Extrait de L’Illusionniste, V. 1, N° 2 de février 1902
Henri Robin était d’origine hollandaise, il s’appelait de son vrai nom Dunkell, né vers 1803. Il est mort à Paris en 1874. Bien qu’il y ait déjà fait des apparitions et que son talent de prestidigitateur y fut depuis longtemps connu, ce n’est qu’à la fin de 1862 qu’il ouvrit à Paris, son théâtre du boulevard du Temple. Un chroniqueur de l’époque nous dit : « M. Robin est un homme d’une cinquantaine d’années, distingué de figure et de manières, parlant bien, démontrant avec facilité, ayant toujours le mot pour rire – spirituellement – et le meilleur aimant pouvant attirer la foule : l’urbanité. »
Le théâtre Robin était une jolie petite salle de spectacle située sur le boulevard du Temple. Les fauteuils coûtaient 2 fr. 50, les stalles 2 fr., les loges de balcon de côté 3 fr., la place et les loges de face 4 francs. Une galerie, au premier étage, contenait 150 places à 1 fr. 50 et un amphithéàtre dont les places étaient taxées 0 fr. 75. Des médaillons peints sur biscuit de porcelaine représentaient quelques grandes célébrités de la science et de la magie, Archimède, Galilée, Palissy, Vaucanson. Franklin, Volta, Newton, Daguerre, Arago, Cuvier, Robertson, Humboldt, Cagliostro, Comte.
Le tambour fantôme en 1852.
On lit dans La France du 19 janvier 1863 : « La scène est vaste et carrée. Le rideau se lève sur un salon brillant de lumières et de dorures, rempli d’objets merveilleux, d’appareils électriques de toute puissance et de toutes grandeurs, de coffres mystérieux, de tables tournantes et d’animaux articulés qui sont aux automates de Vaucanson ce qu’un piano d’Erard ou de Pleyel est aux anciennes épinettes. Il y a des paons qui font la roue et devinent le nom des villes que vous avez pensées (1), des tambours qui battent la retraite tout seuls, des rouleaux qui engendrent la foudre, la tempête et l’orage. Des arbres de Noël qui secouent leurs branches poudrées de givre et se chargent de bougies tout allumées, de bonbons, de fleurs et de jouets d’enfants. Des bouteilles inépuisables, des cloches invisibles, des citrons qu’on coupe en deux et d’où s’envole un essaim de tourterelles. Des pièces de cent sous qu’on brise par le milieu et d’où l’on tire une douzaine de foulards. Enfin c’est le monde étrange, surnaturel et fantastique de la prestidigitation, de la magie et de la sorcellerie. » (1) Le paon ayant appartenu à Robin est maintenant en la possession de M. Méliès, directeur du théâtre Robert-Houdin,
Salle Robin, Boulevard du Temple et expérience de Double vue avec Mme Robin (Félicité Gilles, 1817-1896).
« …. Tout à coup, du fond de la boite, jaillit, comme d’une tabatière à surprise, un arlequin, grand de dix pouces, mais si bien proportionné dans sa taille, si bien fait, si leste, si souple, si intelligent et si spirituel que la salle entière, en le voyant paraitre pousse un cri de plaisir et d’admiration. Ce joli petit arlequin fait tout ce qui concerne son état. Il danse, il fume, il gambade, il ôte et remet son masque, il salue la compagnie et il joue du flageolet. Vous allez me dire : « Il ne lui manque que la parole ». Eh bien non, la parole ne lui manque pas ; il parle et il répond comme une personne naturelle à toutes les questions qu’on lui adresse. Il conte des histoires, il en invente au besoin. En outre du spectacle magique, on voyait un agioscope qui reproduisait par la projection une histoire de la création de la terre en 45 tableaux. Robin exécutait aussi une série d’expériences de physique et chimie accompagnées d’explications « claires, précises et accessibles à tous. »
Henri Robin photographié par Eugène Thiebault en 1863. Il s’agit d’une commande du magicien Henri Robin, sans doute prise dans son intérieur (sur la table, nous remarquons une carte de visite le représentant muni de sa baguette magique), pour l’affiche de ses spectacles. Sur le bureau du prestidigitateur, nous distinguons aussi un sablier et un revolver : le temps qui passe, la mort… Cette épreuve sur papier albuminé, peut également être perçue comme une allégorie ou une vanité. Faisant ainsi référence à la peinture, jouant sur plusieurs registres, elle est symptomatique du passage de la photographie en tant qu’outil de témoignage à celui d’instrument de création.
