Extrait de la revue L’Illusionniste, N° 137 de mai 1913
Pour la seconde fois de cette année, la mort cruelle nous oblige à lui consacrer les premières lignes de ce journal Celui qu’elle vient de frapper, Henri Duperrey, fut un grand artiste et sa perte sera certainement déplorée par tous les prestidigitateurs qui le connurent. Né à Londres, le 21 avril 1843, il vient de s’éteindre, dans sa retraite de Gagny, le 27 avril 1913 et repose maintenant au cimetière du Père Lachaise dans le caveau de sa famille. Ses obsèques qui eurent lieu a Paris le 30 avril, réunirent, dans un pieux hommage, un si grand nombre d’amis que l’église St-Eugène, où se célébra la funèbre cérémonie, fut trop petite pour les contenir.
Duperrey ne fut cependant pas connu du grand public comme il eut mérité de l’être ; ennemi du bluff et de la réclame, on peut dire que sa modestie égalait son talent ; mais, parmi tous ceux de sa génération, il fut certainement le prestidigitateur le plus admiré et le plus apprécié de ses confrères. C’est ainsi que pendant sa longue période au théâtre Robert-Houdin, il ne donna pas une représentation sans compter parmi l’auditoire un professionnel de la Magie venant s’inspirer de ses procédés et tenter d’assimiler ses méthodes.
Lévitation de Jehanne d’Alcy par Duperrey
Son répertoire était relativement peu étendu, une quinzaine d’expériences seulement le composaient ; mais, chacune d’elles était une merveille tant par sa conception que par sa parfaite exécution. Il incarnait l’artiste consciencieux par excellence, n’admettant pas les demi-mesures ; aussi, lorsque, piqué à son tour par la tarentule magique, il décida de se consacrer à la Prestidigitation, étudia-t-il cet art à fond, et c’est seulement lorsqu’il se sentit de première force qu’il se présenta au public. Tout gamin déjà il avait pourtant fait connaissance avec la Magie. Etant petit clerc à Rouen, où il fut élevé et musardant à chaque coin de rue, comme tout saute ruisseau qui se respecte, il avait appris d’un escamoteur de carrefour qui, paraît-il l’exécutait à merveille, le vieux tour des gobelets, lequel forma ensuite pour Duperrey l’appréciable noyau de tant de jolies expériences qu’il y adjoignit par la suite.
Au début de sa carrière artistique, il avait ouvert un théâtre forain, et au cours de l’une de ses tournées il s’associa avec Adrien Delille. Mais ce fut dans les salons et sur la scène élégante du Théâtre Robert-Houdin qu’il trouva le plus flatteur succès comme aussi le plus mérité. Souhaitons que la jeune génération des prestidigitateurs, prenant modèle sur ces anciens que, de jour en jour, la mort nous enlève, s’attache à les égaler et à combler le vide, hélas ! si grand, fait dans les rangs de la Magie française par la disparition de ces admirables artistes.
J.C
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