Il arrive une bien bonne histoire à M. Kardec grand pourfendeur de fantômes… M. Kardec porte un nom célèbre dans le monde des sciences du mystère. Mais tandis qu’Alan Kardec – le vrai – avait fait de sa vie un véritable apostolat en faveur du spiritisme, M. Kardec – deuxième du nom – est parti en guerre contre ceux qu’il appelle « les exploiteurs des morts ». Pour M. Kardec – deuxième du nom – ceux qui croient communiquer avec les morts, ceux qui se disent possédés par les esprits des trépassés, et qui prétendent nous conduire au domaine des ombres, sont de dangereux farceurs, dont il ne faut pas se lasser de dénoncer les méfaits. Et, toute barbe dehors, M. Kardec poursuit sa croisade à travers les villes et les campagnes. « Comment ils mentent, comment ils volent, comment ils tuent, annonce M. Kardec ; les truquages des médiums démasqués, les fantômes matérialisés, etc. »
À ses conférences, M. Kardec ne manque pas de convoquer le curé de l’endroit ou d’invoquer son patronage. Et pendant trois heures d’horloge, l’orateur dresse contre les revenants, les spectres et les phantasmes un implacable réquisitoire. « Pourquoi ne poursuit-on pas, pourquoi laisse-t-on faire ces exploiteurs des morts, ces charlatans de l’au-delà, ces mercantis du mystère et de l’invisible, faux confidents des voix d’outre-tombe », conclut l’adversaire du spiritisme. « Si tant de personnes se croient envoûtées, si tant de pauvres gens crédules ou timorés se laissent escroquer ou entraîner vers le crime, c’est parce qu’ils croient aux esprits et aux revenants, et ce sont les spirites et leurs médiums qui sont responsables de cette croyance. » Ainsi parle M. Kardec, et, naturellement, ses paroles ne manquent pas d’avoir un certain écho, au fond des lointaines campagnes qu’il parcourt, auprès de tant de paysans tourmentés par des histoires de mauvais sort.
Dernièrement, à son hôtel, quelque part du côté de Vire ou de Fiers, un homme vint le trouver vers minuit. La voix sanglotante, il expliqua : « Ma petite fille va mourir. J’ai su que vous étiez dans la région. Je suis envoûté. Je vous en prie, ne me laissez pas comme cela. C’est un voisin, un paysan « qui lit dans les livres », qui m’a jeté un sort. Il m’a dit : « Tu sais comment je m’appelle. Tu te rappelleras mon nom toute ta vie. À partir de ce moment, les vaches n’ont plus donné de lait, le chien n’aboyait plus, les veaux crevaient ; j’ai été malade et ma femme aussi. Et maintenant, c’est ma gosse qui va mourir. Notre jument, achetée cinq mille francs, dépérissait, j’ai dû la revendre mille francs. Si vous ne pouvez pas me tirer de là, je vais tuer ma femme et mes enfants et me suicider ensuite. »
M. Kardec promit son intervention et, le lendemain, rendit visite à « l’envoûté ». Il dut examiner le bétail, car le bétail passe avant tout : le fourrage des vaches était mouillé, l’écurie était remplie de fumier, la nourriture des animaux se mélangeait à ses ordures. Le puits de la ferme était infecté. M. Kardec fit comprendre au cultivateur qu’il devait réagir et ne plus penser aux esprits malfaisants. « C’est tout ce que vous avez trouvé, répliqua le paysan. Il y en a qui sont plus malins que vous, ceux qui lisent dans les livres. Puisque vous n’y pouvez rien, ma détermination est prise : je vais tuer ma femme et ma gosse. »
