cet établissement qu’il paraissait avoir délaissé.
En décembre 1901. MM. Isola se rendirent acquéreurs des Folies-Bergère et, les music-halls ne suffisant plus à leur activité, ils devinrent directeurs du Théâtre Municipal de la Gaîté, donnant ainsi le spectacle d’une fortune rapide à laquelle tous ceux qui les connaissent sont heureux d’applaudir. Se souvenant de leur ancienne profession, les frères Isola font toujours un excellent accueil aux Prestidigitateurs. C’est en reconnaissance de ces bienveillants sentiments que la Chambre Syndicale de la Prestidigitation, a offert sa Présidence d’honneur aux Frères Isola, qui ont acceptée.
J. C.
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