Par Michael E. Rose
Beaucoup ont sans doute déjà entendu parlé de Joe Karson. Il était bien sûr le père de la « Zombie », la célèbre boule flottante créée en 1945.
Cependant, il semble que peu de magiciens connaissent l’homme. Karson était un inventeur extrêmement astucieux et un très grand artiste de scène. Il a été un marchand de truc très important dans les années 1940. En plus de la « Zombie », il est aussi l’inventeur de l’un des tours de magie les plus populaire : le Neck Twister ou Rubberneck (1) qui a connu de nombreuses variations au cours des années. A la suite d’importantes recherches et d’interviews auprès de ceux qui l’on connus et qui ont travaillé avec lui, une histoire détaillée de Karson et de sa magie a pu être écrite. Le livre Beyond Zombie inclus plusieurs photos de Karson et détaille en exclusivité le tour appelé Voodoo (créé en 1949). Voodoo était un tour de mouchoir dansant tout seul, que Karson voulait être le successeur de la « Zombie ». Il n’atteignit jamais le succès espéré par Karson et il est quasiment oublié aujourd’hui (2).
Karson était un personnage fascinant et sa vie devrait certainement retenir l’attention de tous ceux qui étudient la magie aujourd’hui. Au dire d’un article de Milbourne Christopher dans le numéro de mars 1946 de The Linking Ring, Joe semble s’être intéressé à la magie chez lui, dans la ville de Providence (Rhode Island) à l’âge de 10 ans. C’était l’année 1922 et le jeune Joe venait d’être le spectateur d’un numéro d’un magicien chinois. Il est possible que ce fût un véritable chinois, mais la popularité de tout ce qui était chinois à l’époque est tel qu’il s’agissait probablement d’un magicien occidental grimé et déguisé (un style qu’adoptera Joe plus tard). Le jeune Joe fut fasciné par la facilité qu’avait le magicien à faire apparaître un canard d’un foulard vide. Joe décida alors sur le champ qu’il deviendrait magicien et qu’il apprendrait à faire apparaître des canards de foulards vides. Il alla dans la bibliothèque municipale de Providence à la recherche de ses premiers secrets magiques. Il trouva un exemplaire usé du livre du Professeur Hoffman, Modem Magic, mais malheureusement, il ne trouva pas le secret tant convoité du tour du canard.
La « zombie » de karson.
Glanant quelques tours dans le livre d’Hoffman, et d’autres dans une boîte de magie que lui avait acheté son père, Joe donna son premier spectacle « professionnel » l’année suivante. Il avait fabriqué un théâtre dans le sous-sol de la maison de l’un de ses amis qui lui servait d’assistant. Le clou du spectacle ne fut pas le tour du canard, mais « l’illusion du tonneau » ; L’assistant était assis dans un tonneau dont seule sa tête dépassait. Joe recouvrit la tête de son assistant d’un drap. Prenant un grand couteau à pain emprunté dans la cuisine de la mère de son ami, il embrocha la tête à travers le drap, sans dégât. C’était un vieux tour, même en 1923, mais c’était un bon final pour leur spectacle. Comment avait-ils fait ? Lorsque Joe couvrit la tête de son assistant, celui-ci se baissa et substitua un chou à sa tête. La méthode était simple mais le tour était impressionnant. Quelques années plus tard, en 1943, Joe inclura ce tour dans son livre Illusion Magic. Quelque vingt ans plus tard, le magicien humoriste, Paul McWilliams fit aussi ce tour, mais dans sa version, le chou est révélé à la fin et la routine se conclue sur un gag.
Voodoo, le mouchoir dansant.
