Scénographie : Sarah Bazennerye. Lumières : Thomas Rizzotti.
Avec plus de 1000 représentations au compteur, L’apprenti magicien (créé en 2002) est le premier spectacle, jeune public, d’une trilogie sur l’apprentissage de la prestidigitation, comprenant La fiancée du magicien (2008) et Magicien malgré lui (2011).
La représentation se déroule dans la belle salle du Théâtre des Béliers Parisiens dirigé par l’ami Arthur Junot, metteur en scène de l’aventure Magicien(s), Tout est écrit.
Introduction
Après la tradition des trois coups de bâton, le rideau s’ouvre sur un joli décor reconstituant un grenier composé d’objets hétéroclites. Outres différents accessoires de prestidigitation, nous reconnaissons sur les murs des posters de grands magiciens tels que Fu Manchu, Alexander, Harold, David Devant ou Bénévol.
Nous entendons alors des pas et une voix qui retentit : « Oncle Horace ! Tu es là ? ». Apparaît Sébastien, Munit d’une torche, un apprenti magicien qui vient prendre des cours de magie chez son oncle. A cause de la poussière, Sébastien atchoum et sa torche se transforme en canne, puis en foulard au deuxième éternuement. Il décide alors de prendre un médicament contre son allergie en avalant un ballon blanc en forme de pilule géante, puis boit un verre d’eau pour la faire passer (la pilule !). Belle justification du ballon avalé.
Sébastien lit ensuite une lettre de son oncle : « …Dix ans que tu es mon élève et tu es le meilleur, même si tu es le seul ! Tu es maintenant prêt à maîtriser l’art de faire apparaître des colombes. »
Assis sur une grosse malle, Sébastien attend en sifflotant. Il appuie alors sur un interrupteur et la lumière s’allume sur scène. Il voit alors le public assis dans la salle : « Bonjour les enfants et les parents ! Vous connaissez Horace ? C’est lui [en montrant un poster de Bénévol] déguisé en pirate. Il a aussi joué le magicien dans le film Le magicien d’Oz, il a maintenant 109 ans ! C’est lui qui m’a initié à la magie et en 10 ans… je n’ai pas appris grand chose ! »
Sébastien trouve alors un mot de son oncle qui lui dit être parti dehors un moment. Il lui demande de s’occuper des enfants pendant son absence : « Tu peux leur montrer Monsieur et Madame Balle, mais ne fait pas trop de bêtises et surtout ne touche pas à la grosse malle ! »
La problématique du spectacle est posée : Sébastien doit occuper les enfants avec des tours de magie et faire apparaître, au final, une colombe. Un postulat de départ très simple qui a le mérite de faire entrer les enfants dans la représentation sans histoire compliquée.
Monsieur et Madame Balle
C’est l’histoire de Monsieur et Madame Balle qui vivent au pays de la forêt magique (la scène devient verte par un effet de lumière).
Sébastien prend une plume dans un chapeau, la plie et la fait danser magiquement sur sa main puis sur son bras. La plume lévite et dans un flash éclair se transforme successivement en 2 balles oranges : c’est Monsieur et Madame Balle. Mais comment les reconnaitre ? En appuyant dessus ! Madame Balle fait « Pouet », mais pas Monsieur balle.
Un enfant vient jouer sur scène avec Sébastien, il le salue à plusieurs reprises (comédie avec le bras de l’enfant). Ensuite, les balles sont mélangées et l’enfant essaye de deviner ou est Madame Balle ? Puis Monsieur Balle ? Il se trompe plusieurs fois de suite car le « Pouet » se déplace d’une balle à une autre et finit par résonner dans son ventre.
Un décompte de 1 à 10 est effectué sur chaque balle qui se rejoignent dans une seule main (routine de Martin Gardner). « Monsieur et Madame sont amoureux et ne veulent pas se séparer plus de 10 secondes ». Une balle est ensuite placée dans la main de l’enfant et une dans celle du magicien. Les deux balles se retrouvent dans la main de l’enfant. « Un tour à deux balles » comme le dit Sébastien. Les balles sont remises dans la main de l’enfant qui, après une petite danse magique, révèle une multitude de balles. Pour finir, Monsieur et Madame Balle disparaissent dans le ventre de l’enfant.
Cette petite séquence, utilisant des balles mousses basiques, a un fort impact sur le public car la routine est interactive et implique l’enfant de façon intelligente.
Le livre magique
« Voulez-vous apprendre un tour ? » demande Sébastien aux enfants. « Le mieux c’est de commencer avec un livre de magie comme celui-ci [il montre son livre 100% magicien aux éditions Bayard jeunesse], 17 € à partir de 6 ans ! » Un peu de pub promotionnelle pendant un spectacle ne fait jamais de mal, surtout quand le geste est motivé pour amener ce qui suit.
« Mon oncle a apprit la magie dans un grimoire ». Sur ces paroles, Sébastien montre un livre noir sans titre qui disparait. Il prend ensuite un sac à malice (quêteuse), met deux foulards et un boa en plume dedans, puis en ressort un chapelet constitué de foulards, cordes, caleçon, chaussettes et un Raccoon.
Le Raccoon s’anime (à la façon de David Williamson) et dit bonjour aux enfants avant d’être envoyé en coulisse d’un coup de pied. Après cet intermède, le livre réapparaît sur le tabouret sans que le magicien ne le voit. Les enfants hurlent à Sébastien que le livre est sous ses yeux. Il prend alors un porte voix et dit : « Je ne comprends rien, vous parlez tous en même temps ! …Ah, le livre ! Tout semble rétrécir avec l’âge… »
Sébastien cherche à la page 121 le mot OISEAU, mais il n’y a rien d’écrit. Sort alors une flamme du livre et les lettres apparaissent. Il est notifié de demander à la grosse boule magique de Noël pour faire apparaître des colombes. Celle-ci est placée dans le coffre « interdit ».
