MON DERNIER SHOW DE LANCE…
Le 4 septembre 2010, Lance Burton (1) est rentré chez lui après 14 ans de bons et loyaux services. Ainsi que le proclamaient les panneaux, « la légende va s’arrêter, mais elle demeurera pour toujours »… Bon, je me suis dit « je vais y aller, parce qu’au train ou vont les choses, c’est pas demain que je vais le revoir ». Comme je m’étais baladé sur Internet j’avais vu qu’on pouvait demander « le spécial » et avoir des places à 49,99 $. La fille du guichet n’en avait jamais entendu parler, mais elle m’a consenti un rabais de 25 %, ce qui a ramené mon billet vers les 65 $. En plus, j’étais au premier rang absolument au milieu, ce qui fait que je n’ai pas pu prendre de notes… mais bon, j’avais déjà vu le show neuf fois et au sortir du spectacle, j’ai noté tout ce qui me revenait. Je crois ne rien avoir oublié, mais peut-être vais-je me tromper dans l’ordre de certaines illusions.
Avant de démarrer la description, je voudrais faire deux ou trois remarques. En 14 ans, Lance ne s’est pas reposé sur ses lauriers : il a changé son show plusieurs fois. Pas entièrement, mais par petites touches et il a essayé un certain nombre d’illusions (principalement de Jim Steinmeyer) afin de garder au show toute sa fraîcheur. (Penn & Teller font de même).
Ainsi je l’ai vu faire la spectatrice sciée en deux et surtout la machine infernale dans laquelle il tenait je crois le rôle du lapin ! Il a été aussi le seul à faire une routine de chaussure qui brûle avec un petit gosse. C’est lui qui le premier a déguisé un enfant pour en faire un magicien en se plaçant derrière lui. Lance le faisait monter sur un tabouret et je dois dire qu’au niveau du rythme, des effets, de tout ceux que j’ai vu, c’est lui qui le fait le mieux. Enfin, pendant plus d’un an, il a fait le sac à l’œuf avec deux gosses en multipliant les œufs qui finissaient par tomber par terre. Routine appartenant à l’histoire et qui sans lui serait aujourd’hui quasiment oubliée.
Mais pour le « run final », Lance a repris le show du début (à l’exception du backstage avec la cabine aux canes) en rajoutant ce qui lui avait semblé le mieux au cours des années, ce qui fait que nous avons eu droit à un show d’environ 1h40 ce qui est inhabituel à Vegas. Show dans lequel Mikael Goudeau fait office d’entracte et permet à Lance de se changer. Je ne sais pas si c’est parce que c’était la fin, mais j’ai trouvé Lance d’une gentillesse extraordinaire : sympa, cool, souriant. Pas pressé, faisant ce qu’il a envie de faire. Quelque part, ça sentait la quille !
C’est le diable qui démarre le show avec les rubans blancs qui vont voler au dessus des spectateurs. On assiste à une blue room dans une sorte de cabine d’ascenseur située dans un premier étage, dans laquelle une forme dessinée, va se doter d’artères et de vaisseaux, puis devenir petit a petit Lance Burton lui-même en habit de soirée. Il va venir exécuter en taps une partie de son numéro de tourterelles, avec lequel il a gagné un grand prix il y a longtemps…
Puis le taps se lève et Lance monte sur une sorte de pont avec un escalier de chaque côté et, dans une sorte de cheminée de tissus, il va faire apparaître ses six girls une par une. Il est à noter que derrière l’appareil se trouve une glace qui descend du plafond à 45° comme dans la femme sciée de Alan Wakeling ce qui permet de voir ce qui se passe à l’arrière. Là encore on voit la patte de Steinmeyer.
Une serviette de papier blanc empruntée à une spectatrice se transforme en un canari qui placé dans une cage sphérique va léviter et voler pour finir retourner dans la boite. Change pour une demi zombie et transformation en flot ruban argenté qui coule au sol. Puis c’est l’illusion du phonographe décrite dans mon livre Las Vegas, le triomphe des magiciens (1997) avec réapparition de Lance dans la salle.
De retour sur scène, Lance, vêtu d’une cape, monte sur une table : disparition des six girls au pied (Guy Jarrett). Et il ouvre sa cape dont s’envolent six ou sept tourterelles. Puis c’est l’homme sans milieu dans une machine infernale avec apparition d’une fille dans la partie vide. Disparition de cette fille à la trappe dans une grande cape.
Double miss-made avec un homme et une femme. Les deux miss-made sont apportées sur un socle. A la fin, à la suite d’une erreur dans le remontage, l’homme porte une partie des habits de la femme et vice versa. Disparition de la cage à la manche avec une dizaine d’enfants. Puis vient ce qui avait fait scandale au début : la double lévitation, à partir d’un lit d’où s’envolent Lance et une danseuse, sans doute jusqu’au 7° ciel !
Rideau ! Et arrivée de Michael Goudeau en taps. Toujours aussi fêlé, avec ses poufs, son vélo, ses torches… il fait l’unanimité.
