Je pourrais, moi aussi, avec une légère variante, me flatter que : « Rien de ce qui touche à la Magie, ne m’est étranger. » Estimant que l’Académie en prend vraiment un peu à son aise pour terminer son dictionnaire, déjà fameux par la lenteur de son élaboration, je la devance. Tout simplement.
Si nous attendons que nos académiciens en soient à la lettre M, pour parler de la Magie, nous aurons peut-être vu se lever l’aurore du XXIème siècle. Nous n’aurons jamais la patience d’attendre jusque là et, ma foi, plutôt que de rester à rien faire et aller sucer des tuyaux de paille à la terrasse des cafés ou faire d’interminables parties de Zanzibar dans de pitoyables bars, je me suis courageusement mis à l’établi pour confectionner un petit dictionnaire spécialement ad usum Magicorum, si j’ose m’exprimer ainsi.
Si on estime que la nécessité de ce petit labeur ne se faisait pas hydrophobiquement sentir, on voudra bien, en tous cas, reconnaître que cette innocente occupation vaut bien celle qui consiste à se vautrer sur les divans de différents établissements de boissons, comme je suis coutumier de le faire à mes heures perdues. On me le reproche d’ailleurs assez !
Mais, pas tant de boniment, j’en ai déjà assez fait il n’y a pas longtemps.
Je commence donc, sans plus de jambages, par la lettre A qui, comme chacun sait, est la première de l’alphabet ; avantage qu’elle ne doit, du reste, qu’à cette circonstance qu’il ne s’en trouve pas une autre avant elle. Ayant ainsi la conscience en repos à ce sujet, j’entre vigoureusement dans le plein de la question.
Abonnement, n. m. — Convention, marché, fait à un prix et pour un temps déterminé : abonnement au chemin de fer, aux journaux, à l’Opéra, etc.
Les personnes tributaires d’un abonnement doivent veiller avec soin à ce que leur servante dise toujours la vérité; chacun sait que la personne dont la bonne ment… expire dans un délai déterminé, ainsi qu’en fait mention la banque d’adresse.
Lorsqu’il s’agit des passions, des vices, de» excès, ou des plaisirs, on dit : s’adonner, au lieu de s’abonner, mais il y a une nuance.
Le mot abonnement, n’a, d’ailleurs, aucun rapport avec la Magie, si ce n’est de rappeler aux adeptes le plaisir qu’il y a pour eux de s’adonner à la lecture de L’Illusionniste et surtout la nécessité de s’y abonner.
Abracadabrant, adj. — Mot magique et cabalistique; un peu désuet. Exprime un mélange d’étonnement et d’admiration. On dit aussi : Epatant! Mais quel que soit le terme employé, exprime le plus souvent, l’opinion qu’on a de soi-même.
Abstenir (s’) v. pv. — Ce qu’on a de mieux à faire quand on s’aperçoit qu’on va dire une bêtise. Seulement on s’en aperçoit rarement; c’est pourquoi on en dit tant.
Addition, s. f. — Expérience bien connue au cours de la quelle on prie un spectateur de faire une addition, en opérant une soustraction à l’aide d’une substitution. (Voir ce mot.)
Admiration, s. f. — Sentiment de considération qui se manifeste le plus souvent sous les apparences d’une franche mutualité, mais qui, en réalité est exclusivement personnel.
Adresse, s. f. — Qualité manuelle que possèdent certains prestidigitateurs. — Commercialement, se trouve en abondance dans le « Bottin ». — Magiquement, s’acquiert par l’exercice; et encore pas toujours. — Intellectuellement : quantité de faits démontrent journellement combien elle est d’une acquisition difficile.
Affaire, s. f. — Ce mot à d’innombrables acceptions. Dans tous les corps de métiers, ou corporations artistiques, il n’a qu’un sens unique : gagner de l’argent. En Magie aussi.
Affiche, s. f. — Grande feuille de papier imprimé, destinée à proclamer les louanges de celui qui paye la facture de l’imprimeur.
Affluer. — Verbe neutre, que les directeurs de théâtre et aussi les artistes, ne demandent qu’à voir se transformer en verbe actif à l’ouverture des bureaux.
Agression, s. f. — Entrer inopinément quelque part, pour offrir d’y faire des tours.
Ahuri, adj. — Etat souvent plus présumé que réel dans lequel se trouve le spectateur, à l’estimation de certains opérateurs.
Aléatoire. — Adjectif fâcheusement qualificatif, dans les cas toujours trop fréquents, où il s’applique aux recettes et bénéfices.
