Harry Houdini est né aux Etats-Unis, dans l’Etat de Wisconsin, à Appleton, le 6 avril 1874. Cet homme, pour qui n’existent ni prisons, ni menottes, ni camisoles de force, commença très jeune à s’initier à tous les secrets de l’acrobatie, du contorsionnisme et du travail au trapèze. C’est dans sa ville natale qu’il fit sa première apparition en public, sous le nom d’Eric, « Prince de l’air ». Au Cirque Jack Hoefler, dont il faisait alors partie, Houdini était nourri et logé et touchait en outre un franc soixante-quinze par semaine… Son entraînement comme contorsionniste le prépara naturellement beaucoup à son métier actuel, car c’est principalement grâce à sa faculté de faire prendre à son corps les positions les plus paradoxales et de disloquer les jointures de ses membres, ajoutée à son pouvoir vraiment extraordinaire d’extension et de contraction qu’Houdini doit de pouvoir faire fi des liens les plus étroits.
« Ainsi, déclare Houdini, à tout jeune homme désireux d’embrasser une carrière dans le genre de la mienne, je dirai : Essayez d’abord de vous courber en arrière au point d’attraper avec les dents une épingle placée sur le sol, et continuez ensuite à travailler pour tenter avec des chances de succès des exercices plus difficiles. »
En 1887, Houdini, qui faisait partie d’une tournée de cirque, arrivait à New-York où il resta assez longtemps. En 1895, il était engagé au Cirque des frères Welsh. Outre son logement et sa nourriture — dont il dit n’avoir jamais depuis lors retrouvé l’équivalent — on lui assurait 10.000 francs par an. Houdini avait alors vingt-et-un ans.
Houdini se préparant à entrer dans sa fameux Chinese Water Torture Cell (1916).
Enfin, en décembre 1900, sous la direction de James Martin Beck, qui est resté son imprésario, Houdini inaugurait une série de représentations qui furent le début de sa renommée universelle. C’est ainsi qu’en quinze ans de tournées triomphales, par toutes les grandes villes du globe, Houdini a échappé à deux mille noyades, environ, s’est débarrassé de quelque 12 500 camisole de force, et a crocheté, environ 8 300 serrures. Il faut ajouter que, la nature — Houdini le reconnaît lui-même — a fait de notre homme un crocheteur de serrures-né. C’est là un don. Un don qui le plus souvent conduit celui qui le possède en prison. Houdini, lui, a su en faire un usage perfectionné tel qu’il lui doit d’avoir reçu les applaudissements de têtes couronnées et du public de tous les pays, « ou tout dépend, dit-il, de la serrure que vous forcez ».
Pendant la réalisation du Maître du Mystère (1919), film que l’on peut voir actuellement, Houdini battit l’un de ses records. Au lieu de deux paires de menottes, il s’en fit attacher trois. Il était, en outre, complètement paralysé dans ses mouvements par de lourdes chaînes qui l’emprisonnaient des épaules aux genoux. Ses chevilles étaient également immobilisées par des fers. Ainsi immobilisé, Houdini fut placé dans une forte caisse de bois entourée, elle aussi, de chaînes. Le tout fut jeté par huit hommes dans le fleuve Hudson. Un fort courant fit basculer la caisse qui ne tarda pas à couler. Au bout de trente-deux secondes exactement, Houdini reparut à la surface ; il avait battu son record de vingt secondes, et, en outre, réussi cet exploit malgré un poignet foulé. Houdini a, une autre fois, plongé dans la baie de San-Francisco les mains solidement reliées derrière le dos par des chaînes dont le poids total n’était pas inférieur à quarante kilos, et n’a pas tardé à réapparaître à la surface. Son record de séjour sous l’eau est de quatre minutes six secondes.
Il s’est également évadé d’une grande caisse de verre, sans laisser la moindre trace de son passage, et il n’est guère de prison qui lui ait résisté. D’autres fois, Houdini s’est livré à d’amusants tours de force. C’est ainsi qu’étant de passage aux Iles Fidji, il défia l’un des meilleurs plongeurs du pays de réussir à saisir avec les dents une pièce de monnaie reposant au fond de l’eau, leurs mains étant immobilisées, naturellement. Houdini y parvint du premier coup ; pour cela, il se débarrassa, une fois au fond de l’eau, de ses liens, saisit la pièce et la porta entre ses dents, puis remit ses entraves dont il avait eu soin de ne pas défaire le nœud, et reparut à la surface.