Voyant son « client » si bas, M. Kardec prit le parti d’abonder dans son sens. Il fit le tour de la ferme et des étables en criant à la ronde : « Allez-vous-en, les esprits ! Zou, les esprits ! ». Le résultat ne se fit pas attendre, assure M. Kardec, les vaches redonnèrent du lait, les chiens aboyèrent, les veaux se portèrent mieux, la gosse fut sauvée. « Zou ! les esprits ! »
Mais, le métier de chasseur de revenants n’est pas toujours de tout repos. Récemment, une demoiselle Marie Lomer, domestique à Donville-les-Bains, près Granville, vint consulter M. Kardec. Elle se disait « encraoudée » par la famille Fleury, à Saint-Georges-de-Rouelley, où elle a été employée comme bonne pendant vingt ans. D’après elle, cette famille possédait des livres pernicieux, des livres de sorcellerie dont la seule présence répandait autour d’eux des fluides maléfiques. M. Kardec prit la résolution d’exorciser la demoiselle Marie Lomer, en s’engageant à aller réclamer les funestes livres de sorcellerie à la famille Fleury. Une entrevue eut lieu au Grand Hôtel de Granville. M. Kardec remit à « l’envoûtée » une petite croix en bois grossièrement découpée, sur laquelle le mot PAX était inscrit au crayon, et peinte avec des couleurs lumineuses. « Allez, dit-il, vous êtes maintenant délivrée des mauvais esprits qui vous tourmentent. » Et l’anti spirite, pour bien montrer qu’il n’était pas, lui, un pêcheur d’ombres, ajouta : « Ce sera, pour m’indemniser de mes frais, six cents francs. »
Mlle Marie Lomer remit la somme exigée, emporta la petite croix dont la présence devait la délivrer de ses tourments, et attendit… Mais aucune amélioration ne survint. Elle demeura ce qu’elle était avant sa consultation, la proie torturée d’invisibles démons. Jugeant que, pour six cents francs, elle pouvait espérer, tout au moins, une trêve à ses soucis, Mlle Marie Lomer porta plainte contre l’exorciseur. La plainte fut transmise par la gendarmerie de Barenton au procureur de la République d’Avranches. Une enquête fut ouverte. Et comme un certain nombre de médiums, dont M. Kardec, se plaît à rappeler les noms, M. Kardec – deuxième du nom – fut inculpé d’escroquerie. Les choses en sont là. À force de chasser les spectres, M. Kardec n’avait pas prévu qu’il verrait une fois se dresser contre lui le spectre de la justice.
Simili-fantômes et médiums truqueurs
À vrai dire, ce procès qu’intente une « envoûtée » à un adversaire de la religion spirite, ne sera pas le premier du genre. Ce n’est pas la première fois que la chronique du mystère se fait l’écho de semblables querelles. Et M. Kardec a bien raison de dire que, trop souvent, dans ce domaine des forces invisibles, les croyants ont tendance à se laisser abuser, seulement il a tort d’abuser lui-même de la crédulité des « possédés ». Simulateurs, médiums truqueurs, simili-fantômes et pseudo-revenants encombrent les annales du royaume du merveilleux.
