Avec : Eric Antoine et Calista Sinclair. Mise en scène : Etienne de Balasy. Lumières : Dimitri Vassiliu. Mise en magie : Sébastien Clergue. Musique : Toma Feterman et Jacques Gandard. Décors : Artefact. Costumes : Catherine Rigault & Atelier MBV
Introduction
Sur scène un grand écran blanc descend des cintres sur une excellente musique manouche du groupe La Caravane Passe. Est projeté un court-métrage comique de l’homme qui se croyait invisible : Bernard Black, le(a) partenaire de scène d’Eric Antoine. Bernard maîtrise son corps grâce à des exercices acharnés pour passer inaperçu aux yeux de tous !
Apparaît alors sur scène, Eric Antoine « nu » dans une baignoire remplie de mousse, une coupe de champagne à la main. L’entrée de l’artiste est incongrue et du plus bel effet. « Il me fallais une entrée spéciale. C’était soit la baignoire ou les toilette ! » dixit E. Antoine. Il s’étire et ses pieds s’allongent magiquement en dehors de la baignoire, puis réalisent un 360°. Apparaît ensuite un plongeur tenant une bouteille de champagne, un poulpe en plastique, puis une sirène. Eric demande ensuite au garçon de lui servir du caviar, mais celui-ci fait tomber un grille-pain dans l’eau ! Noir dans la salle (hommage à Claude François). Eric apparait sur scène habillé en costume hors de la baignoire.
Illusions d’optique
Le spectacle a pour thématique la croyance au sens large du terme. Eric Antoine évolue dans une pièce composée de diverses illusions d’optiques plus ou moins connues, de reproductions picturales et autres curiosités visuelles. Il présente au public l’illusion du tabouret, l’illusion des deux plateaux de tables, la double image de la tête de canard/lapin. Pendant ce temps, une commode devient humaine comme un objet à la Magritte.
Vient ensuite le célèbre tour du bonneteau, où il faut trouver la carte noire parmi deux rouges. Le magicien donne ensuite une fausse explication du tour qui devient de plus en plus compliquée à suivre. Pour conclure ce premier « tableau », la porte du fond (ou Bernard est passé plusieurs fois) disparaît et est roulé comme un vulgaire papier peint. Sur des illusions d’optiques vues et revues mille fois, Eric Antoine arrive à développer quelques idées surréalistes bienvenues. Dommage que le bonneteau arrive comme un cheveu sur la soupe.
Intermède vidéo avec Eric en coulisse, en magicien ringard, qui fait léviter une louche de face avant que le truc ne soit révélé de profil.
Premier tour de magie de Bernard
Bernard en chauffeur de salle brandit des panneaux avec écrit dessus : « Applaudissez, Hurlez, Foule en délire, A poil ! ». Sur ce, un gars arrive sur scène nu comme un ver en courant dans les coulisses. Apparition d’Eric Antoine dans une boîte et Bernard lui présente un tour de carte merdique.
La page du livre
« Je vais vous parler de la croyance et de la notion de foi. Est-ce que la religion et l’humour sont compatibles ? Je crois en la tolérance, l’extrême tolérance. »
Eric sort le Coran et la Bible : « Jésus en terme de magie c’est un killer ; il est même arrivé à ressusciter et à inventé le concept de zombie ! »
Le magicien feuillette la bible qui est constituée de papier blanc, de texte puis de tâches de sang : « Tu peux lire un livre mais commettre des mauvaises actions avec en l’interprétant mal ! »
Sans transition, le magicien sort alors un tout autre livre : La rééducation du périnée. (« Je me suis rééduqué le périnée après l’accouchement de ma femme »).
Une poupée à l’effigie d’Eric Antoine (son « mini moi », référence à Austin Power) est lancée dans la salle pour choisir au hasard un spectateur. Bernard effeuille le livre et s’arrête au stop du spectateur sur une page au hasard (page retransmise sur grand écran grâce à une caméra GoPro). La page disparaît instantanément du livre pour réapparaitre dans les mains d’Eric Antoine.
