Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
J’ai rejoint le monde de la magie quand j’avais huit ans avec un coffret de magie offert à Noël par mes parents. Un coffret de Gérard Majax haut en couleur qui m’a embarqué dans les rêves avec des objets étranges et leurs pouvoirs magiques. Merci Monsieur Majax !
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Rapidement devant mon enthousiasme, mes parents m’ont inscrit dans une association de magie près de Bourges. Association qui avait ses locaux dans un restaurant spectacle et qui permettait de s’entrainer et surtout de voir des « grands magiciens » en représentation. Les membres m’ont appris des bases solides en manipulation de cartes, de pièces, de foulards, cordes et boules en strass Excelsior. J’ai appris à construire mes premiers tours, à mettre en place mes premières routines et à habiller l’ensemble en musique.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé ?
J’ai passé mon enfance dans un cabaret que mes parents tenaient. Aussi, très vite, vers l’âge de dix ans, j’ai rejoint la scène avec mes colombes, mes perruches, les foulards et les boules Excelsior. J’ai rangé mes tours dans une valise à vingt ans pour me consacrer à ma vie professionnelle dans l’audiovisuel. En 2020, le Covid a mis en standby mon activité de réalisateur et m’a permis de me poser les bonnes questions sur mes rêves. La magie est remontée en surface et peu de temps après est venu l’envie de créer mes propres tours. Des tours qui me correspondaient, qui correspondaient à mon univers. Et j’ai pris la décision de fonder MAGIC CLOVER SHOP. L’enfant magicien s’était réveillé après des années de sommeil…
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai deux domaines de compétence, les cups et la création de routines spirites dans un univers XIXe siècle avec des ambiances victoriennes. Je possède ma salle spirite non loin de mon atelier, je peux passer de l’un à l’autre pour essayer, tester et toujours recommencer…
Vous êtes le gérant du MAGIC CLOVER, une boutique qui propose des accessoires et tours de magie bizarre artisanaux de grande qualité en édition très limitée. Comment et pourquoi est né ce projet ? Quelle est votre clientèle ? Votre boutique est-elle ouverte au public ?
Eh bien tout simplement, j’ai repris le dessin, mes carnets de croquis et mon ordinateur Mac et je me suis mis à « rêver » de mes tours. Très vite, j’ai décidé de créer MAGIC CLOVER qui me permettrait de montrer mon travail. Je voulais des objets dont le design soit au plus près de la réalité. Pour moi, une boîte ancienne retrouvée avec sa clé, doit ressembler, à s’y méprendre à une boîte ancienne avec sa clé. Pour donner un autre exemple, je passe des heures à donner aux objets que je propose un look, « sorti d’un vieux grenier » comme je peux passer des jours à rechercher les petites fioles de parfum que moi, j’aimerais trouver dans cette boîte. Et l’important pour moi, est de conserver cette dynamique de création. C’est la raison pour laquelle je réalise souvent des tours uniques ou en petites quantités. Je refuse de tomber dans une routine ennuyeuse.
D’autre part, depuis mon enfance, j’ai la chance que tout m’intéresse : la menuiserie, la mécanique, l’électronique, la serrurerie, etc. Je pense que pour construire un tour il vaut mieux être pluridisciplinaire. J’ai fait le choix de me positionner dans un univers spirite que j’affectionne tout particulièrement avec cette période du XIXe siècle où la science côtoie les pouvoirs occultes, les romanciers font tourner les tables et les théories « spirites » mettent à mal la réalité. J’ai une clientèle à l’international, mais avec une forte empreinte dans les pays anglo-saxons qui sont assez friands de mes ambiances. Je n’ai pas de boutique ouverte au public. J’ai deux studios de création et un atelier où je réalise les découpes du bois, les montages électroniques, l’impression 3D, etc. Mais j’ouvre volontiers mon espace de création pour les magiciens qui peuvent avoir des besoins de réalisation spécifique ou simplement pour échanger.
Comment fabriquez-vous vos tours, objets et accessoires ? Avez-vous des assistants et collaborateurs ? Où est situé votre atelier ? Comment concevez-vous vos créations ? Quels sont vos inspirations ?