L’histoire la plus célèbre, dans ce genre, est celle de Craddock1, ce médium anglais qui s’était spécialisé dans les apparitions de fantômes et qui se vit un jour démasqué par un spectateur qui projetait sur lui la lumière d’une lampe de poche. Les autres spectateurs, justement indignés d’avoir été trompés, voulurent se jeter sur Craddock pour lui arracher sa barbe postiche. Mais Craddock, jouant des poings, résista à l’assaut. « Voyons, s’écria-t-il, de quoi vous plaignez-vous ? Vous venez voir des revenants et pour gagner l’argent que vous me donnez, je fais de mon mieux pour vous en montrer. Suis-je fidèle à mes promesses ? Vous vous plaignez de me voir, mais vous savez bien qu’ici, c’est Craddock qui opère, et non un autre. Alors, quoi de surprenant à ce que vous m’aperceviez en travesti. Soyez logique avec vous-mêmes ! »
Plus ancienne, mais aussi savoureuse, est la mésaventure survenue à Dunglas Hume2, médium écossais fort recherché, sous le Second Empire, par les maîtresses de salon de la haute société parisienne, car il avait le don, disait-on, de faire caresser par les fantômes ceux qui assistaient à ses ténébreuses expériences. Dunglas Hume fut, un jour, mandé aux Tuileries, et prit place devant le guéridon symbolique, en présence de l’Empereur et de l’Impératrice. « Tout se passa très bien, raconte M. Georges Meunier, dans son plaisant ouvrage, Les Montreurs d’Esprits, mais pour son malheur, Dunglas Hume donna, à Biarritz, une nouvelle séance devant l’Impératrice. Le baron Morio de l’Isle, préfet du Palais, surveillait, cette fois, l’expérience d’un œil attentif. Et soudain, il s’aperçut que la main invisible et surnaturelle qui, dans l’obscurité complice, effleurait le nez de l’impériale épouse, n’était autre que le pied du médium. Cette manifestation de l’au-delà parut de si mauvais goût que l’ordre fut donné d’expulser sans délai Dunglas Hume du territoire français. Je ne veux pas citer ici tous les exemples. Les plus célèbres médiums ont tous été, à certains moments, pris en flagrant délit de fraude.
C’est au cours d’une exhibition que le plus fameux d’entre eux, le docteur comte Albert de Sarrak3, lequel n’était ni docteur, ni comte, ni même Sarrak, fut démasqué par MM. Gaston et Henri Durville. Le comte de Sarrak, qui possédait plus d’un tour dans son sac, pratiquait un tour étonnant : il montrait aux spectateurs quelques grains de caviar desséché, qu’il jetait ensuite dans un verre rempli d’eau. Il s’asseyait dans un fauteuil, le verre entre ses jambes. On étendait au-dessus de sa poitrine et de ses genoux une nappe blanche qu’un spectateur devait maintenir au-dessus du récipient. On éteignait, Sarrak prononçait quelques phrases magiques, et l’on découvrait le verre ; les grains de caviar avaient donné naissance à une demi-douzaine de poissons rouges. Mais un soir, Sarrak fit un faux mouvement, et l’on put voir à travers la nappe qui formait un écran se profiler l’ombre d’un tube… De l’appareil en caoutchouc qu’il dissimulait sur lui, le médium faisait sortir les poissons rouges, en appuyant sur une poire. Et comme pour calmer les protestations des spectateurs, Sarrak s’était mis à offrir, dans de petits aquariums, chacun des poissons rouges, on entendit soudain dans la salle un jeune garçon, éclater en sanglots, près de sa mère : « Mes poissons », gémissait l’enfant. C’était le fils du « magicien » qui protestait !
D’autres pseudo-médiums furent dénoncés tour à tour : la célèbre médium allemande Anna Rothe4, réputée pour produire des « apports » de fleurs, les dissimulait dans ses vêtements et les lançait habilement dans la pièce, au cours de la séance. Mme Williams, une Américaine qui avait la réputation d’être un médium d’une puissance extraordinaire, produisait des apparitions en tirant d’une poche spéciale une image qu’elle enveloppait d’une légère gaze pour la rendre plus vaporeuse. Et faut-il rappeler encore la longue polémique qui mit aux prises avant la guerre, un journal de psychisme et l’auteur d’un livre sur les phénomènes de matérialisation ? Plusieurs photos prises pendant les transes du médium Eva Cavallière, et parues dans le livre, furent identifiées avec des gravures parues dans un magazine de l’époque. Et c’est ainsi qu’on découvrit que le portrait du président Wilson avait été retouché et affublé d’une grosse paire de moustaches ! Cette polémique qui mit aux prises spirites et anti-spirites dura jusqu’à la guerre, rappelle M. Jagot5, le célèbre auteur de tant de livres documentés sur le problème des sciences psychiques.
