Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Mon père, qui n’était pas magicien, me montrait parfois des tours de cartes et il me les apprenait. J’avais ordre de ne pas les expliquer. J’avais 7 ou 8 ans. A l’époque, je m’intéressais à la magie et à la musique. Puis à l’âge de 13 ans j’ai été hospitalisé pratiquement une année et là mes parents m’avaient offert une boite de magie. Médecins, infirmières et visiteurs bénéficiaient de mon travail journalier. Ils étaient patients… à leur tours ! (encore une de mes blagues pourries !)
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
A l’achat de mon premier « gros truc », j’avais 15 ans et mes parents avaient appris qu’il y avait un magasin de magie à Grenoble (45 minutes en voiture d’Annecy).
Nous y sommes allés. C’était plus un magasin de farces et attrapes qu’un magasin de magie mais il y avait des « Anneaux Chinois ». Je les ai acheté. C’est là que je me suis dit : « Maintenant tu peux devenir un magicien ! », car je pensais qu’avec un tour aussi puissant j’allais travailler partout (dans les hôtels, etc.)
J’ai rencontré un animateur, magicien, clown, vendeur de barbes à papa… à qui j’ai montré quelques tours.
La même année, au mois de décembre, sa femme m’appelle car son mari s’était cassé la jambe en faisant de l’équilibre sur un fil et elle me demande de le remplacer pour un Arbre de Noël. Je n’avais pas vraiment de numéro, je faisais des tours. Dans la semaine, je suis allé m’acheter un costume, mon père a demandé à un menuisier de me construire un guéridon et on a mis un joli tissu dessus que ma mère a cousu et j’ai arrangé sur une cassette une musique. Me voilà parti le samedi pour mon premier contrat engagé. J’ai gagné 300 francs pour faire 15 minutes et pour moi c’était une fortune. Les années suivantes au mois de décembre j’étais pris par cet animateur et j’ai de beaux souvenirs de ces moments. Cela a été décisif pour la suite (pas les 300 francs mais le passage sur scène…. Deuxième blague merdique !). J’ai appris à travers les livres que j’achetais à l’époque à un éditeur alsacien bien connu.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
L’animateur, clown, équilibriste a été le déclencheur involontaire. Mes parents ont toujours été derrière moi pour me soutenir. J’étais au club des magiciens de Haute-Savoie. C’était pour moi une motivation car je travaillais toujours un nouveau tour que je pouvais montrer à des magiciens. Bien des années après, j’ai eu la chance d’avoir comme professeur Mr Henk Vermeyden. Il m’a appris beaucoup sur notre art et surtout comment présenter un numéro sur scène. A travers ses connaissances humaines, je suis devenu ami avec Mr Jean Ducatillon qui m’a construit de belles choses et Mr Alberto Sitta qui me faisait travailler dans les congrès de magie en Italie.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Voir ma fiche technique… (troisième blague douteuse !) Je fais du close-up en grande partie et du cabaret pour le numéro avec l’écran (Magic Screen). J’ai aussi un numéro « tout public » qui ponctuellement se joue dans l’année.
Vous êtes l’inventeur du Magic Screen, pouvez-vous nous expliquer le concept de ce numéro ?
L’idée de ce numéro m’est venue en voyant une vidéo de Marc Hologne, un comédien qui utilisait la projection dans les pièces de théâtre. La conception a été assez longue, car cette approche était totalement nouvelle. À l’époque, bon nombre de magiciens étaient sceptiques quant à la faisabilité et à la réussite de ce type de numéro. Aujourd’hui, ce domaine s’est largement développé, avec des résultats variés, du meilleur au moins bon. Ce numéro, qui existe depuis 2007, est encore très demandé à travers le monde. Il n’a pas vieilli (contrairement à moi ! 😊).
Quels autres spectacles proposez-vous ?
Dans le même esprit, j’ai conçu un numéro, Backfish, mêlant un dessin animé et un système holographique. En 2021, j’ai créé un numéro basé sur les ombres, sans rapport avec l’ombromanie, puisque ce sont mon ombre et d’autres ombres qui interagissent avec moi comme de véritables personnages. Ce numéro fonctionne très bien auprès du public profane, en France comme à l’étranger. Mais, visiblement, le milieu magique reste encore prudent (comme il l’avait été au début avec Magic Screen). Il a donc été très peu vu par mes confrères.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Jeff McBride a été pour moi une révélation. Son style, ses déplacements sur scène, son enthousiasme et son amour pour l’art magique. Je ne parle même pas de sa technique époustouflante. Je ne peux nommer tous les magiciens qui m’ont marqués, il y en a beaucoup. De plus, au fur et à mesure que tu avances, tu évolues dans de nouveaux chemins et ton regard sur les spectacles est différent. Jeff, je l’ai vu à une période où j’avais un numéro de manipulation.
Ensuite, je me suis intéressé au mélange de plusieurs arts pour créer un numéro et à cette époque, j’ai vu des spectacles comme ceux de Philippe Genty que J’adore.
J’ai également vu Marc Hollogne qui est un comédien très particulier. Sa pièce de théâtre est en partie projetée sur une toile et en partie jouée réellement par des comédiens sur scène et il y a une interactivité entre les deux. J’avais l’idée de monter un numéro avec de la projection et j’ai adoré le travail de ce gars là.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Aujourd’hui (j’insiste sur le « aujourd’hui » car comme écrit précédemment, en avançant nous modifions nos recherches). J’aime que la magie permette de mettre en avant d’autres expressions artistiques. Je trouve que ce n’est pas l’utiliser en « soumise » mais au contraire, montrer qu’elle est nécessaire. J’aime aussi quand une histoire vient nourrir les effets magiques et que nous puissions oublier la performance et la technique. Le rêve à l’état pur.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Difficile de répondre. Je dirais que toutes formes d’art m’influence. Le théâtre, la musique, le cinéma, la lecture, etc. Nos rencontres avec d’autres artistes, quel que soit le domaine qu’ils pratiquent, peuvent nous influencer.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Je vais essayer de donner non pas un « conseil de débutant » mais un « conseil pour débutant » (troisième blague à la limite du supportable !) De nos jours, les magiciens débutants peuvent venir d’autres arts (théâtre, jonglage, mime, etc.) et du coup, le chemin qu’ils vont parcourir sera forcément différent de celui d’une personne qui démarre dans la prestidigitation uniquement. Quels conseils ? Une chose est certaine, il faut s’intéresser à toutes les formes d’art. Bosser dur et croire à ce que l’on fait est une nécessité. Trouver son propre personnage c’est à dire apprendre à mieux se connaître et exploiter ces qualités et ses défauts. Ne pas faire de la technique pour la technique.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Il y a un nouvel élan magique. Pleins de jeunes magiciens qui cherchent à montrer des choses innovantes. En France particulièrement, je trouve que l’art magique avance bien. J’ai longtemps entendu des artistes pratiquant d’autres arts me dirent que la magie était devenu ringarde mais ces dernières années les choses changent.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
J’ai essayé de planter des cartes à jouer dans mon jardin, çà ne marche pas. (dernière blague miteuse !) Je dirais tout simplement que la culture générale est primordiale dans l’approche de la magie.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Les blagues (ce n’est pas une blague !) J’aime aussi le domaine de la photographie. Le « regard » du photographe m’impressionne. La musique (seulement audiophile) qui m’emmène dans des horizons inattendus.
Bibliographie de Jean Garin :
- La Magie des Canifs
- La Vie d’une Passion
À visiter :
Interviews réalisées en septembre 2013 et mars 2025. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Jean Garin / Zakary Belamy. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.