« Les Spectres » terminaient la soirée. Robin écrit : « Ce fut en 1845 que j’eus l’idée d’une nouvelle invention pour produire ces sortes d’apparitions. Ayant rencontré des obstacles sans nombre à l’exécution, je dus attendre jusqu’en 1847 pour arriver à un résultat satisfaisant. C’est à cette époque que, pour la première fois, je les présentai au public sur les théâtres de Lyon et de Saint-Etienne sous le nom de Fantasmagorie vivante. A mon grand étonnement je fis peu d’effet. Il manquait à ces apparitions pour obtenir l’illusion complète, le perfectionnement que j’y ai introduit depuis. Arrivé enfin à mon but, je les donnai avec beaucoup de succès à Venise, à Rome, à Munich, à Vienne, à Bruxelles, mais comme ces expériences me causaient grand embarras, je me vis forcé de les mettre de côté pendant quelque temps. »
Robin nous raconte que son peintre de tableaux de fantasmagorie, M. Seguin eut l’idée de construire un jouet, basé sur le principe des spectres, jouet auquel il donna le nom de polyoscope et pour lequel il prit un brevet le 16 septembre 1862. Par contre, Robert-Houdin nous dit que le truc des spectres fut imaginé en 1863 par M. Pepper, directeur du Polytechnic Institution de Londres. Il est probable que M. Pepper avait eu entre les mains un polyoscope. Dans la même année, M. Hostein, directeur du théàtre du Châtelet, acheta 20,000 francs à M. Pepper qui l’avait lui aussi fait breveter le truc des spectres pour le faire figurer dans un drame intitulé « Le secret de Miss aurore ». Mais avant qu’il fut organisé au Châtelet, plusieurs théatres de Paris, entre autres Robin et Lassaigne, avaient déjà eu le temps d’en donner des représentations.
Aux réclamations de M. Hostein, Robin opposa le brevet du polyoscope et d’anciennes affiches datant de 1817. Nous voyons encore Robin et Robert-Houdin en désaccord au sujet de la bouteille inépuisable que tous deux prétendent avoir inventée. Robert-Houdin dit l’avoir présentée pour la première fois le 1er décembre 1947. Robin nous montre dans son Almanach de Cagliostro une image représentant le tour de la bouteille inépuisable qu’il dit avoir inventée et présentée pour la première, fois le 6 juillet 1844 au théâtre Re à Milan.
Il semblerait donc que la paternité de cet ingénieux instrument lui doit être attribuée. Cependant dans tous les cours de physique, les professeurs expliquent à leurs élèves le fonctionnement de la bouteille de Robert-Houdin. Robin a laissé trois ouvrages dont les exemplaires sont excessivement rares, ce sont :
– ALBUM DES SOIREES de M. et Mme ROBIN. Paris 1846, 24 pages.
– L’ALMANACH ILLUSTRE LE CAGLIOSTRO 1864, histoire des spectres vivants et impalpables secrets de la physique amusante dévoilés par M. Robin (Paris, 1864, in -4°, 32 pages)
– L’ALMANACH ILLUSTRE LE CAGLIOSTRO 1865, histoire de la science au théâtre – l’astronomie populaire – les spectres et les secrets de la physique amusante dévoilée par M. Robin. (Paris, 1865, 32 pages.)
II était aussi l’inventeur d’une voie ferrée pour faire l’ascension du Mont Riji en Suisse. Le moteur dans ce système était un ballon qui par sa force ascensionnelle obligeait la nacelle à gravir la rampe en suivant le chemin tracé par quatre rails. Un modèle de cet appareil était exposé au foyer du théâtre Robin, 49, boulevard du Temple.
J. CAROLY.
Note de Didier Morax :
– Robin (Henri Joseph) est né le 11 juillet 1811 à Hazebrouck dans le Nord. Fils de Henri Léonard DONCKELE et de Valentine BONCOURE.
Décédé à l’âge de 62 ans le 24 février 1874 à Paris, dans le 12ème. Registre N° 71, Acte 396 ou 596.
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