Où les esprits ont des ailes
Mais voici, pour achever la série, l’amusante histoire de l’Australien Bailey6, qui, las un jour, d’exercer son métier de cordonnier, trouva le commerce des esprits plus lucratif. Et quels esprits ! L’ex-bouif faisait apparaître des oiseaux, des serpents, des parchemins anciens, des objets de toute valeur et de toutes origines, de telle sorte que les douaniers de Melbourne finirent par s’émouvoir, car ces fonctionnaires consciencieux s’avisèrent un jour que tous ces « produits de provenance étrangère au territoire australien », n’avaient acquitté aucun droit d’entrée. Mais les spirites de l’endroit protestèrent, soutenant que les objets en question avaient été introduits en Australie par les voies mystérieuses de l’au-delà, et qu’ils n’avaient pu être rematérialisés que sous l’influence du médium. Les journaux du monde entier s’emparèrent de l’incident. Bailey devint célèbre. On le fit venir en France, et devant un aéropage de savants notoires, Bailey fut invité à produire ses expériences de matérialisation. Les séances eurent lieu à Grenoble. Bailey exigea l’obscurité et demanda que les personnes présentes fassent la chaîne autour de lui. Puis après être entré en transe, Bailey réclama la lumière. II avait, disait-il, dans les mains un oiseau. On alluma : le médium tenait, en effet, dans sa main un pinson.
« Pourriez-vous, maintenant, nous faire apparaître un aigle », demanda un spectateur sceptique, qui remarquait l’état piteux de l’oiseau. « Ce n’est pas plus difficile, assura Bailey, mais puisque vous acceptez cette matérialisation, l’apparition d’un pinson est aussi probante que pourrait l’être celle d’un aigle. » Un banal incident allait livrer « la clé du mystère ». L’un des oiseaux « matérialisés » mourut. Afin d’en établir la race, l’un des spectateurs porta le petit cadavre à une oiselière de la ville. La brave marchande reconnut, sans difficulté, qu’un monsieur ayant l’accent anglais, avait précisément, deux jours auparavant, acheté trois oiseaux de cette espèce. Et dans le portrait de Bailey qu’on lui présentait, l’oiselière reconnut l’acheteur des trois volatiles. Il restait à savoir où Bailey, durant les séances, dissimulait les oiseaux. Bailey fut prié de se montrer nu comme un ver. On lui inspecta la bouche, les oreilles, les aisselles, mais lorsqu’on voulut l’examiner, ailleurs, et je pense qu’on me comprend, le médium, saisi d’une grande colère, se rhabilla et partit, en claquant la porte. Deux ans après, Bailey n’en continuait pas moins d’exhiber, à l’étranger, ses fameux tours de matérialisation. Car s’il y a des morts qu’il faut tuer, il y a des esprits qui font vivre… M. Kardec – deuxième du nom – doit en savoir quelque chose.
Avranches, de notre envoyé spécial Marcel Montarron
Notes de la rédaction :
1 Frederick G. Foster Craddock (ca. 1920) est un médium britannique au parcours haut en couleur, plusieurs fois exposé pour imposture comme en 1879, à Manchester, avec l’esprit matérialisé « Rosetta ». Malgré cet incident, Craddock continue à pratiquer pendant de nombreuses années. En 1904, il revint sous les feux de la rampe lorsque Henry Llewellyn et Gambier Bolton racontent leurs expériences dans le livre Psychic Force. En 1906, Craddock est traîné en justice par le journal Daily Express pour avoir obtenu de l’argent sous de faux prétextes. À la suite de ce scandale le médium se retire de la scène, mais n’abandonne pas pour autant ses activités médiumniques. Dans son ouvrage La Tragédie des cieux (1930), Walter Gibbons décrit Craddock comme l’un des plus grands médiums vocaux : « Possédant un pouvoir unique en force et en qualité, et s’il choisissait d’utiliser ses dons exceptionnels à des fins lucratives, il pourrait, de ce fait, devenir un homme extrêmement riche. Cependant, cela ne pourrait jamais être le cas, alors il vit la vie d’un reclus dans une petite maison de campagne dans des circonstances très humbles, principalement soutenu par un ou deux amis. »
2 Daniel Dunglas Home (prononcé Hume) (1833-1886) est un médium écossais ayant la capacité de léviter à différentes hauteurs, de parler avec les morts et de produire des coups dans les maisons à volonté. Son biographe Peter Lamont estime qu’il est l’un des hommes les plus célèbres de son époque. Harry Houdini le décrit comme « l’un des médiums les plus remarquables et les plus loués de sa génération » et « le précurseur des médiums dont le point fort est d’escroquer en présumant de la crédulité du public. » Home a dirigé des centaines de séances, qui ont été suivis par de nombreux éminents Victoriens. Il y a eu des témoignages oculaires de séances décrivant les méthodes de prestidigitation et de fraude que Home avait employé.
