Gaia Elisa Rossi est la plus jeune championne italienne de magie et la seule femme à avoir remporté ce titre. À seulement vingt-trois ans, elle a participé à des spectacles de théâtre et à des programmes de télévision prestigieux dans le monde entier, recevant des prix et enrichissant son répertoire artistique à travers l’étude de la danse, du théâtre, du doublage, du cirque et du chant. Elle a été finaliste à la FISM, aux championnats européens et mondiaux de magie. Son travail a attiré l’attention de marques internationales célèbres telles que FIAT, Avon et Freeda Media, pour lesquelles elle est ambassadrice Web. Elle a été conférencière au TEDx Milano Women, où elle a eu l’occasion de partager son histoire à travers sa pratique de l’art magique.
Comment êtes-vous entrée dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Je me suis intéressée à la magie parce que mes parents sont magiciens par passion. Depuis que je suis petite, ils me mettent littéralement dans « une boîte pleine de tours de magie » qui me sert de « loge » d’où je peux les regarder pratiquer leurs routines. Je les suis à tous leurs spectacles et les regarde se produire depuis les coulisses. Pour moi, ils sont vraiment comme des super-héros, avec de vrais super-pouvoirs. Lorsque ma mère, qui avait étudié le théâtre quand elle était jeune, m’a demandé si je voulais devenir actrice, et que mon père, qui avait étudié la danse, m’a demandé si je voulais être danseuse, j’ai répondu que je voulais être magicienne !
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Dès l’âge de cinq ans, j’ai donc décidé de devenir magicienne. Mes parents m’ont emmené au club de magie de ma ville, le Circolo Amici della Magia de Turin, où j’ai commencé à suivre des cours d’illusion. Il y avait aussi de nombreuses conférences et spectacles, et je me souviens que plus je passais de temps dans ce lieu enchanté, plus je tombais amoureuse de la magie. J’ai donc continué à apprendre cette discipline au fil des ans. Puis j’ai commencé à étudier la danse, le théâtre, le chant et les arts du cirque. J’aimais tout ce qui était lié aux arts et je pensais à la magie comme à une grande boîte où je pouvais mélanger toutes ces disciplines que j’apprenais. Si j’étais timide au quotidien, sur scène, je me sentais chez moi. J’adorais être sur scène : c’était comme respirer. Et puis, au fil des années, j’ai créé un numéro d’illusion qui combinait la magie, la danse et le théâtre, appelé Imorfosi. Ce qui m’a permis de remporter le championnat italien de magie à l’âge de treize ans. Et quelques années plus tard, j’ai atteint la finale de la FISM, des championnats du monde de magie en Corée (2018) et au Canada (2022).
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
L’opportunité qui a changé ma carrière a été le championnat italien de magie. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à faire des tournées dans mon pays, puis en Europe, et enfin dans le monde avec Imorfosi. Et plus je voyageais, plus j’apprenais des artistes avec qui je partageais la scène, aussi bien sur le plan artistique que personnel. C’est aussi grâce à leur aide que j’ai atteint deux fois la finale des concours FISM. À ces occasions, mon cœur et mes yeux se sont ouverts : j’ai rencontré des gens incroyables et noué des contacts professionnels qui m’ont apporté beaucoup de bonheur dans les années qui ont suivi.
Un événement m’a rendu ma vie plus difficile. Un jour, alors que je dansais sur scène, je suis tombée. Mes jambes m’avaient lâché. Le médecin qui m’a examiné m’a dit : « Plus de danse. » Il m’a expliqué que mes rotules avaient un problème génétique et qu’elles étaient désalignées de plusieurs centimètres, et que je ne pourrais plus danser. À cette époque, il restait un an avant les championnats du monde. J’ai dansé tout en faisant de la magie. J’ai subi une opération chirurgicale d’urgence, puis j’ai dû faire face à une longue rééducation, à de nombreuses larmes et à beaucoup de peur de ne pas y arriver. Finalement, grâce au soutien de mes amis, de ma famille et à mon amour pour la magie, j’ai pu me produire sur la scène de la FISM.
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros.
