Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Vers l’âge de quatorze ans, j’ai découvert la magie grâce à mon voisin Pablo (petite dédicace s’il lit ces lignes) qui prenait des cours de magie et reproduisait des tours de cartes incroyables (dont le très connu Twisting the aces de Dai Vernon). J’ai donc, moi aussi, voulu apprendre ces tours de magie pour pouvoir les refaire. Et c’est ainsi que tout a commencé !
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Je me suis d’abord formé en autodidacte, en achetant des DVD de Bernard Bilis. J’y ai passé des heures et des heures à répéter inlassablement. Et au même moment, Bilis passait régulièrement au Plus Grand Cabaret du monde sur France 2 pour présenter des numéros de close-up. C’était donc une grande source d’inspiration et de motivation pour moi. En parallèle, je regardais également la magie de Dominique Duvivier et Jean-Pierre Vallarino. J’ai par la suite rodé ma pratique de la cartomagie en faisant des tours à mes amis de lycée, ce qui m’a énormément appris sur la gestion du trac, l’anticipation des réactions, et l’improvisation.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
J’ai fait des études d’ingénieur à l’INSA de Lyon, durant lesquelles j’ai rencontré Anthony Istar, étudiant et magicien comme moi. Anthony avait déjà réalisé des prestations de magie par le passé et m’a encouragé à me lancer. Je l’en remercie car c’est grâce à lui que j’ai pu faire ma première prestation pour le gala de l’école. Par la suite, nous avons cocréé le collectif MagicPic sur Lyon, qui regroupe des magiciens lyonnais. Et c’est ensuite Paulin Nectoux (Paulin-Magicien) qui a repris le flambeau, et qui a permis à ce collectif de perdurer et de se développer. Une belle réussite collective qui illustre bien la force des rencontres. Après vingt ans de magie, en amateur puis en semi-professionnel en parallèle de mon métier d’ingénieur, j’ai décidé de dédier 100% de mon temps à cet art et d’en faire mon métier.
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros
Ce que je préfère avant toute chose, c’est le close-up (magie de proximité) car je peux mélanger à la fois, le contact humain avec les spectateurs, la prise de risque (avec parfois de l’improvisation dans certaines situations), les influences psychologiques, les détournements d’attention et aussi une certaine forme d’humour et de convivialité dans ma manière d’aborder la magie. J’essaie de faire participer au maximum les invités pour qu’ils ne soient pas seulement observateurs mais pour qu’ils vivent l’expérience magique au plus près. Comme le dit la citation : « La magie ne naît pas dans les mains du magicien, mais dans l’esprit du spectateur ». Par conséquent, durant mes prestations, j’accorde énormément d’attention aux invités. J’essaie d’analyser leur personnalité, leur profil, leurs réactions et d’adapter ma prestation en temps réel. Car finalement c’est grâce à eux que la magie opère. Et chaque prestation devient unique. Que ce soit pour le vin d’honneur d’un mariage ou pour le séminaire d’une entreprise, un repas d’affaires ou une soirée privée, j’utilise la magie comme un moyen de créer des émotions et du lien entre les personnes présentes. Mon objectif est vraiment que les invités gardent un souvenir inoubliable de leur journée/soirée. Ce ne sont pas de simples « tours de magie » qui sont proposés mais un vrai moment de partage et de connexion.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Si je devais donner deux noms, je dirais : Eric Chien pour son talent immense, sa créativité et sa prestance. Yann Frisch qui mêle magie et jonglage avec une facilité déconcertante. Ces deux artistes résument selon moi la phrase suivante : « Le véritable travail artistique commence là où la technicité est oubliée et où le truc n’est plus qu’un accessoire au service d’un message. »
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’adore les numéros où les misdirections et détournements d’attention sont omniprésents ainsi que les numéros où l’on oublie le côté technique. Pour moi, la technique doit être au service du numéro et non l’inverse. De fait, la magie s’adresse avant tout aux spectateurs et non aux magiciens. Par conséquent, le « pourquoi » doit toujours être plus important que le « comment ».
Quelles sont vos influences artistiques ?
Dans le domaine de la magie, j’adore la décontraction de Greg Wilson et le naturel des mouvements d’Eric Jones. Ce sont vraiment des modèles pour moi en termes de posture à adopter quand on fait du close-up. J’aime beaucoup le travail de James Brown en ce qui concerne les misdirections et le travail de David Stone sur ses multiples effets de surprise et pour la connexion qu’il arrive à créer avec l’audience.
En dehors de la magie, j’essaie de me nourrir de tout ce qui m’entoure (cinéma, théâtre, sciences, lectures, etc.). Je fais notamment de la photographie depuis plusieurs années car j’aime l’idée de pouvoir capturer l’instant présent, figer un moment, une émotion qu’on peut retrouver des années plus tard en se replongeant dans la photo. C’est assez magique quand on y réfléchit. En termes de créativité, je suis avec beaucoup d’admiration le travail de PaperBoyo qui détourne les monuments des villes en agrémentant ses photos de petits découpages de papiers (il faut le voir pour mieux comprendre). Et j’aime également l’originalité de Zach King et Kevin Parry qui proposent des animations et illusions via des montages vidéos. Ils réussissent à détourner le réel pour y ajouter une touche de magie, que ce soit via des effets vidéos ou par des modifications de notre perception du réel.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Je conseillerais la patience, la persévérance et la curiosité. Il est important d’explorer tous les aspects de la magie, même si au début on a tendance à se concentrer sur les aspects « techniques » et sur « le truc » (ce qui est normal). Il faut laisser le temps au temps comme on dit. Et ce qui est génial avec la magie, c’est qu’on continue d’apprendre continuellement.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
L’art magique évolue rapidement, notamment avec l’avènement des nouvelles technologies. L’accès à l’information est beaucoup plus simple. On peut trouver en deux ou trois clics des explications sur quasiment n’importe quel tour de magie. Et la quantité d’informations l’emporte bien souvent sur la qualité. Néanmoins, cela permet de faire émerger de nouveaux talents, et de nouvelles idées, telle que la magie digitale par exemple. J’espère seulement que la magie ne s’enfermera pas dans ces nouvelles technologies et qu’elle restera un merveilleux moyen de connexion entre les personnes.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La culture, que ce soit à travers la littérature, le cinéma ou d’autres arts, est une passerelle entre la société actuelle, dont elle est le reflet, et la société future qu’elle dessine en proposant des choses nouvelles. Elle joue donc un rôle crucial dans la magie, comme pour les autres arts, car elle façonne nos références. Et c’est ainsi qu’elle permet à notre art d’évoluer et de grandir. Pour ma part, j’aime créer du lien entre les disciplines pour augmenter le champ des possibles. À titre d’exemple, je co-anime depuis quelques années, des ateliers philo-magie pour enfants avec une ancienne professeure des écoles, pour mêler la philosophie et la magie.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Je joue du piano pour alimenter ma créativité et vider mon esprit. Je fais également de la photographie depuis de nombreuses années.
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Interview réalisée en février 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Florian Gabert, Andréa Genzel, Boris Patzek, Pitchoue Flash. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.