Amateur, s. m. —- L’ami des professionnels dont il est souvent le Mécène. N’est, habituellement pas de ceux dont on dit : « II veut tout savoir et ne rien payer ». C’est par là qu’il se distingue. C’est pourquoi on dit toujours : « Un amateur distingué » a droit, à ces différents titres, à tous les égards des professionnels, et vice-versa. Au point de vue technique, l’amateur est, en général, très calé. Sa passion pour la Magie s’exerce volontiers sur des détails parfois dépourvus d’ampleur, sur lesquels, cependant, il aime à disserter, discuter, comparer, analyser, etc., etc., avec une foi, une ardeur et une patience qui peuvent le conduire en certains cas, jusqu’aux confins de la contention hiératique.
Lorsque deux amateurs se rencontrent, ils ne se livrent à aucune hilarité à l’instar des augures. C’est pour eux une joie infinie que de se trouver ensemble. Ils se font alors des confidences alambiquées, au cours desquelles ils évaluent la valeur, la finesse ou l’ingéniosité d’une passe, d’un change ou d’un filage, dont ils se font réciproquement ressortir les secrètes beautés.
Il n’y a donc pas à s’étonner de la profondeur et de l’intensité de leur technique. Elle vous entraîne à conclure qu’ils doivent être de merveilleux opérateurs, et qu’ils doivent faire des tours avec une incomparable maîtrise. Malheureusement ils n’en font jamais.
Ambidextre. — Ce mot qui vient du latin ambo et dextra, vient aussi à propos pour exposer qu’il s’applique logiquement aux artistes qui sont adroits des deux mains (il y en a), mais pas du tout à ceux qui ne le sont ni de l’une ni de l’autre (il y en a aussi).
Ami. — Substantif très commun, désignant un objet très rare. Mot de description épineuse (voyez collègue).
Aplomb.— Très recommandé à ceux qui en manquent, et dont ceux qui en ont beaucoup, doivent user avec modération.
Apparition, s. f. — Manifestation subite et matérielle d’un objet ou d’une personne, que le public doit voir « apparue » mais non pendant qu’elle est en train d’apparaître.
Apparence, s. f. — Vraisemblance, probabilité d’une chose. En esprit, talent et intelligence, les apparences sont généralement plus nombreuses que les réalités. En magie aussi et en spiritisme encore plus.
Applaudir, v.tr. — Manifestation bruyante de satisfaction dont la spontanéité est le plus souvent réglée et tarifiée d’avance.
Appliquer, v. tr. — Mettre une chose sur une autre. Ex. Appliquer un soufflet. On dit aussi : coller un paing. — Au sens professionnel, le mieux est d’employer ce verbe au pronominal et mettre ainsi tous ses soins à ce que l’on fait.
Apprêter, v. tr. — Préparer, mettre en état; travaux préparatoires appliqués à une expérience, en vue de démontrer qu’elle n’est nullement préparée.
Ardoise, s. f. — Pierre tendre et bleuâtre qui sert à couvrir les maisons et les trucs du spiritisme.
Argent, s. m. — Métal qui sert à fabriquer les pièces qui sont blanches et qu’on emploie pour faire la pluie d’or, qui est jaune, dans un chapeau de soie, qui est noir, devant un public qui en est bleu.
Artiste, s. m. — Celui qui exerce un art libéral, comme la peinture, la sculpture, ou un art sublime et supérieur à tous, comme la Prestidigitation.
Artifice, s. m. — Mot qui d’après ses racines latines devrait signifier : « faire avec art », mais dans la pratique, (ce que c’est que de nous), il est synonyme de tromperie, fraude, subterfuge, etc. Très employé en Magie, en pyrotechnie et surtout en spiritisme.
Attraction, s. f. — Action d’attirer. En magie ce mot est toujours précédé de l’adjectif « grande »; on n’en connaît pas de petites. Quelle que soit la dimension, il y a des attractions qui attirent la foule, d’autres qui attirent la critique; il y en a aussi qui n’attirent rien du tout.
Automate, s. m. — Personnage ou animal inerte, en bois, carton ou autre métal, qui se meut de soi-même, de son propre mouvement, au moyen de celui qui lui est mécaniquement communiqué, d’autre part.
Autorité, s. f. — Puissance légitime à laquelle on doit se soumettre, mais à laquelle on ne se soumet que lorsqu’on ne peut pas faire autrement (voyez : conflit, désaccord, discussion ou rouspétance). On dit aussi : « Gondé » ou Quart », abr. de Quart d’œil ; fam.
E. Raynaly
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