Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Comme beaucoup de magiciens, j’ai commencé par lire un livre de magie, le Little Black Book of Magic de Blackstone, quand j’avais environ neuf ans. J’étais un enfant curieux, voulant savoir comment les choses fonctionnaient, donc les tours de magie semblaient être une bonne voie à explorer pour moi. Mes parents m’ont alors acheté un coffret de magie et j’achetais ensuite mes propres tours pour m’entraîner.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Après l’université, j’ai trouvé un emploi de magicien dans un restaurant, mais j’avais aussi un emploi de jour dans un bureau de comptabilité. Après y avoir passé six mois, j’ai pris la décision de devenir illusionniste à plein temps après avoir eu l’opportunité de passer deux mois aux États-Unis dans un camp d’été et de voyager. J’ai commencé à travailler pour Marvin’s Magic (j’en parlerai plus tard) et dans un deuxième restaurant. Cela a été des étapes importantes pour réaliser que la magie fonctionnait dans le « monde réel » et pour apprendre à m’engager et à me connecter avec les profanes.
C’est cette dernière étape qui est importante pour combler le fossé entre les loisirs et l’artiste. Nous aimons tous faire des tours de magie. Beaucoup de gens ont les capacités pour ça. Cependant, ajouter une présentation et un style de performance qui connectent les gens est une autre compétence. Les gens ne veulent tout simplement pas regarder une autre personne faire un tour, surtout lorsque la personne est payée pour le faire. La façon dont vous « réalisez » la magie est différente de la façon dont vous « la faites ».
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Plusieurs opportunités ont facilité mon parcours. Lors de ma dernière soirée à l’université, je suis allé dans un restaurant et il y avait, par hasard, un magicien. J’ai commencé à lui parler de son travail et cela m’a donné l’idée que je pouvais transformer mon passe-temps en une source de revenus. Cela m’a conduit à mon premier emploi dans un restaurant. Mon deuxième emploi est arrivé lorsque mon père, chauffeur de taxi, véhiculait un gérant de restaurant londonien dans son taxi. Il m’a mentionné et l’homme m’a donné son numéro pour que je l’appelle. Après quelques mois de travail dans le restaurant, j’ai rencontré l’un des clients : Marvin Berglas. Il m’a invité à travailler pour Marvin’s Magic et c’était probablement la plus grande opportunité qui s’est présentée à moi.
Il n’y a eu aucun obstacle sur mon chemin pour devenir magicien à plein temps. Il y avait une chose qui devait être résolue. Évidemment, mes parents s’inquiétaient du fait que leur enfant ait une carrière fluide et stable, avec un emploi « traditionnel » et un salaire fixe. Après avoir remporté le concours de close-up d’IBM aux États-Unis, ils ont réalisé que c’était peut-être la voie à suivre et m’ont pleinement soutenu.
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros
Un magicien doit posséder plusieurs compétences. Il y a les compétences techniques, psychologiques, de présentation, créatives et sociales qui se combinent. Bien qu’il existe de nombreux autres illusionnistes bien plus compétents techniquement que moi, c’est la combinaison de tous ces éléments qui me permet d’être le magicien que je suis. Je pense également avoir une bonne capacité à analyser un effet magique et à créer une bonne présentation. Pour moi, il est important que je me demande : « Pourquoi un public devrait-il se soucier de ce que je fais ? » Cette question est liée à la capacité de « présenter » la magie plutôt que de simplement la « faire » ou la « montrer », ainsi qu’à être une personne intéressante.
Je pense que l’une de mes plus grandes compétences, et quelque chose pour laquelle je suis reconnu, est ma capacité à réagir rapidement aux commentaires et aux situations créées avec un public. Je prends note des choses qui se produisent sur le moment et je fais des rappels et des références. En posant des questions ouvertes, je suis heureux de créer des situations où je ne sais pas qu’elle sera la réponse. De cette façon, mes performances, en particulier en magie de proximité, sont toujours fraîches et les personnes savent que je suis vraiment avec elles sur le moment. Je ne me contente pas de répéter un script mais j’interagis, et cela fait une énorme différence pour elles. Il y a aussi des compétences nécessaires dans le domaine commercial d’une carrière de magicien. C’est justement sur ces compétences particulières que je compte sur d’autres professionnels pour m’aider.