Comme je l’ai dit plus tôt, ma magie combine la danse, le théâtre et parfois le chant. J’ai commencé à travailler principalement sur scène, puis au fil des années, je me suis aussi intéressée à la magie de proximité, que j’aime pour l’intimité qu’elle crée avec les gens, j’aime le lien humain. Mon premier numéro scénique complet, celui avec lequel j’ai voyagé à l’étranger, s’appelle Imorfosi. C’est une métaphore dans laquelle, à travers l’histoire d’un extraterrestre, je veux dépeindre les contraintes mentales auxquelles les jeunes d’aujourd’hui sont confrontés. J’ai une boîte sur la tête, un œil me surveille tout au long du numéro et me hante, et je suis enchaînée. Le final est unique… Au fil du temps, j’ai créé d’autres numéros internationaux, comme Kiss, une pièce qui combine la manipulation de cartes avec de la danse sur du rock et de la musique surréaliste. Et des routines parlantes où les mots posent les bases de ma magie. Par exemple, je travaille actuellement sur un spectacle scénique qui fera le tour du monde et qui associe la magie à un thème qui me semble très important : la santé mentale. Je veux que ce soit un spectacle humaniste.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Le numéro de manipulation de Lance Burton, le numéro FISM de Miguel Muñoz, et tout le travail de Derren Brown.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Pour moi, ce n’est pas tant la magie de scène, de close-up ou de rue qui compte, mais le contact créé avec le public, avoir un message à transmettre aux gens, leur faire se sentir bien devant quelque chose d’artistique.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Vincent Van Gogh, Edvard Munch, Pablo Picasso. Raymond Carver et Ernest Hemingway. Pina Bausch et Luigi Pirandello. Robert Capa et Elliott Erwitt. Tim Burton et Wes Anderson. Tout ce qui m’entoure attire mon attention.
Quels conseils et quels chemins conseiller à un(e) magicien(ne) débutant(e) ?
Essayez d’absorber, comme une éponge. Absorbez tout ce qui vous entoure : des cours de magie dans votre club local, aux conférences lors d’une convention, jusqu’aux livres ! Absorbez aussi tout ce qui n’est pas de la magie, mais qui vous passionne : vous verrez qu’avec le temps, cela vous conduira à devenir un(e) artiste, et pas seulement un(e) exécutant(e), car votre magie parlera de vous en tant qu’être humain.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie consiste à chercher, et parfois à trouver, de nouvelles façons de toucher les gens. On peut toujours se produire dans des théâtres, mais ce n’est plus le seul endroit. Cela fait partie de l’évolution d’un art. L’histoire avance, les temps changent. Il faut que les magicien(ne)s trouvent aussi des moyens de toucher davantage les gens. Cela ne signifie pas nécessairement d’abandonner les lieux qui fonctionnaient si bien auparavant, mais de grandir en tant qu’artistes et essayer de comprendre les thèmes qui résonnent avec le public d’aujourd’hui, les façons dont les gens communiquent. Je crois que la magie actuelle, dans certains cas, essaie précisément de trouver cela : la clé pour se connecter naturellement avec les gens.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie (apprentissage culturel, différences sociologiques et ethniques) ?
Ma mère m’a toujours dit : « la magie commence à l’école, avec l’étude et la connaissance. » J’ai toujours aimé lire et j’ai toujours été curieuse d’apprendre de nouvelles choses. Et puis, au fil des années, à un moment donné, j’ai réalisé que tout ce que j’avais appris avait imprégné ma magie sans même que je m’en aperçoive. Alors oui, la culture magique et l’apprentissage de tout ce qui se trouve en dehors de la magie nous enrichissent certainement en tant qu’artiste. Et ce cheminement de la connaissance ne s’arrête jamais ; on peut toujours s’améliorer, année après année.
Quant aux différences culturelles, bien sûr qu’elles existent. En tant que magicien(ne)s, nous le remarquons non seulement en observant la réaction du public lorsque nous nous produisons à l’autre bout du monde mais aussi dans notre propre pays. Nous vivons dans un monde globalisé, entouré d’histoires et de cultures différentes. Et lorsque l’on crée sa propre magie, il est bon de garder cela à l’esprit.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Danse, théâtre, cirque, chant, apprentissage des langues étrangères, lecture, visite de musées et histoire de l’art.
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Interview réalisée en novembre 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Gaia Elisa Rossi / Québec FISM 2022 staff photo. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.