3 Il s’agit du docteur Albert de Sarâk, comte de Das (soi-disant fils d’un rajah du Tibet et d’une marquise française) qui est en réalité un illusionniste italien nommé Alberto Santini-Sgaluppi. Entre avril 1887 et le début de l’année suivante, d’abord à Barcelone, puis à Madrid, un médecin appelé Alberto de Das expose sa maestria bien rodée dans l’emploi de l’hypnotisme, une technique que ses collègues espagnols manient avec une certaine maladresse. Il donne des conférences et offre des démonstrations dans les écoles de médecine, les salons privés, les théâtres, les rédactions de journaux et jusque devant la famille royale. Au début de 1888 et pour confirmer le sérieux de ses intentions, il commence à éditer une petite revue intitulée Hipnoterapia et peu de temps après installe une académie d’hypnotisme. Mais en décembre 1890, il est emprisonné pour ne pas avoir réglé quelques dettes. Au cours de la procédure judiciaire, il est établi que l’inculpé n’a pas de diplôme médical (pas plus qu’il ne dispose du titre de comte). Son véritable nom apparaît (Alberto Santini Sgaluppi). Sorti de ce mauvais pas, il se convertit à la théosophie et à l’occultisme mais sans succès. En juillet 1892, un groupe théosophique de Barcelone prononce son expulsion pour comportements coupables.
Alberto Santini Sgaluppi s’en va alors dans un autre pays, en Amérique latine, où il peut déployer à nouveau tous ses talents sous le nom de Martínez de Das. un homme étrange qui prétend être vicomte et posséder un diplôme de médecine. Immédiatement, avec l’aide de sa femme, il commence à faire des démonstrations d’hypnotisme, de télépathie et de clairvoyance. Entre 1892 et 1906, il réside dans les principales villes du sous-continent (Buenos Aires, Montevideo, Santiago du Chili, Lima, Mexico) et partout il a un rôle essentiel dans l’implantation des savoirs ésotériques, donnant vie à des revues et à des groupements. Dans ces villes, il fonde des instituts médicaux en général spécialisés dans la thérapie par l’hypnose. Le faux médecin (et faux comte) réussit à être bien accepté par les médecins et les intellectuels. Dans la capitale argentine, par exemple, non seulement il crée très tôt un établissement voué à la psychologie (l’éphémère Institut psychologique argentin 1892-1893) une entreprise pour laquelle il fut assisté par des spiritualistes et des scientifiques locaux. Il est aussi responsable de la fondation du premier rameau local du mouvement théosophique baptisé Luz (la lumière). Franc maçon, spirite, hypnotiseur, psychologue et théosophe, ce « charlatan » met en évidence la porosité qui existe entre les terrains de la science et ceux de l’opportunisme. Alberto Santini-Sgaluppi quitte ensuite l’Amérique latine pour la France et fonde la revue ésotérique de hautes études psychiques L’Étoile d’Orient (1908), organe officiel du Centre ésotérique oriental de France.