McWilliams était un ami intime de Karson et c’est bien possible que ce soit Karson qui lui ait suggéré le tour de « la tête poignardée », ou il est aussi possible que ce soit McWilliams qui ait lu ce tour dans le livre de Karson. Dans la plupart de ses prestations au Court Square Theatre à SpringField, Massachusetts, McWilliams pouvait entendre le rire vigoureux de son ami, Joe Karson, parmi le public. Karson et McWilliams aimaient les bonnes blagues. Selon un article du magazine Genii de juin 1981, Karson et McWilliams trouvèrent le moyen de rire — au moins une fois — d’une manière que l’on pourrait considérer aujourd’hui comme politiquement incorrecte. Les deux hommes et leurs femmes sont allé dans un restaurant calme et distingué. Lorsque le serveur est venu prendre la commande, ils ont joué la comédie comme s’ils étaient sourds et muets et ils ont écrit leur commande pour le serveur. Durant leur repas les quatre convives notèrent que l’équipe du restaurant les épiaient à travers la porte de la cuisine et chuchotaient entre eux. Pour donner le change, Karson et ses compagnons semblaient communiquer par langue des signes. Lorsqu’ils eurent fini leur repas, le serveur apporta l’addition. Les quatre dîneurs se levèrent, regardèrent l’addition et crièrent à l’unisson : « C’est beaucoup trop cher ! ». Apparemment le choc de l’addition salée leur avait redonné la parole. McWilliams et Karson restèrent de bons amis tout au long de leurs vies et à la mort de Karson, McWilliams contribua à une nécrologie dans Genii.
« Le tour de cartes le plus rapide ».
Bien que le premier spectacle de Karson fut un succès, il réalisa qu’il avait besoin de plus d’expérience et plus de tours. Il obtint plus de matériel dans une boite de bonbons (…) et par une commande à un marchand de trucs. Howard Franklin Thurston, le magicien à la mode, à l’époque, était engagé dans la campagne de promotion dudit bonbon. La société qui commercialisait les bonbons faisait de la publicité en mettant le secret d’un tour de magie de Thurston dans chaque boîte. Joe réussi à convaincre son père d’acheter plusieurs boîtes dans l’espoir d’avoir un arsenal de nouveaux tours. Au grand désappointement de Joe (et de son père qui avait acheté les bonbons), il s’avéra que toutes les boîtes contenaient le même secret ! Après que son père eut oublié l’incident des bonbons, Joe pût acheter des nouveaux tours à un marchand de Chicago. Il voyait déjà les réactions de ses amis et de sa famille lorsqu’il leur ferait les deux tours : Eggs to Serpent et The Devil’s Hat. Lorsque les tours arrivèrent enfin, ils n’étaient pas ce que le jeune Joe attendait. Eggs to Serpent était simplement des petites boulettes noires qui, lorsqu’elles étaient allumées, grandissaient en une longue cendre qui ressemblait à un serpent. Le Devil’s Hat n’était pas l’appareil miraculeux pour faire apparaître des lapins et des canards. Ce tour consistait simplement en un crochet à visser et un feuillet d’instructions. Ces instructions disaient à l’aspirant magicien de visser le crochet sous une table et d’y pendre l’objet qu’il souhaitait faire apparaître magiquement dans le chapeau (non fourni). L’objet suspendu devait être ramassé secrètement dans le chapeau (toujours pas fourni), si possible, sans que les spectateurs ne s’en aperçoivent. Il va sans dire que Karson était plus que désappointé.
Encouragé par ses parents, il présenta finalement ses nouveaux tours à sa famille. Le Eggs to Serpent fut accueilli tièdement, mais le Devil’s Hat créa un début de panique. Joe fut un peu trop brutal lorsqu’il tenta de ramasser le paquet pendu au crochet. Le paquet s’envola et atterrit sur les genoux du cousin et bien sûr, le public s’en aperçu… Les choses empirèrent lorsque la mère de Joe vit le crochet vissé sous sa table à manger. La carrière magique de Joe faillit s’arrêter là. Par bonheur pour tous les futurs fans de la « Zombie », Karson persévéra et continua dans la magie.
Note :
(1) « Le tordeur de cou » : Une boîte ajourée de telle manière que l’on voit encore le visage de l’assistant sur laquelle elle est enfilée. Le magicien fait tourner la boîte autour de son axe central et la tête de l’assistant semble suivre cette rotation sur plusieurs tours.
(2) Après Karson, « Le mouchoir dansant » ou « Mouchoir spirite » a été reprit avec succès par Doug Henning, Lance Burton où David Copperfield qui, en 1978, combine plusieurs principes dont ceux de Harry Blackstone et Don Wayne. En France, Bertran Lotth puis Dani Lary, dans La clé des mystères, ont présenté cet effet.
Texte extrait du livre de Michael E. Rose, Joe Karson – Beyond Zombie, (2000). Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Michael E. Rose / Collection S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.