Interprète : François Martinez. Auteur : Jocelyn Flipo. Metteuse en scène : Alexandra Bialy. Conseiller magique : Yves Doumergue.
Menteur ?, créé en 2017, est le quatrième one man show magique de François Martinez après Mythe ou Manie (2010), Copperfield, Harry Potter et Moi (2014) et J’ai fait disparaître ma femme (2016). François Martinez interprète un magicien mythomane (c’est un pléonasme !) franco-américain nommé Douglas Westerfield (Doug ou Dougy pour les intimes). Français de par sa mère bretonne et américain du côté de son père, originaire du Wisconsin. Son personnage est tiraillé par les mensonges qu’il met un malin plaisir à semer dans des histoires abracadabrantes. Le trait est ici à peine grossi car le monde des magiciens regorge de ces profils de « surhomme » ayant tout vu, tout connu, qui s’écoutent parler dans une auto-complaisance narcissique. Sauf que là, nous sentons l’autodérision poindre le bout de son nez dans un exercice de ping-pong verbal avec le public.
La boule
François Martinez tente d’emblée d’en mettre plein la vue avec ses soi-disant shows à Las Vegas, adaptés pour l’occasion aux petites salles françaises. Nous n’aurons donc pas le droit à l’apparition d’une voiture ni aux dix-sept éléphants ! C’est aussi une question de budget…
Après l’apparition d’une fleur, notre magicien nous propose une série de trois questions pour tester notre culture générale et évaluer le « niveau » du public. Il dessine les réponses sur un grand carnet et une surprise se matérialise soudain. Cela plante bien le décor ! (Référence : Bowl-A-Rama de Kevin James).
L’étiquette
On aperçoit derrière la veste du magicien une étiquette de magasin avec un antivol. Une boulette de papier est envoyée dans la salle plusieurs fois, ce qui va désigner au hasard deux spectateurs qui vont participer au tour en répondant, en pourcentage, à deux questions : « Combien de gens ont déjà volé dans un magasin en France ? » et « combien ont déjà été condamnés ? » Les deux chiffres librement proposés correspondent au prix qui se retrouve marqué derrière l’étiquette de la veste de costume (Référence : Priceless de Richard Sanders et Michel Huot).
Les boulettes
François Martinez nous raconte son enfance aux Etats-Unis en Caroline du Sud, lorsqu’il faisait les tournées de cirque avec ses parents à l’âge de quatorze ans. C’est là qu’il découvre sa première « sensation magique » avec une boîte de mouchoirs ! Une introduction saugrenue à la routine de boulettes (Tony Slydini) qui va se dérouler avec un spectateur cobaye et le public complice. Le magicien faisant disparaître successivement des boulettes de papier de plus en plus grosses sous le nez du spectateur assis sur une chaise.
Carte perdue et retrouvée
François Martinez explique le choix de son nom de scène pour se fondre dans le paysage français et sa culture. Un prénom bien franchouillard et un nom qui rappelle les colonies et la pose de carrelage ! Il fait aussi une mise au point sur l’affiche de son spectacle où l’on voit un drone voler entre ses mains. C’est un pur coup marketing pour être dans le coup des technologies contemporaines. Mais malheureusement, pour des problèmes de sécurité, il n’y aura pas d’objet volant ce soir. Encore une promesse de magicien non tenue et une déception de plus pour le public qui commence à douter fortement de la véracité de ses dires !
A la place, François Martinez nous propose le fameux tour de cartes avec un jeu jumbo, vu la moyenne d’âge… Après une leçon de sophrologie et une entame de pseudo-hypnose, il demande à une spectatrice de dire stop sur une des cartes qui tombent en cascade dans ses mains. Un coin est déchiré et la carte est piétinée et froissée par le spectateur ; qui la place ensuite dans une déchiqueteuse. Les bouts restant sont placés dans un mouchoir qui est brûlé devant le public. Cela a pour effet de reconstituer la carte en entier, sauf le bout déchiré qui correspond bien !
Télépathie
Le magicien se transforme en mentaliste et propose de tenter une expérience de transmission de pensée avec une spectatrice qui va lui servir de récepteur. Une pochette transparente verticale, munie de cinq cartons, est présentée dos au public. Sur la face de ces cartons sont inscrits une activité de la vie quotidienne. La spectatrice en choisit un librement sans dire l’activité dont-il s’agit. Un spectateur de la salle va essayer de deviner cette activité en lui posant diverses questions et elle répondra simplement pas oui ou par non. Au bout de sept questions l’activité est découverte, révélant ainsi la face du carton choisi. Les autres cartons sont retournés avec dessus une activité différente du choix de la spectatrice. Nous comprendrons à la fin que son choix était en partie forcé et que les questions jouaient sur un double sens « coquin ».
Transposition
François Martinez repart dans ces affabulations. Son premier tour de magie, il l’a appris avec son grand-père qui était dompteur dans un cirque. Ce dernier faisait un numéro d’hypnose avec un lion qui s’est mal terminé, perdant un bras. Cette histoire est un prétexte pour réaliser un tour de cartes avec une seule main. Un jeu est entouré d’un élastique et au stop du spectateur, celui-ci y glisse un doigt ; ce qui a pour but de tomber sur une carte qu’il mémorise. Le jeu est alors défait de son élastique et étalé devant la public. La carte du spectateur a disparu. Cette dernière se retrouve dans la poche de pantalon du magicien. (Référence : Get Sharky de Christoph Borer).
