Extrait de la revue L’illusionniste n°135 (mars 1913)
C’était à l’âge d’or de la Magie, c’est à dire il y a quarante ans au lendemain de la guerre terrible qui venait de saigner notre pays jusqu’en son cœur. Après
les angoisses de cette triste période, chacun aspirait à une détente, à des amusements surtout, depuis trop longtemps oubliés. Ce fut alors l’époque, bénie entre toutes dans la mémoire des anciens physiciens, où tous les cafés et établissements de plaisir de la capitale et de la province, attiraient à l’envi et accueillaient avec enthousiasme prestidigitateurs et magiciens, bienfaisants détenteurs de l’éternelle illusion.
Il ne faudrait pas croire cependant, que nos prédécesseurs de ce temps là, se laissant bercer dans les délices de Capoue, ne faisaient preuve d’aucune originalité et abdiquaient toute initiative. Parmi eux figuraient d’excellents artistes qui se piquaient d’émulation, aussi bien dans les moyens de se singulariser pour attirer la curiosité de la foule, que dans la façon de composer et d’exécuter leur programme. Au nombre de ceux-là, l’espagnol Canonge était l’un des mieux accueillis et, quoiqu’il nous soit resté peu de chose de son répertoire promené, sans jamais s’y fixer, de café en café par toute la France, et composé sans doute de toutes les nouveautés de l’époque, l’affiche précieuse que nous avons pu recueillir, et dont nous donnons ici la reproduction, montre assez qu’il était passé maître dans l’art de la réclame. Ce portrait-charge, qu’il avait fait exécuter, sur un immense panneau et au milieu de tous ses appareils, par un caricaturiste de renom, formait un tableau colossal qui, exposé à la porte des établissements, ne manquait pas d’attrouper les badauds et de provoquer parmi eux une vive curiosité. Aussi, le soir, accouraient-ils en foule savourer leur demi tasse, tout en applaudissant aux tours de passe-passe et aux métamorphoses de l’habile magicien.
J. G.
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