Au cours de ma carrière, je me suis principalement concentré sur la magie de proximité. Au Royaume-Uni, il y a beaucoup plus de lieux et d’opportunités pour cela que pour la magie de stand-up ou de scène. Cependant, j’ai procédé à une transition vers la magie de salon et de scène au fil des ans. Je participe à de nombreux événements d’entreprise et privés où je peux pratiquer à la fois la magie de proximité et la magie de stand-up.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Comme presque tous les magiciens, il y en a eu beaucoup avant moi que j’ai admiré et qui m’ont inspiré d’une manière ou d’une autre. Paul Daniels, Wayne Dobson et David Copperfield étaient les magiciens de la télévision qui ont pu me proposer de la magie régulièrement. En ce qui concerne les magiciens dont le travail m’a inspiré, mon top cinq serait : Daryl, Dan Harlan, Chad Long, Garrett Thomas et l’incomparable David Williamson. David a littéralement changé ma vie et sans lui je ne serais pas l’artiste que je suis aujourd’hui. Je ne pense pas être le seul à dire cela. Son humour, ses talents de manipulateur, ses connaissances magiques, sa narration sont admirables. Il est important que les illusionnistes s’inspirent d’autres artistes en dehors de la magie. Pour moi, Victor Borge, Bob Newhart, Eddie Izzard et Robin Williams sont tous des artistes dont je me suis inspiré.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Il n’y en a pas en particulier. Je suis attiré par l’artiste, l’histoire, la prémisse et tout ce qui m’est proposé et qui me fait me soucier de ce que je vis. Quand quelqu’un a trouver une façon de présenter un tour de magie d’une manière qui élimine l’élément de puzzle, je suis heureux de lui consacrer mon temps. La magie de proximité et la magie de salon sont mes deux préférées, car c’est pour cela que mes clients m’engage. J’ai plus de mal avec les grandes illusions scéniques qui semblent être des énigmes à résoudre et n’ont souvent aucun sens.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Comme je l’ai déjà mentionné, ma plus grande influence artistique a été David Williamson. C’est lui qui m’a touché comme personne d’autre. Je n’avais jamais vu quelqu’un comme lui auparavant et son style m’a donné le feu vert pour m’amuser et apporter un sens de l’humour élargi à mes performances. Robin Williams a aussi cassé les règles de ce que devrait être une performance.
Quels conseils et quels chemins conseiller à un magicien débutant ?
Mon conseil se résume en trois mots : « demandez-vous pourquoi ? ». La question : « pourquoi ? » peut être utilisée à un niveau micro et macro.
Le niveau macro serait :
- « Pourquoi est-ce que je veux faire ce tour ? »
- « Pourquoi quelqu’un devrait-il se soucier de ce que je fais ? »
- « Pourquoi est-ce que je dis ça ? »
Le niveau micro serait :
- « Pourquoi est-ce que je fais ce mouvement particulier ? »
- « Pourquoi est-ce que j’utilise cet accessoire ? »
- « Pourquoi est-ce que je demande à quelqu’un de faire quelque chose ? »
Lorsque la réponse à la question « pourquoi ? » est basée sur la méthode, c’est une mauvaise réponse. Demandez toujours : « pourquoi ? ».
Un autre conseil est de travailler sur qui vous êtes et quelle impression vous voulez donner à votre public. Donnez quelque chose de vous-même à la performance afin que le public puisse avoir un aperçu de vous en tant que personne, et pas seulement un artiste vide de sens sur scène. Si vous êtes beau et attirant, je vous déconseille d’être une personnalité du genre « regardez-moi », car cela vous rendra « unidimensionnel ». Le public s’intéresse aux personnes avec lesquelles il peut s’identifier plutôt qu’à un artiste anonyme et égoïste. Même les spectacles silencieux peuvent y parvenir grâce à la musique, à la présentation et à l’expression corporelle.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Mes opinions sur l’état actuel de la magie sont mitigées. Commençons par le commencement : tout magicien qui révèle ouvertement ses secrets de magie en ligne n’a pas sa place dans la fraternité magique. Il ne se soucie pas de la magie et se contente d’exploiter notre art. Quiconque leur donne un laissez-passer est tout aussi mauvais. Dans l’ensemble, je pense que la magie est en bon état en ce moment. Il y a beaucoup de magiciens qui ont leurs propres spectacles, que ce soit sur scène ou à la télévision. Penn & Teller présentent de nombreux magiciens incroyables à un public mondial. Même dans les émissions de Got Talent, les magiciens s’en sortent incroyablement bien et la façon dont ils sont représentés s’est améliorée au fil des ans.