Tout commence avec un croquis, des notes sur un carnet et des maquettes en carton. Dès que j’ai une idée je la note, je peux la laisser tomber pendant des semaines voire des mois, puis je reviens dessus quand j’ai le déclic pour la construction. Je réalise seul l’ensemble des créations, du graphisme en passant par la construction, la peinture, le packaging, etc. Mon atelier se situe en Pays de Brenne, dans le bas Berry un haut lieu de sorcellerie empreint de fantômes et de sorciers avec qui on ne plaisante pas. Dans mon environnement proche se trouve d’ailleurs un château qui a sa large part de légendes. Ce lieu participe à ma création. Mes tours ont souvent comme genèse des choses simples comme un clou rouillé, une vieille serrure, une branche de tilleul, des vieilles photos. Souvent une photo sur laquelle j’ai soudain l’impression qu’un regard m’y observe. C’est extraordinaire ce qu’un visage, qui semble vous observer, peut contenir de choses ! Essayez, vous verrez ! Plongez votre regard dans celui d’un être humain disparu depuis plus d’un siècle. Vous ressentirez ce qu’il a à vous dire.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
J’ai eu la chance enfant de rencontrer Harry Lorayne de passage en France et de passer une soirée à sa table. À l’époque je n’avais pas pris la dimension de cet immense cartomane. J’ai aussi été subjugué par ALPHA (Le magicien qui joue son propre rôle dans le film Papy fait de la résistance) avec qui j’ai pu échanger pendant des mois quand il était en spectacle chez mes parents. C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier pour construire mon premier spectacle avec des oiseaux. Et j’ai aussi croisé la route de Myr et Myroska, les génies d’une magie simple avec un impact puissant.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Je n’ai pas de préférences particulières. Peut-être le close-up car j’ai commencé avec des cups, mais dans l’ensemble j’aime la magie qui nous fait imaginer l’existence d’un autre monde.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Je suis passionné d’art depuis mon enfance avec des dominantes comme la peinture, la sculpture, la musique. Je suis un admiratif des créations de Léonard de Vinci, Vermeer, Escher (ses dessins sont diaboliques) et tant d’autres. J’ai des goûts très éclectiques en musique ce qui me permet d’intégrer un large panel à mes ambiances sonores pour lesquelles j’apporte un soin tout particulier, car c’est pour moi un élément déterminant qui permet d’embarquer le spectateur dans mon univers. Je suis toujours aussi admiratif des constructeurs de génie comme Thayer, Owen Magic Supreme, ainsi que Claude Klingsor que je redécouvre souvent.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
De croire toujours dans ses rêves. Vous allez sans certainement douter parfois, souvent peut-être, mais rien n’est grave car le secret de la réussite est assez simple : c’est le travail.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je suis toujours aussi émerveillé par les créateurs dans toutes les catégories, j’aime être surpris avec des choses simples. Dernièrement, j’ai vu Gabriel Werlen au congrès FFAP à Poitiers réaliser son tour Héritage. Il résume à lui seul ce que je pense de la magie, on peut émerveiller et faire rêver avec des choses simples sans forcément avoir besoin de s’entourer d’objets électroniques en tout genre qui servent souvent à rassurer le magicien mais qui lui font oublier l’essentiel : l’histoire et la narration.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La culture c’est avant tout des bases. Il faut qu’elles soient solides pour permettre de peindre son univers, de construire sa routine, d’écrire son histoire. Le magicien est pour moi avant toute chose, un narrateur qui élève le conte et emmène les spectateurs dans l’ailleurs. Personnellement, je suis plus un rêveur de la magie qu’un « expert » avec une chaire en histoire de la magie…
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Les brocantes pour la découverte de vieux objets, de vieux papiers. Tout ce qui touche à l’herboristerie, de la culture de plantes anciennes oubliées jusqu’à des essais de recettes retrouvées… y compris des recettes de liqueurs anciennes que je goûte volontiers.
– Interview réalisée en août 2023.
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