IKEA
« Savez-vous quel est le livre le plus imprimé au monde en ce moment ? Non, ce n’est pas la Bible, c’est… le catalogue IKEA tiré à 100 millions d’exemplaires ! »
« Des milliers de références… » Le magicien feuillette le catalogue.
« Faites entrer la prédiction. » Un chariot plat recouvert d’un drap.
Un spectateur est choisi au hasard dans la salle grâce à « mini moi » et est invité à glisser un doigt dans le catalogue ou il veut et de penser à un meuble sur les deux pages sélectionnées. Le magicien invoque alors le Dieu IKEA et des vikings suédois en révélant la prédiction : le même meuble mais en paquets plats, pas encore monté ! Le chariot est retourné et l’on voit une enveloppe avec une feuille A4 à l’intérieur : la photo du meuble choisi par le spectateur.
Un numéro bien construit qui perd en puissance à cause d’un climax qui n’est pas à la hauteur du scénario (on aurait aimé une « transformation » des colis plats en meuble, par exemple, à la place d’une simple photo…)
Deuxième tour de magie de Bernard
Bernard demande à Eric de penser à une carte et de la nommer. Il révèle un jeu tout blanc et écrit au feutre le nom de la carte avant de la montrer. No comment…
La chambre d’enfant
« Le lieu où la croyance est la plus forte se situe dans une chambre d’enfant. »
« Les enfants, on vous trompent et je vais vous le prouver… » Eric prend l’exemple du kilo de plumes et du kilo de plomb.
« Y a-t-il des enfants qui voudraient devenir magicien ? » Eric choisit « son enfant » avec une canne munie d’une sucette à l’extrémité ! « Un enfant avec si possible une jolie maman, célibataire ou infidèle. »
Eric cite Charles Baudelaire et raconte l’histoire de la petite souris en s’asseyant sur un lit avec l’enfant. Le lit, l’oreiller et la dent. Une dent géante est posée sous l’oreiller et sur la tête de l’enfant. Bernard arrive en volant dans les airs et subtilise la dent en secret.
Eric Antoine réalise le tour du ballon avec le fil coupé et raccommodé grâce à l’enfant (Gypsy Balloon de Tony Clark).
Un semblant de poésie avec un tour utilisé par tous les magiciens pour les fêtes d’anniversaires, pour un résultat mitigé. Eric Antoine intégrera rapidement la lévitation d’une mini voiture avec l’enfant à l’intérieur (un effet beaucoup plus convainquant).
Intermède vidéo avec Bernard en coulisse faisant du kayak en bois sur le sol ! ? avec comme commentaire audio : « Un premier bilan de ce spectacle… un excellent spectacle avec quelques accidents… » Une mise en abyme un peu maladroite que la majorité du public n’a pas compris.
Bonneteau évolutif
« On ne peut pas croire en rien, mais peut-on croire en soi ? »
Le magicien choisit un couple d’amoureux au hasard et isole l’homme en coulisse avec un casque sur les oreilles. La femme confie son téléphone portable à Eric Antoine qui le cache sous une des trois boites disposées sur scène. Il fait alors choisir une carte, parmi trois, face en bas et la femme tombe sur un numéro. « Nous allons voir où votre intuition vous a guidé… ». Eric donne des coups de marteaux sur les deux premières boîtes et détruit le portable de la spectatrice (gag).
Trois énormes boîtes en papier kraft sur roulettes entrent sur scène. Le magicien présente trois cartes jumbo et demande à la femme d’en toucher une face en bas et de la garder sur elle. Son amoureux se trouve sous une de ces boîtes, pourvu qu’elle ait tiré la bonne carte ! Eric détruit la première boîte à l’aide d’une batte de baseball, la deuxième boîte à l’aide d’une tronçonneuse. Heureusement la dernière boîte, correspondant à la carte choisie par la femme, contient son amoureux… et Bernard.