Mais on aurait tort de croire que les performances d’Houdini se déroulent toujours sans la moindre anicroche. Les faits qui suivent le montreront. Un jour d’hiver, à Pittsburg, Houdini faillit bien accomplir son dernier exploit. Ligoté et menottes aux mains, il fut enfermé dans une caisse entourée de chaînes, elle aussi. La rivière étant gelée, on cassa la glace sur une longueur suffisante pour engloutir la caisse. La difficulté, pour Houdini ne fut pas de se libérer de ses liens et de la caisse. Ce fut se retrouver l’ouverture pratiquée dans la glace, dont la couche atteignait en épaisseur quatorze centimètres. Après des minutes de recherches qui lui semblèrent des siècles, il parvint à retrouver l’ouverture de la prison de glace et fut ramené chez lui presque mort.
Dans l’un de ses films les plus récents, The Grim Game (1919), Houdini échappa, ainsi que ses compagnons, à un accident que le hasard seul fit sans conséquences, alors qu’il eut pu être mortel. Il était entendu qu’une scène de ce film montrerait Houdini sautant d’un avion sur un autre, et cela à une grande hauteur.
Tout se passa comme on l’avait prévu. Houdini, glissant le long d’un câble attaché au premier avion, réussit à s’accrocher au fuselage de l’appareil qui volait un peu au-dessous. C’est alors que se produisit l’accident : par une erreur de manœuvre due à l’un des deux pilotes, les avions se rencontrèrent, s’accrochèrent, et, toujours enchevêtrés, commencèrent à piquer vers le sol. Pendant plusieurs centaines de mètres la descente fut vertigineuse. Soudain, alors que chacun pensait voir les avions s’écraser sur le sol, ils se séparèrent et, reprenant chacun leur équilibre, vinrent s’abîmer avec leurs passagers sur le sol, à quelques mètres de distance. Par une chance aussi surprenante que la première, nul ne fut blessé.
Pour réussir les exploits que nous racontions plus haut, Houdini suit un régime extrêmement sévère. Jamais il ne fume, ni n’absorbe la moindre liqueur. Son entraînement ne se borne pas à des exercices continus d’assouplissement, afin de pouvoir se maintenir en forme ; il a, durant maintes années, pris chaque jour un bain dans de l’eau franchement glacée, de manière à pouvoir ensuite, sans danger, pratiquer ses exercices sous-marins. Il lui arriva même, une fois, de prendre son déjeuner assis dans une baignoire sur l’eau de laquelle de petits glaçons flottaient. Houdini est assuré sur la vie pour la somme d’un million de francs. Comment Houdini a-t-il été amené à abandonner ses exhibitions pour paraître dans des films à épisodes ? Ce n’est pas simplement, parait-il, par pur appât d’un gain supérieur, mais surtout parce qu’il désire laisser aux générations à venir un témoignage irréfutable de l’authenticité de ses exploits.
« Sans forfanterie, je crois pouvoir dire, déclare Houdini, que je suis parvenu à présent à mon maximum d’endurance et d’habileté, et je n’ai à redouter ni rivaux ni successeurs. Il y a d’ailleurs de fortes chances pour que je n’en ai jamais, car les secrets de ma profession restent mon entière propriété. Je me rends compte que le cinéma me met à même de perpétuer pour la prospérité, la plupart des tours de force que je pratique couramment et que ma conformation physique et mon entraînement continu seuls me mettent à même d’accomplir avec plein succès. Je n’ai connaissance d’aucune personne qui ait réussi des exploits du genre de ceux que j’ai fait connaître aux spectateurs de tous pays. C’est pour cela que je veux les rendre également visibles pour les spectateurs des temps à venir. Et voilà pourquoi je suis venu en demander le moyen au cinéma. »
A lire :
– Harry Houdini.
– HOUDINI, l’interview Extrait de L’Illusionniste, Vol 4, de Juin 1905.
– La face cachée d’Houdini.
– Harry HOUDINI, Le Roi des Menottes.
Article paru dans la revue Ciné pour tous n°28 du 13 Mars 1920. Merci à Martial Dassonville pour ce document et sa retranscription. Crédits photos – Documents – Copyrights : Collection S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.