Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Nous sommes en 2012, je suis tranquillement installé dans mon canapé devant les auditions de La France à un incroyable talent. Il annonce un magicien, Florian Sainvet, qui présente sa routine de CD pour la deuxième fois dans l’émission. Je suis séduit par le visuel de ce numéro et âgé de mes seize ans, je me dis : « j’aimerais bien essayer ! »
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Après la découverte de Florian Sainvet, j’ai pendant deux mois, tenté plusieurs choses dans ma chambre et j’étais plutôt content du résultat. J’aimerais bien me revoir, car ça ne devait pas être si génial que ça ! Je ne connaissais, de la magie, que la manipulation de CDs… Ceux qui m’ont réellement mis un pied dans cet art, ce sont mes parents (merci à eux). Quand ils ont vu à quel point j’étais investi, ma mère a décidé de m’offrir deux cours de magie avec un magicien professionnel qui habitait Montivilliers : Alexandre Georges (qui n’est plus en activité maintenant). J’ai également rencontré Thibault Ternon, un créateur et magicien fantastique, avec qui je travaille depuis. De ces deux cours, j’y suis resté un an et j’ai appris la magie générale. Pour la petite anecdote, c’est Alexandre qui m’a appris ma première routine d’anneaux chinois qui deviendra par la suite un de mes accessoires de prédilection et pour ça : merci.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un événement vous a-t-il freiné ?
La personne que je devrais le plus remercier, c’est Robert Brachais. Sans lui, je ne serais peut-être pas magicien. À dix-huit ans, je quitte la Normandie pour faire mes études à Paris et je ne peux plus assister aux cours de magie d’Alexandre. Robert, qui était le responsable d’un petit cabaret rural avec chanteuses, danseurs et humoristes, m’a offert la chance de monter sur scène. J’ai donc rejoint cette troupe pendant trois ans, j’ai découvert la scène et à quel point j’aimais ça ! Depuis, je n’ai cessé de me construire en compagnie de plusieurs personnes. Thibault fait partie de mes plus proches amis, on échange sur nos idées, voyage ensemble dans les congrès et je donne un coup de main de temps en temps derrière le stand du Cabinet d’Illusions. Quand je réfléchis à quelque chose qui aurait pu me freiner, je ne sais pas, le temps peut-être ?
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros.
Ma magie est principalement basée sur la manipulation, l’humour et le décalé. Je suis un collectionneur d’objets, je m’amuse à extraire le potentiel comique et magique en toute chose. Depuis le début de l’année, je développe l’univers de « la magie colorée », une magie qui se concentre sur le partage d’émotions à travers des histoires et des objets. Un retour à l’essentiel, à l’humain. J’aime évoluer sur scène comme en déambulation. Je n’ai pas vraiment de préférence, chaque format a ses petites particularités. En déambulation, j’adore être au contact de la foule, créer des instants interactifs en improvisation, c’est d’ailleurs comme ça que de nouveaux textes ou enchaînements me viennent. Sur scène, je suis libre de présenter mon univers, c’est moi qui écris et met en scène mes spectacles, ça me permet de laisser libre cours à mes idées.
Pour ce qui est de mes spectacles, j’ai présenté mon premier spectacle familial Retour en enfance en 2022, depuis il a beaucoup évolué, j’ai changé pas mal de choses et cette année ça sera la troisième année pour Retour en enfance, le rêve de Florian. J’ai également écrit un spectacle uniquement pour les EVJF, avec mon intérêt pour le cabaret et le burlesque, je me devais de présenter une expérience digne de ce nom. Le spectacle est réservé aux femmes et on passe un bon moment de rire, sans complexe. Il a été décrit comme « SpectaCULaire », je vous laisse imaginer le reste…
Pour ce qui est de mes créations, j’aimerais vous en présenter une en particulier. C’est en quelque sorte mon numéro signature que j’espère pouvoir emmener bientôt dans les festivals et peut-être en concours. Je vous ai parlé de mon amour pour les anneaux chinois. En 2022, je lance quelques vidéos appelées Dancing with rings que vous pouvez retrouver sur mon Instagram @florian.flop. Durant l’été, on décide de partir à Séville, avec ma chérie, pour une semaine de repos. J’avais pris mes anneaux pour faire quelques vidéos et une idée nous vient. On la développe, la travaille et en octobre 2022 sort (aussi sur mon Instagram) un extrait de 30 secondes nommé Ganesh. C’est un enchaînement avec deux anneaux et… quatre bras. Pour moi, c’était du jamais vu avec des anneaux. J’ai découvert, après avoir posté la vidéo, qu’il y avait un duo qui avait déjà pratiqué un « quatre bras » en magie générale : Tempest et Cottet. En 2023, mon club de magie le Cercle Robert-Houdin de Normandie fête ses quatre-vingt ans, on me demande de proposer mon numéro avec les « quatre bras » (à part trente secondes je n’ai encore rien écrit). Ça me motive pour développer l’idée plus vite et viser un numéro de six/sept minutes. Malheureusement, je me casse la malléole en juin et je suis immobilisé pour deux mois… Je suis déplâtré en août et il nous reste à peine un mois pour travailler le numéro. On revoit à la baisse la durée et… en septembre, je présente Ring Reality, un numéro de cinq minutes mélangeant magie, lumière et danse. L’idée est posée, mais je ne suis pas satisfait pleinement du résultat. Je décide de supprimer la partie futuriste (pour le moment) et de revenir à l’essentiel : des anneaux, moi et ma chérie. Nous sommes en plein travail dessus pour vraiment avoir quelque chose d’unique et d’original. Stay tuned. Je travaille aussi en parallèle sur un numéro en solo (encore avec des anneaux) qui est un mélange de manipulation de hula hoop et de magie, un extrait est aussi à découvrir sur mon Instagram.