Une saynète utilisant le temps d’avance pour les enfants qui marche à coup sûr. Réactions assurées quand le magicien nie ne pas comprendre !
La boule magique
Un enfant vient sur scène pour aider Sébastien à ouvrir le coffre après une épreuve de courage utilisant une brique en mousse. L’enfant ouvre le coffre et découvre 2 perceuses jouet et une grosse boîte. Le magicien ouvre la boîte et en sort une boule rouge qui lévite entre ses doigts, puis sur un foulard (Kellar). La chorégraphie se déroule sur un air de flamenco, puis la boule disparaît magiquement.
La potion
Une feuille intitulée « Potion à oiseau » tombe du livre. Sébastien décide de fabriquer cette potion avec plusieurs ingrédients : un verre, d’où apparaît du lait et Madame Balle. Pour cela, il est aidé du premier enfant (qui est monté sur scène) et d’une petite fille. A l’aide de la perceuse jouet, Sébastien fait un faux trou dans la tête du garçon puis un deuxième dans son coude. Le verre de lait est placé au dessus de sa tête et l’on voit le liquide disparaître. L’enfant secoue sa tête et la fille lui actionne le bras comme une pompe pour faire ressortir le liquide par son coude, à l’aide d’un entonnoir. Les enfants repartent s’asseoir et le magicien vient rendre au garçon sa montre qui lui a subtilisé en cachette sur scène comme un pickpocket.
La potion est bue par Sébastien dans un fracas d’éclairs comme dans une séquence du Dr Jekyll et Mr Hyde. Il revient sur scène avec les cheveux en pétard !
Le ballon rose
Sébastien demande de faire apparaître un ballon rose à une petite fille. Celle-ci doit lancer son ballon imaginaire et invisible dans un sac magique MCDO, tenu par le magicien. A la réception du ballon on entend un « truc » tomber. Sébastien révèle un chien rose sculpté, qui est offert à la petite fille. L’opération est recommencée avec un adulte et c’est une banane qui sort du sac ! Pour finir, toute la salle s’y met et un vrai ballon rose est sorti du sac.
Les baguettes
Deux enfants montent sur scène et le magicien leur donne à chacun une baguette magique. Si la petite fille n’a pas de problème avec la sienne, le jeune garçon s’aperçoit que sa baguette devient molle. Les enfants échangent alors leur instrument, c’est toujours le même problème pour le garçon ! On répète l’opération encore une fois et la baguette tourne comme une hélice. Sébastien sort une paille géante de son sac, puis une nouvelle baguette est donnée au garçon. Celle-ci se multiplie 5 fois obligeant l’enfant à tenir l’ensemble et à ne plus pouvoir bouger. Pour finir le tour, la baguette de la petite fille se transforme en fleurs. Le garçon fait un geste magique en direction du verre vide (de lait) en prononçant le mot Shazam. Un foulard blanc apparaît dedans.
Une jolie comédie avec deux enfants volontairement choisis pour leurs physiques (un petit et une grande).
La colombe
Le foulard blanc est mis dans le sac à malice et se transforme en colombe, LA fameuse colombe ! Du feu est produit d’une casserole d’où apparaît une deuxième colombe.
Sébastien présente « la boîte à colombes du Pharaon », tout en carton (Touthenkarton) achetée par son oncle à un égyptien dans un souk du Caire. Les deux colombes sont misent dedans. On entend des bruits de pas dans l’escalier : c’est l’oncle Horace qui arrive ! Sébastien replie vite la boite à plat et les colombes disparaissent (belle illusion).
Fin du spectacle.
L’apprenti magicien Sébastien revient saluer le public, part en coulisse et exécute un gag avec le Raccoon qui lui saute à la gorge et le tire dans les coulisses par les pieds.
Conclusion
Sébastien Mossière construit d’emblée un personnage sympathique, auquel les enfants peuvent s’identifier et faire confiance (il joue tout simplement son rôle). L’introduction de son spectacle sert de temps d’adaptation aux enfants, qui observent évoluer l’apprenti magicien dans le grenier. Ils font partie du processus de création, puisqu’ils sont dans l’apprentissage, tout comme le magicien qui teste, en s’amusant, différents tours de magie. Une heure de récréation au théâtre, avec la complicité des parents (éternels grands enfants) !
Tous les accessoires utilisés par Sébastien Mossière font partie d’un répertoire considéré comme ringard et stéréotypé : cannes, foulards, baguette magique, casserole à colombe, quêteuse, balle mousse, verre de lait magique, poulet en plastique. Ils appartiennent à un autre temps, que le contexte du grenier justifie. Ce qui est intéressant ici, c’est leur utilisation détournée, là où beaucoup de magiciens pour enfants les utilisent au premier degré.
Ce spectacle, faussement gentil, recèle de situations cocasses, de second degré et d‘un double discours à destination des parents (comme tout bon dessin animé qui se respecte). C’est toujours intéressant de voir un vrai professionnel performer de la sorte, en se donnant à fond avec beaucoup de générosité et de sincérité. Avec plus de dix ans d’expérience dans la magie enfantine, Sébastien Mossière est rôdé à n’importe quelle situation. Il sait gérer son public (le plus difficile de tous) avec maestria : sens de la répartie, mise en confiance, valorisation, pédagogie. Là où beaucoup de ses confrères « utilisent » la magie pour enfants à des fins douteuses, en sous estimant et malmenant leur jeune public.
A lire :
– Magicien Malgré lui.
A voir :
– L’interview de Sébastien Mossière.
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