Ce bonneteau ne convainc pas vraiment avec ce changement d’échelle faussement spectaculaire qui ne parvient pas à faire frissonner le public…
Intermède vidéo dans les coulisses avec Bernard construisant une tour Eiffel en carton style IKEA.
Entracte
Pendant l’entracte, l’écran vidéo diffuse un message à l’intention des spectateurs pour participer à une expérience interactive dans la deuxième partie du spectacle :
« Connectez-vous à la page Facebook d’Eric Antoine pour une expérience magique de malaaaade… »
Assistante de magicien
« Je vais vous raconter comment je suis devenue magicien. »
Eric Antoine passe en revue différentes influences dont Merlin, Copperfield ou Siegfried and Roy et parle ensuite des assistantes de magiciens qui ne sont pas bien représentées : « Regardez Bernadette avec Chirac ou Carla avec Sarkozy, par exemple ! »
Puis une vidéo comique est diffusée sur une tranche de vie du métier d’assistante magicien avec Lindsay (Calista Sinclair dans le rôle titre) et le magicien Laurent Beretta. Un slogan en ressort : « Assistante mais pas soumise ». La vidéo est très drôle et introduit l’illusion qui va suivre.
La grande illusion
Le magicien Eric Antoine dit avoir toujours voulu réaliser une grande illusion dans le pur style des américains avec costume à paillettes, assistante sexy et matériel adhoc.
Eric arrive sur scène en « habit de lumière » d’un kitsch somptueux : « Prends du swag » lance t-il au public. « J’ai créé une grande illusion extraordinaire : la swag box. »
Une grande cabine est montrée vide de tous les côtés et l’assistante Lindsay apparaît magiquement : « C’est l’assistante qui fait tout dans ce tour. Vous voulez voir le truc ? Alors applaudissez. »
Le duo refait le tour mais vue de derrière, présenté de dos, des coulisses.
Pendant que le magicien Eric Antoine exécute le tour, sa partenaire commente en voix off « ses exploits » : « Sa création, comme il dit, il l’a achetée sur EBay. » « Regardez moi ça, à quoi il ressemble dans son pantalon de PD. »
Le public est complice du truc et voit l’assistante « disparaître » mais ne voit pas venir la surprise finale !
Noir dans la salle suite à une grève surprise de la régie (« maltraitée » pendant le numéro).
Cette illusion présentée par Eric Antoine et sa partenaire est fortement inspirée du numéro Back Stage de Lance Burton, reprit également par Dani Lary dans son premier show à Mogador en 2005 et créé, à l’origine, par Dante en 1936. Eric a aussi repris d’Otto Wessely l’idée de l’assistante qui dénigre, en direct, son mari magicien. Le tout est habillement réinterprété et divertissant grâce à l’introduction vidéo de l’assistante Lindsay. Un des meilleurs moments du spectacle.
Expérience connectée
« Allumez vos portables et connectez-vous à mon Facebook ou mon Twitter. Vous verrez que j’ai posté un selfie sur mes toilettes… »
Eric Antoine énumère en photos les comptes Facebook qui ont le plus de followers comme ceux de Katy Perry, Justin Bieber, Barack Obama, Lady Gaga, David Guetta, David Copperfield (1er magicien de la liste) et Eric Antoine (avec 8998).
« Mini moi » est lancé dans la salle et un spectateur vient sur scène. Il mélange les photos des célébrités, faces en bas sur une table et pique au hasard une carte grâce à un pic à glace ?!
Ensuite, une carte du monde est présentée avec différentes pastilles misent dans un sac plastique. Sur chacune de ces pastilles est noté le nom d’une ville. Le spectateur en tire une au hasard. Le public découvre alors le selfie du magicien qui attire l’attention dans un coin de l’image ou l’on voit clairement La célébrité et la ville sélectionnées. La prédiction numérique correspond.
Troisième tour de magie de Bernard
Bernard arrive avec non pas un jeu de cartes mais un ballon. Il le fait léviter face au public mais en révèle le truc en se positionnant de profil. C’est alors que le ballon se met vraiment à léviter magiquement dans les airs en suivant les mouvements de Bernard. Cette saynète dure une éternité et le public s’ennuie ferme, dommage.