Apparition d’une voiture sous un dôme de plexi. Bon. Puis vient la routine des trois fantômes (Things That Go Bump In The Night créé par Jim Steinmeyer et popularisé par Doug Henning). Lance est habillé pour l’occasion en sorcier indien, avec une coiffe qui lui cache bien le visage, et la cabine est un tipi avec 2 miroirs à 45° pour cacher les filles.
Puis vient une routine que je n’ai vu faire que par lui et que l’on pourrait appeler « confusion autour d’une cabine téléphonique ». Une multitude de personnages : un policier, un « Jack the ripper », un clown, un médecin, une pute un boucher et peut-être oublie-je un personnage ! Un chassé croisé entre la cabine et une mail box bleue qui peut contenir un homme ; on s’y perd complètement et c’est ça qui est rigolo.
Chasse aux pièces avec un enfant et la baguette à pièces en taps avec un enfant de cinq ans. Le gosse est brave mais on le sent presque à ses limites. Le rideau se lève et Lance propose au petit gosse de monter avec lui dans la voiture ; celui-ci n’ose pas refuser et ils vont tous les deux disparaître dans un tunnel transparent, qui sera démonté un peu comme dans la disparition de l’éléphant.
Puis c’est l’arrivée des méchants : Lance est attaché et monté sur une potence et enfermé dans un sac. La trappe bascule, Lance doit être mort ! Erreur : le lustre descend doucement du plafond comme dans Phantom of the opera, Lance est à l’intérieur et il revient sur scène avec le petit gosse qu’on apporte de la salle et qui ne sait plus s’il doit rire ou pleurer. Lance lui remet un poster, un tee-shirt qu’on ne peut pas acheter dans le commerce : j’ai disparu avec Lance Burton le 14/08/2010. Tout est bien qui finit bien.
Puis c’est l’inévitable séquence « Versailles », avec les robes à panier, les canards, etc. Arrivée du méchant et c’est le duel à l’épée que tout le monde connaît avec les trois bougies qui se cassent et la réapparition de Lance dans les habits du méchant : vous avez tous ça chez vous en vidéo.
Final avec toute la troupe, et la voiture qui s’envole vers les étoiles. Saluts devant le rideau, le « chapeau boomerang » comme dans Goldfinger, et arrivée du fond de la salle d’une horde de tourterelles qui s’engouffrent dans l’espace compris entre le cadre de scène et le rideau, maintenu par Lance.
Et cette fois, c’est vraiment fini. Les gens sont contents ; moi aussi. Dehors, la boutique de magie a déjà été remplacée par un bar arctique dans lequel vous pouvez boire des vodkas dans des verres en glace. Le 5 septembre, un imitateur, sans doute bon, a remplacé Lance qui au bout de 14 années de bons et loyaux services est rentré dans ses foyers les poches pleines. Voulez-vous que je vous dise, Madame : « Lance Burton, on en dira ce qu’on en veut, mais de vous à moi, son départ, quelque part, c’est la fin d’une ère ! »
Note de la rédaction :
(1) Le tout jeune Lance Burton, âgé de six ans, fait une rencontre décisive lors d’une fête de Noël avec le magicien Harry Collins qui devient très rapidement son mentor et l’initie à l’art magique. Lance Burton participe à son premier concours en tant que « magicien junior » lors d’un congrès en 1977 et remporte le premier prix. Il obtient la « reconnaissance » de ses pairs en 1980, pour ses vingt ans, et devient le premier lauréat de la très convoitée « Médaille d’or pour l’excellence » de l’IBM.
Nouvelle star de la magie, Lance Burton est embauchée dans la revue des Folies Bergère au Tropicana de Las Vegas en 1982 dans un numéro de douze minutes à raison de deux représentations par soir, sept jours sur sept. Ce qui a commencé comme un essai de huit semaines s’est transformé en une résidence de neuf ! Burton décide de mettre sa carrière professionnelle entre parenthèse, le temps de participer à la FISM de Lausanne en juillet 1982. Il remporte alors le « Grand Prix » qui le consacre « champion du monde des magiciens ».
Magicien de l’année récompensé à deux reprises, il a ensuite écrit, produit et dirigé son propre spectacle Fire & Ice à l’hôtel Hacienda de 1991 à 1996. Le 12 mai 1994, Lance Burton reçoit le « manteau de la magie » du Maître magicien Lee Grabel, ce qui fait de Burton le nouveau membre de la « Dynastie royale de la magie ». Cet honneur, qui ne peut être ni acheté ni vendu, est transmis dans une lignée ininterrompue initié par Kellar à Thurston en 1908, à Dante en 1936, à Lee Grabel en 1955.
En 1994, il négocie le plus gros contrat qu’un magicien ait signé dans le futur hôtel-casino Monte Carlo. Un théâtre de 27 millions de dollars conçu selon ses spécifications et un contrat sans précédent de 14 ans.
1996 marque l’ouverture du Monte Carlo et les premières représentations de Lance Burton qui sont un résumé de ses expériences accumulées avec le temps, construites dans une magie familiale et spectaculaire, remplie de showgirls, d’effets spéciaux époustouflants et d’énormes saynètes théâtralisées avec une scénographie imposante. Burton s’est retiré petit à petit de la scène après la fermeture du spectacle en 2010.
Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Jean Merlin et S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.