Rencontre réalisée à l’occasion du Jean Merlin Magic History Day 2013 au Zèbre de Belleville.
Comme le dit d’entrée Jean Merlin, il est difficile d’être à l’aise avec un ami pour lui dresser le portrait ! C’est que James Hodges est un sacré client, pas toujours commode et tendre avec ses semblables (il joue d’ailleurs de cette image pour son « entrée » en scène). Comment parler d’un homme orchestre aux talents multiples ? En abordant l’exercice comme un cadavre exquis, comme un collage surréaliste (le surréalisme qu’il vénère). Il faut dire que le père Merlin a bien été aidé par son compère de toujours, puisque celui-ci est un grand adepte de la digression ! Pour être plus clair, nous structurerons, ci-dessous, les sujets abordés.
Avant de passer au talk show, James Hodges joue une petite comédie avec une chaise placée sur la scène, tout en ignorant Merlin. Ils se disputent et entament un duel à distance entre Beethoven et Mozart…
Un touche à tout
Ventriloque, marionnettiste, illusionniste, dessinateur, illustrateur, peintre, sculpteur, maquettiste, scénographe, metteur en scène, dompteur, conférencier, théoricien et conseillé artistique. Ses activités se chevauchent sans cesse dans un magma créatif perpétuel. James Hodges a travaillé dans presque tous les milieux artistiques comme les cinémas, les théâtres, les music-halls, les cirques. Il a réalisé des publicités pour la télévision, conçut et mit en scène les émissions de Gérard Majax (Abracadabra, Y’a un truc), règlé des numéros pour le Club Med, travaillé pour les parcs d’attractions, etc.
Le dessin et les arts graphiques
James Hodges commence à dessiner lorsqu’il est placé chez les frères. Il prend comme modèle les BD américaines de l’époque qui sont censurées. Sa mère lui conseille de travailler l’anatomie et lui confie un catalogue de lingerie comme modèle ! Un jour, un des frères tombe sur un dessin d’une femme nue esquissée par le jeune James et c’est le sermon. C’est le début d’une vocation. James essayera toujours de dessiner de façon différente en proposant un travail de recherche sur l’originalité.
Il s’intéresse très tôt aux arts graphiques et à la peinture. Ses maîtres se nomment Cocteau, Renoir (dont il partage la passion pour les nus et la chair), et Picasso. Picasso qu’il va rencontrer dans son atelier à une époque où celui-ci est considéré comme un fou. Il tombe alors sur une série de toiles qu’il a vu se modifier à 10 jours d’intervalle et comprend alors son processus de création et sa recherche de l’abstraction. A l’image de sa série de copies d’après le tableau des Ménines (1656) de Vélasquez, numérotées de 1 à 46. James Hodges parle ensuite de l’art africain qui a eu une très grande influence sur le peintre espagnol, qui lui a ouvert des possibilités nouvelles. Le lien est fait avec la magie qui gagnerait à découvrir d’autres formes artistiques pour développer sa force expressive.
James devient vite illustrateur de presse et pour des catalogues de magie comme ceux de Dominique Webb, Mayette (Magicorama, Le magicien) ou Georges Proust. C’est par leurs intermédiaires qu’il rentrera à l’AFAP (carte n°1000). Il réalise toute une série d’affiches pour des magiciens comme Slydini, Randi, Ali Bongo, Albert Goshman, etc.
Il illustre plus de 300 jeux de cartes par l’intermédiaire de la société France-Cartes, sur des thèmes variés comme les parfums, la boulangerie, Madame Soleil, les 7 familles, le nu, etc. Conséquence et reconnaissance du milieu, il entre au Musée de la carte à jouer d’ Issy-les-Moulineaux. Il dessine une cinquantaine de boîtes de jeux pour Miro meccano et Capiepa ayant, entre autre, pour thème la bataille navale et la magie. Il crée une dizaine de livres Pop-up (à système animé) dont un pour Gaëtan Bloom.