Machine de Goldberg
« Finissons dans la simplicité, dans la poésie. Un maximum d’effort pour un minimum d’effet ! »
Sur scène est disposée une énorme machine faite de bric et de broc, d’objets hétéroclites : une machine à escapologie de type Goldberg. Eric Antoine parle de la notion de Hotline, lorsqu’un opérateur vous entraîne dans une chaîne d’événements qui n’en finissent plus, pour au final vous dire qu’il faut passer en boutique pour régler le problème ! « Là, on a envie de s’évader, de décoller sur une autre planète. »
« Qui va être le héro de cette épreuve ?… Moi ! » Eric est alors attaché sur une chaise alors que deux énormes marteaux menacent de lui fracasser le crâne lorsque la machine aura terminé sa course.
« Pour démarrer la machine, il faut appeler la Hotline.»
La machine se met en marche et Eric essaie de se libérer tant bien que mal sous un drap. Les marteaux s’entrechoquent et le magicien disparait de sa chaine pour réapparaître dans la salle.
Au final, on peut se demander si ce dispositif qui « en jette » est le bon choix pour terminer un spectacle, et même un bon choix tout court. La futilité même de la machine enlève toute notion d’étrangeté et de magie. Agrandie à une échelle qui fait penser aux installations-machine du plasticien Jean Tinguely, la machine d’Eric Antoine manque de sens et est un peu déconnectée du reste du spectacle comme un acte gratuit.
Conclusion
Premièrement, on aime ou on n’aime pas le personnage surmédiatisé d’Eric Antoine. Volontairement excentrique et braque avec son public, il ne laisse pas indifférent. Le public qui vient le voir aime être secoué et traité de tous les noms ; c’est dans le contrat.
Florilège de ses phrases favorites pour les aficionados : « Tu te calmes », « J’aime pas trop les enfants », « Tu sais que si je m’assoie sur toi, tu décèdes dans 5 secondes », « Les grands, vous prenez les petits et vous les lancez en l’air. », « Vous êtes des malades », « Ambiance de merde »…
Début de tournée et 6ème représentation pour ce nouveau spectacle (3ème création après Réalité ou illusion ? et Mystéric) qui est en rodage et cherche sont rythme (ce qui est logique et pardonnable pour des débuts). Ce qui interroge le plus ce sont les choix du répertoire et leur imbrication, ainsi que la direction artistique.
Magic Délirium c’est un peu un délire qui part dans tous les sens, que l’équipe d’Eric Antoine a du mal à maîtriser. Pas de tour marquant, des idées « technologiques » à la traine (caméra sur scène, retransmission des coulisses, utilisation des réseaux sociaux, etc. Les américains n’ont pas attendus Eric Antoine pour explorer tout cela bien avant lui et de façon plus virtuose).
Un spectacle loin d’être emballant qui sous ses airs d’aborder de nouvelles voies recycle méchamment les précédentes créations de son auteur et « pille » les idées d’autres illusionnistes. Un spectacle « monstrueux » à l’image de l’affiche qui recompose le portrait d’Eric Antoine constitué d’objets hétéroclites, inspiré des anamorphoses plasticiennes de Bernard Pras. Mais c’est peut-être le but recherché ? Expérimenter une certaine forme d’hystérie spectaculaire qui colle assez bien au personnage du « plus grand magicien de France » quitte à laisser de côté l’unité et la cohérence et de perdre certains spectateurs dans la nébuleuse de l’esprit tortueux de l’illusionniste. On n’est pas loin d’un ratage artistique en règle, mais un ratage assez fascinant au vue de l’ambition démesurée de son auteur qui reste un comédien de stand up avant tout.
A lire :
– Son interview.
– son spectacle « Satisfait ou remboursé ».
– son DVD « Réalité ou illusion ? ».
– son spectacle avec Otto Wessely.
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