4 C’est après la mort du fiancé de sa fille, vers 1892, que l’allemande Frau Anna Rothe (1850-1907) développe ses dons de médiumnité. Elle voit alors constamment le défunt assis sur le canapé. Elle a également des visions lorsqu’elle est enfant, mais bientôt des phénomènes physiques se développent et Rothe se spécialise rapidement dans la « production » de fleurs et de fruits en grande quantité. Sa carrière médiumnique est mouvementée et elle est prise en flagrant délit de fraude qui aboutit à un procès sensationnel et à une peine de prison.
Camille Flammarion tint une séance avec Rothe en mai 1901, dans son propre appartement. Il écrit : « Pendant sa séance, des bouquets de fleurs de toutes tailles font leur apparition, mais toujours d’un endroit situé dans la pièce opposée à celle sur laquelle notre attention était attirée par Mme Rothe et son directeur, Max Jentsch. Étant à peu près convaincu que tout n’était que fraude, mais n’ayant pas le temps à consacrer à de telles séances, j’ai prié M. Cail d’être présent, aussi souvent qu’il le pourrait, aux réunions qui devaient se tenir dans les différents salons parisiens. Il y consentit volontiers et fut invité à une séance chez Clément Marot. Ayant pris place un peu en retrait du « médium à fleurs », il la vit glisser adroitement une main sous sa jupe et en tirer des branches qu’elle jetait en l’air. Il la vit également prendre des oranges dans son corsage et s’assura qu’elles étaient chaudes. L’imposture était flagrante, et il la démasqua aussitôt, au grand scandale des assistants, qui l’insultèrent. Une dernière séance était prévue, qui devait avoir lieu dans mon salon le mardi suivant. Mais Frau Rothe et ses deux complices ont pris le train à la gare de l’Est le matin même et nous ne les avons plus revus. »
Une dénonciation a lieu en Allemagne en 1902, à la suite de laquelle Rothe est maintenue en prison pendant plus d’un an avant son procès, condamnée ensuite à dix-huit mois d’emprisonnement et à une amende de 500 marks. Des détectives se faisant passer pour des enquêteurs ont trouvé 150 fleurs, plusieurs oranges et pommes dans une série de plis en forme de sac sous son jupon.
5 Paul-Clément Jagot (1889-1962) est un écrivain et occultiste français. À l’âge de dix-huit ans, il découvrit l’hypnotisme au contact de l’expérimentateur et illusionniste Alexandre Lapôtre et aussi près d’Hector Durville dont il fut l’élève dès 1907, pour devenir ensuite son collaborateur. Il étudie également le magnétisme animal (appelé aussi mesmérisme) ainsi que diverses sciences d’observation comme l’astrologie, la chirologie, la physiognomonie et surtout la graphologie dans laquelle il excelle. Il est l’auteur d’ouvrages consacrés au développement personnel, à l’hygiénisme, l’ésotérisme, la psychologie appliquée, l’hypnotisme et la parapsychologie.
6 Charles Bailey (1870-1947) est né à Melbourne. Il travaille comme bottier et devient ensuite un célèbre médium. Il affirme, avec l’aide de son guide spirituel « Abdul », qu’il peut produire des objets et des êtres vivants tels que des poissons, des crabes, des tortues, des pièces de monnaie, des pierres et des antiquités. En 1910, Bailey est dénoncé comme fraudeur à Grenoble, en France. Il produit deux oiseaux vivants mais ignore que le marchand auprès duquel il a acheté les volatiles est présent à la séance. Selon Joseph McCabe, avant la séance, il avait caché les oiseaux dans « l’extrémité désagréable de son tube digestif ». Bailey est soutenu par Thomas Welton Stanford, un riche spiritualiste qui l’aide à financer le programme de recherche psychique de l’Université de Stanford. Il est également soutenu par le spiritualiste Arthur Conan Doyle. Cependant, la plupart des chercheurs en psychologie qualifient Bailey de fraudeur. Le psychologue John Edgar Coover a de sérieux doutes sur lui. Bailey est confondu lors d’une séance en 1914 à Sydney lorsqu’un cobaye retire la draperie d’un « esprit » matérialisé.
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