Une chose que je ressens chez de nombreux magiciens à l’heure actuelle est la dépendance à l’égard de l’accessoire magique pour faire le travail. Ils veulent que l’accessoire s’occupe de tout. Même si c’est le cas, l’artiste doit toujours faire en sorte que cela paraisse naturel et « invisible ». C’est quelque chose que j’ai vu chez de nombreux magiciens qui ne prennent pas le temps d’apprendre. Lorsque l’on est trop dépendant de l’accessoire, les bases de la magie sont oubliées. La subtilité, la diversion, la diversion temporelle, la psychologie et le naturel sont tous des éléments d’une performance magique qui permettent au magicien de créer un effet magique sans avoir à compter sur un gadget pour faire le travail. Bien que la magie progresse toujours, ceux qui étudient les magiciens, les techniques et l’histoire seront les mieux équipés pour faire progresser leurs propres performances.
Depuis quelques années, la technologie a mis en avant un nouveau type de magie. Il existe de nombreuses applications et si certaines sont incroyables, beaucoup ressemblent simplement à une application. Il y a une grosse différence entre quelqu’un qui s’étonne d’un tour de magie « manuelle » et qui est impressionné par un morceau de technologie « virtuelle ». Lorsqu’elle est bien faite, la magie est quelque chose qui a encore, et aura toujours, la capacité de rivaliser avec d’autres formes de divertissement.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie (apprentissage culturel, différences sociologiques et ethniques) ?
La culture joue un rôle important dans les répertoires magiques. Les différentes cultures ont des approches différentes et spécifiques. Par exemple, l’Espagne est connue pour sa magie des cartes, l’Asie pour ses numéros de manipulation et le Royaume-Uni pour ses magiciens comiques. Lorsque vous êtes exposé à un style de magie particulier, vous y serez naturellement attiré. L’approche culturelle de la performance est également reconnue par le public. Il est beaucoup plus susceptible de s’intéresser à une performance avec laquelle il peut s’identifier. J’ai remarqué une différence dans l’humour visuel et les styles musicaux en Europe qui diffèrent grandement de ceux du Royaume-Uni. Ce n’est pas que l’artiste n’est pas drôle ou que le numéro est étrange ; c’est que l’humour et le style sont destinés au public de ce pays. Lorsque vous pouvez vous connecter avec votre public sur le plan culturel, vous aurez une plus grande appréciation de sa part.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
En dehors de la magie, j’ai beaucoup d’intérêts mais pas beaucoup de passe-temps. Je fais du sport quand je peux, j’adore cuisiner (j’ai deux friteuses à air !), je fais du bricolage et j’ai récemment commencé à aller à la salle de sport quand c’est possible, ce qui est bien plus agréable que je ne le pensais. J’aime regarder des films de tous genres et je m’en inspire souvent. Je regarde aussi ce qui se passe dans l’actualité et j’y fais référence dans mes représentations. C’est beaucoup plus facile en close-up que sur scène, car mon style est conversationnel plutôt qu’entièrement scénarisé. Bien sûr, passer du temps avec ma famille est le meilleur passe-temps que l’on puisse avoir ! Il est important que les magiciens aient des intérêts en dehors de la magie. C’est ainsi qu’ils deviennent plus intéressants pour les gens sur le plan social, et qu’ils sont également plus « variés » dans la façon dont ils présentent et créent des routines.
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Interview réalisée en août 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Jon Allen / Sarah Larson / Academy of Magical Arts. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.