Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
C’est mon père qui m’a appris mes premiers tours ; je devais avoir 10 ou 12 ans. Il avait pratiqué lui-même étant enfant. Il a attendu que j’ai 14 ou 15 ans pour me montrer des manipulations de pièces : tourniquet, italienne, pincée arrière, etc. Ainsi que des manips de cartes : saut de coupe classique, forçage classique, etc. Je crois qu’à 20 ans je faisais mieux le forçage classique qu’aujourd’hui.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Le vrai déclic ça a été quand, aux Beaux-Arts d’Aix-en-Provence, on nous a demandé de nous joindre à l’opération « Ville ouverte aux saltimbanques ». Des copains crachaient le feu, d’autres jouaient la samba et, du haut de mes 17 ans, j’ai présenté mes premiers tours en public dans la rue : anneaux chinois, sac à l’œuf, cordes coupées… Nous avions le cercle le plus grand de tout le Cours Mirabeau. Les pros en étaient jaloux. Je pense que c’est là que je me suis dit – « c’est ça que je veux faire ».
J’avais pris quelques cours avec VicBar à Marseille et très vite rejoint le Club de Marseille où il y avait un certain André Robert. J’admirais son travail mais je n’étais pas tenté à l’époque par la cartomagie.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Comme j’allais au club de Marseille et que je vivais à Aix, je n’ai pas eu la chance ou l’esprit de faire de rencontre qui puisse m’aider à mes débuts. Je pense avoir eu longtemps le défaut de n’être pas assez travailleur et perfectionniste. C’est seulement maintenant que je m’en rends compte ! Quand j’ai fait l’armée j’ai présenté des numéros pour les fêtes des officiers. Après l’armée, j’ai fait le Conservatoire d’Art Dramatique, pris encore des cours de théâtre, suivit des stages dont un de longue durée sur la mise en scène avec Pierre Debauche. Bref j’avais ouvert la porte du théâtre pour mieux faire de la magie et en fait le théâtre m’en a éloigné pendant longtemps. Je reste à penser que Le Songe d’une nuit d’été est infiniment plus magique que 90% des spectacles d’illusionnisme.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Tant bien que mal. Grâce à Peter Din et Benoît Rosemont j’ai bossé durant huit ans sur les bateaux de croisière. C’est fort instructif parce qu’on a la chance d’entendre les commentaires sur son spectacle le lendemain matin et les jours suivants. On sait ainsi ce qui reste imparfait et ce qui a marqué.
Actuellement, en plus de mes numéros habituels, je travaille sur un spectacle pour enfants et je mets en scène les spectacles de deux amis dont celui de Benoît Rosemont.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Je ne sais plus dans quel gala, ça fait longtemps… C’est Dody Wiltohn qui m’avait énormément impressionné par sa présence extraordinaire et bienveillante. Et comme il arrivait à faire un « gros plan » sur scène en focalisant toute l’attention d’une salle de 800 spectateurs sur un rond de fumée de cigarette ! Plus de 30 ans après, je me souviens de ses ronds de fumée et de sa cigarette !!!
Sinon – je n’ai pas eu la chance le voir en « vrai » – celui qui me fait encore la plus forte impression, c’est Tommy Wonder. Il nous a quitté trop tôt celui-là.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
La magie du Cirque Plume serait sans doute celle qui « m’attire » le plus. J’admire ce que font les coréens, mais ce n’est pas de ce côté que j’irais… J’aime qu’on prenne le temps, qu’on laisse la place au rêve… En fait il y a beaucoup de choses que je trouve admirables mais fort peu qui m’attirent dans le sens où je pourrais me dire « je voudrais faire comme ça ».
Quelles sont vos influences artistiques ?
Par les livres que j’ai lu ce serait Derren Brown et Tommy Wonder qui m’inspirent le plus… Je ne suis pas certain – hélas – qu’ils m’aient suffisamment influencé…
Par les spectacles que j’ai vu, je mettrais Peter Brook en tête.
On sait qui on aime, qui on admire… Qui nous « influence », c’est plus dur à dire… L’influence est parfois un travail souterrain.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Travailler, travailler et travailler les techniques et les principes pour les oublier totalement en représentation. Travailler avec un metteur en scène ou, au moins, en équipe. Le chemin c’est celui du compagnonnage : rencontrer, apprendre et échanger.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Pas de regard particulier sur la magie actuelle… En fait je préfère le mot « illusionnisme » qui est plus approprié. Malgré quelques frémissements, notre art fort complexe et fort riche n’a pas encore trouvé la place qu’il mérite. « Transmettre le secret » est une contradiction de laquelle on ne peut pas sortir. Si nos méthodes sont trop divulguées, nos spectacles perdent en intérêt aux yeux de certains spectateurs (on le voit parfois avec la télé, l’Internet et les DVD). Si on conserve le secret sans passer le relais, il faut à chaque génération « réinventer la roue ».
Du coup l’art de l’illusionnisme stagne : nous ne sommes pas vraiment sortis de la pensée du XIXe siècle ou l’on rangeait par catégorie d’objets : magie des boules, des pièces, des cordes… C’est un peu ridicule. On devrait penser d’avantage par effets et choisir les objets (n’importe lesquels – un fer à repasser s’il le faut) en fonction du personnage que l’on incarne et de la magie que l’on veut donner à voir… Là encore ce serait une méthode impropre à la création. Mais c’est l’objet d’un colloque plus que d’un entretien…
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Si la question est « la place que donnent les magiciens à la culture », je dirais : trop maigre !
Sinon, l’importance de la culture est primordiale. Culture de notre propre art mais aussi de ce à quoi cela touche : Par exemple il n’est pas indifférent de savoir à quoi l’on touche de profond quand on restaure un objet préalablement détruit. Je pense au mythe d’Isis et Osiris… J’arrête là car le sujet est inépuisable.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
La magie, pour moi n’est pas un hobby, par chance cela reste une passion. Je n’aime pas le mot « hobbies », ça fait « peintre du dimanche… Je dessine, justement.
– Interview réalisée en septembre 2013.
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