Rubik’s cube
Le magicien nous propose « un miracle » avec un Rubik’s cube, casse-tête iconique des années 1970 et 1980 redevenu à la mode dans les années 2010 et provoquant la fabrication de nombreux tours et gimmicks chez les marchands de trucs. Quarante-trois milliards de milliards de solutions pour arriver à le reconstituer. François Martinez nous donne plusieurs autres solutions. La première est d’enlever les étiquettes et de les recoller. La deuxième solution est de jeter son cube sur un mur et de remettre ensuite les morceaux dans le bon ordre. La troisième est d’utiliser différents algorithmes et mouvements. La quatrième est de mémoriser les faces en quinze secondes et de reconstituer les couleurs du cube à une main, sans regarder, derrière son dos. C’est cette dernière solution que le magicien choisit et réussit !
Le magicien monte ensuite d’un cran en donnant un deuxième Rubik’s cube à un spectateur dans la salle qui le mélange dans son dos. François Martinez se propose de reproduire ses gestes en utilisant la PNL avec son cube dans son dos. Au stop du spectateur, les deux cubes sont montrés et correspondent parfaitement sur toutes les faces ! Pour finir, François Martinez nous parle du niveau « Jedi » ou du « nombre de Dieu », qui correspond à seize coups pour reconstituer les six couleurs complètes. Lui se propose de le réaliser en sept coups, ce qu’il arrive à faire ! (Référence : Rubicon de Greg Wilson).
Prédiction
Dans cette dernière saynète, François Martinez se livre vraiment et décline sa vraie identité ; son ancien métier d’ostéopathe, pendant douze ans, qu’il a plaqué à l’âge de trente-cinq ans en 2013 pour vivre pleinement de sa passion et raconter la vie qu’il veut en changeant de personnage sur scène.
Il propose à une personne du public de changer de vie pour un soir en lui demandant de faire différents choix. « Nous sommes demain matin et vous avez une décision rapide à prendre. Vous prenez votre valise pour l’aéroport et vous avez le choix entre différentes destinations. » Le magicien fait tourner une mappemonde devant la spectatrice qui lui dit « stop » sur une ville au hasard. La ville est marquée sur le grand carnet du début du spectacle.
Le magicien présente un magazine de voyage et au « stop » de la spectatrice s’arrête sur une page qui va déterminer l’activité du séjour (marquée sur le carnet).
Pour finir, un sac de lunettes de différentes couleurs est présenté et la spectatrice est invitée à plonger la main dedans pour en ressortir une paire d’une certaine couleur (marquée sur le carnet).
C’est alors la révélation finale et l’apparition du fameux drone évoqué sur l’affiche du spectacle. Il est bien là mais en modèle réduit au fond de la salle, vers la régie. François Martinez le pilote de son téléphone jusqu’à la scène. Sur le drone se trouve une clé qui va ouvrir un bocal transparent, présent depuis le début sur une table bien visible. Dans ce bocal se trouve un papier sur lequel sont inscrits les trois choix « libres » de la spectatrice après que le magicien ait récapitulé les faits et différentes étapes du tour pour rendre encore plus impossible la révélation finale.
Conclusion
Toujours accompagné de sa fidèle équipe de création, depuis 2014, François Martinez s’inscrit dans la pure tradition des stand-up avec une répartie assurée, des vannes, du bagout et une interaction constante avec le public. Un travail rôdé lors de nombreux passages sur des scènes ouvertes de stand-up et d’humour comme Le Fieald au Théâtre Trévise à Paris ou au Festival de Montreux en Suisse. Il suit ainsi les (grands) pas d’Éric Antoine qui avait instauré une nouvelle fraîcheur dans la monstration des tours de magie en s’appuyant sur un texte très écrit de one man show dès 2006.
Pour François Martinez, pas de temps morts et une assurance de chaque instant. Tout va très vite pour captiver son public par une avalanche de jeux de mots, de références et de clins d’œil. C’est constamment drôle et pertinent. Une petite prouesse qui passe inaperçue tant la représentation d’une heure défile comme un TGV où les spectateurs n’ont pas le temps de voir toutes les subtilités du paysage. Ce qui demande un retour en wagon immédiat !
Ses lines font mouche et son texte est bien écrit. Tout cela est ponctué d’effets magiques efficaces et diversifiés conclus par un hochement de la tête et son irrésistible « Et Bim ! », « Truc de dingue », sa marque de fabrique.
Avec Menteur ?, François Martinez a fait évoluer son personnage et son apparence, tronquant son costume une pièce, puis deux pièces classique contre un bermuda et des converses rouges du plus bel effet. Un style plus décontracté et rock’n’roll (style Angus Young) qui correspond mieux à son interprétation et son univers. Cela le rend au final plus attachant et sympathique. Des mythos comme lui on en redemande avec plaisir !
A visiter :
– Le site de François Martinez.
Crédits photos : Robin Gervais et Laura Gilli. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.