Vous venez de créer l’Exploratorium, une animation immersive dans le monde de la magie fantastique. Quand, comment et pourquoi est né ce projet ? Quelles thématiques et répertoires utilisez-vous ?
À côté de toute cette magie colorée, comique et familiale, je suis passionné de fantastique et d’étrange. Bien entendu, le travail de Christian Chelman ne m’est pas indifférent. J’ai créé une expérience immersive, qui ressemble à une murder party, mélangeant le paranormal et une histoire tragique intitulée L’histoire d’Anna. L’année dernière, j’ai écrit et joué un spectacle théâtralisé intitulé : Les épreuves de Merlin. C’est une série d’épreuves et de quizz dans l’univers d’Harry Potter et Les créatures fantastiques. Je n’étais pas convaincu du format, j’ai laissé l’idée mûrir sur le côté. Finalement, en début d’année, je rencontre Cédric Marauri qui est un comédien dans le médiéval fantastique. On commence à travailler ensemble et il me propose d’intervenir dans une médiévale. L’idée de mon spectacle revient et s’éclaircit, pourquoi pas créer un spectacle immersif sous un format d’échoppe ? L’Exploratorium était né. Je retravaille le background du personnage, les histoires que je veux raconter et toujours avec ma chérie Clémentine Bleurvacq, on crée l’identité de cette nouvelle création. L’objectif de Félix Belrose, le personnage que j’incarne, est de partager ses aventures et ses découvertes. C’est un mélange de chimie, de marionnette, d’histoire et de magie. Je m’inspire principalement de l’univers des sorciers créé par J.K Rowling, mais pas uniquement des films. Je me documente sur les livres, les jeux vidéo et toute la fanfiction. Pour ce qui est du répertoire que j’utilise, c’est très large, je réalise plusieurs routines avec des runes, des cartes, des pièces, des dés, des cordes…
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Dernièrement, j’ai pu découvrir Juan Colás sur scène avec son Dreadlock act, ça a changé énormément ma vision des choses. Il y a aussi deux Ben. Ben Rose avec sa pluie de cuillères et Ben Hart, que j’ai eu la chance de voir en spectacle à Blackpool, avec son apparition de l’œuf à l’éventail.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Si je commençais par ceux qui ne m’attirent pas ? J’ai beaucoup de mal à accrocher à des numéros de grandes illusions ou de mentalisme. Souvent trop axés sur la performance et la démonstration. J’aime beaucoup les numéros qui racontent quelque chose, où le tour de magie est mis au second plan. Je suis aussi fan des numéros complètement décalés !
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’ai toujours été influencé par le Japon, j’ai eu la chance de partir faire mes études à Tokyo. J’ai rejoint un club de magie japonais et c’était une expérience unique, découvrir leur façon de travailler était une leçon inestimable. J’aime énormément les créations de @tarochan.ooo avec les anneaux chinois, on échange régulièrement sur le futur de ces accessoires dans la magie. Le travail des espagnols comme Juan Colás, Tobias Dostal et Rúbi Férez correspond tout à fait au concept de « la magie colorée ».
Quels conseils et quels chemins conseiller à un magicien débutant ?
Si je pouvais donner un conseil à un jeune magicien : ne t’embête pas à passer des années à peaufiner des techniques incroyables pour finalement rester devant ton miroir. Le plus important c’est : qu’est-ce que tu veux faire partager et offrir aux autres ? Le tour en lui-même n’est pas primordial mais, l’impact que tu auras sur ton audience. De plus, évite d’écouter tout ce qu’on te dit ! (même moi ne m’écoute pas). J’ai trop de fois entendu de mauvais conseils de magiciens enfermés dans une vision ancienne et dépassé de la magie. Apprends par toi-même, teste, échoue et recommence. Ne deviens pas celui que les autres veulent que tu deviennes. Deviens toi-même.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je trouve que la magie prend la poussière et qu’il est temps de souffler sur tout ça ! Les grands tours d’il y a trente/quarante ans ne sont pas les grands tours de maintenant. De plus, les réseaux sociaux ont créé un art de la consommation et la magie en fait partie, mais je ne m’inquiète pas non plus. Beaucoup de magiciens partagent ma vision et tentent de créer de nouvelles choses et d’aborder la magie différemment. Nous sommes, je pense, au début d’une nouvelle évolution de l’art magique, j’ai hâte !
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Un même tour de magie sera perçu différemment en fonction de l’expérience de vie de chaque spectateur, c’est ce qui donne cette force. La magie est un outil de connexion puissant pour unir des personnes de culture, d’origines et de milieux différents. C’est tout aussi intéressant de découvrir comment la magie est pratiquée ailleurs dans le monde. En partageant et mélangeant nos différences et nos cultures, on obtient quelque chose de bien meilleur. Ouvrez votre magie au monde.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Je suis un passionné de manga. Et pour ArteFake, je les ai comptés, j’en ai exactement : 724 ! (sans compter tous ceux que je lis sur mon téléphone portable). Les histoires m’aident à m’évader et parfois à trouver des idées.
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Interview réalisée en juin 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Florian Flop, Clémentine Bleurvacq, Studioderu, Fabien Lestrade, Thefetchingeyes. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.