Ce qui le passionne le plus c’est de « croquer » sur le vif ! « Le dessin est intéressant quand ça bouge, cela ne dure que très peu de temps, alors il faut être le plus corporel possible dans le rendu » dit-il. Tout y passe : catcheurs, machinistes, comédiens, danseurs. Les arts du spectacle le passionnent et c’est naturellement qu’il vient à collaborer avec des metteurs en scène qui lui demandent des projets de décor, de scénographie et de costume. James réalise alors des milliers de dessins et de croquis préparatoires.
En 1976, il crée avec Jean Merlin la mythique revue Mad Magic dont il est l’unique illustrateur jusqu’en 1985. C’est avec Georges Proust qu’il va réaliser ses chef-d’oeuvres avec l’édition de la série sur Les Grandes Illusions. Si les tomes I et II étaient des « reproductions » d’illusions connues, le tome III était une carte blanche à la créativité de James, qui invente pour le coup des illusions originales s’inspirant des univers de Topor, Picasso ou Dali et emmène la magie vers l’art graphique en créant un univers unique. James regrette que cette voie imaginaire, qu’il a initié, n’ait pas été suivie par les magiciens, qui sont restés dans un monde trop stéréotypé.
La danse
Un des grands regrets de James Hodges est de ne pas avoir été danseur, lui l’admirateur de Fred Astair, lui qui avait prit des cours de mime et de claquettes très tôt, s’offrant même un petit rôle de figurant au cinéma en s’improvisant danseur ; il le sera par substitution en collaborant avec quelques chorégraphes dont Lazzini de l’opéra de Marseille. Il devient pour un temps co-directeur de ballet et accouche de deux spectacles : E=mc2 et Ecce Homo, réalisant croquis préparatoires, décors, costumes et mise en scène ; dont une belle apparition d’un corps de ballet entre des lamelles de Mylar.
Jean Merlin en profite pour projeter des extraits de quelques ballets dont l’adaptation du Boléro de Ravel en lumière noire et des corps-marionnettes.
Marionnettes et ventriloquie
James a pris très tôt des cours de ventriloquie au cirque et a présenté des numéros avec une petite marionnette appelée Zumba.
Jean Merlin projette une série de vidéos consacrées au théâtre noir et à la marionnette avec des numéros qu’affectionne particulièrement James Hodges. On reconnait Philippe Genty (Puppet Show), Jiri Srnec et le Théâtre de Prague, Mexikanischer Hühner, Edmundo Pérez (La danza de las lettras), Ines Pasic (La Santa Rodilla) et Le cirque invisible de Thierrée/Chaplin.
Magie et mise en scène
De par son passé de magicien, James Hodges a mit en scène de nombreux spectacles d’illusions depuis 1995 : au Casino de Deauville, au Puy du Fou, au Futuroscope de Poitiers, et à la Maison de la Magie Robert-Houdin de Blois. En parallèle, il prodigue ses conseils aux jeunes magiciens et recherche des effets magiques nouveaux pour différents illusionnistes. Des effets qu’il faut un maximum actualiser et adapter à l’air du temps. Il prend l’exemple du tour des Gobelets qui, selon lui, ne peut plus être présenté dans sa forme « moyenâgeuse » ; du matériel pour magicien qui ne parle pas au public. Au contraire, nous pouvons adapter le tour avec des objets du quotidien comme des gobelets de chez McDo, avec une paille pour remplacer la baguette magique et des serviettes roulées en boule pour constituer des balles.
Hodges en action
Pour terminer en beauté ce talk show, James se prête à un de ses exercices favoris en dessin, à savoir : l’improvisation. La règle du jeu est simple : sur un paper board, un spectateur dessine rapidement, les yeux fermés, quelques traits dans un geste ample. Le dessinateur « complète » alors ces traits pour former un dessin cohérent et figuratif. L’expérience est réalisée trois fois de suite avec le même succès et trois dessins différents, chapeau l’artiste !
A visiter :
– Le magnifique site de James Hodges. Une vraie caverne d’Ali baba où l’on retrouve la majorité de ses créations classées par thématique !
Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Franck Boisselier, Collection James Hodges et S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.