Franchement parti avec des aprioris, et n’accrochant pas vraiment au style Dani Lary, rien de tel que d’assister à une représentation « d’un des plus grands magiciens » (dixit la citation), pour se faire un avis. Etant critiqué de toute part, mais faisant l’objet de nombreuses éloges dans la presse et les médias, je me décide…
Compilant pas mal de tours déjà présentés au « Plus grand cabaret du monde » sur France 2, Dani Lary a pu retravailler ses effets et développer d’autres présentations et ambiances en profondeur.
1er Tableau : Le manoir
Dans une ambiance gothique à la Dracula, aidé par le chant live d’une artiste lyrique d’exception, Dani Lary apparaît dans une cage à apparition. Il fait apparaître une femme d’une boîte de plexiglas transparente, fait subir des supplices à une autre dans un cercueil, réalise sa belle illusion des paravents où il passe à travers le corps d’une jeune fille avec un appareillage des plus léger (2 paravents de métal et du papier. Référence : passage à travers le corps d’une assistante de Franz Harary). Viens le tour de l’empalement sur l’épée, la crémation conclue par un squelette ridicule qui se redresse (réf : La femme changée en squelette de Ian Adair, 1962. La première crémation, baptisée The Mystery of She est de Hercat et a été présentée à l’Egyptian Hall en 1888), Une disparition sous un voile blanc, et pour finir le tour Réincarnation où 2 moines font tourner le cercueil du début pour révéler au final Dani Lary et sa partenaire privilégiée Valérie.
Au total 8 illusions qui s’enchaînent certes à un rythme effréné, mais sans grande logique que leur appartenance à un monde dit « gothique ». On a l’impression que le magicien a voulu caser ses illusions disparates présentées au « plus grand cabaret » sans se soucier des transitions d’où une impression de démonstration malgré le décor et les costumes « d’époque ».
Introduction
Dani Lary prend la parole et parle d’une manière stéréotypée du monde de la magie, style : « le rêve est inexplicable, ne cherchez pas le truc… ». Il demande à tout le public de se mettre debout, et là ça sent le twisting Hands à plein nez !!! Je me dis « non il va pas le faire ! Déjà Copperfield au Zénith, décidément c’est la loi des séries ! » Damned, il le fait, aie aie, aie… A ce moment là, le spectacle est mal parti.
2ème Tableau : La double lévitation
Dans une ambiance XVIIIème romantique annoncée comme telle par le magicien (qui aurait du se retenir) Dani Lary apparaît en poète écrivant une lettre sur une table d’époque. Arrive Valérie, lui fait apparaître une rose transformée d’un papier (effet limite !), puis Valérie lévite au dessus de la scène. Lui-même lévite vers elle et ils redescendent tous les deux. Durant tout le numéro, la chanteuse lyrique est présente à l’avant scène pour donner de la vie au tableau. Malgré le côté « Vieille magie poussiéreuse» l’impression est bonne et l’illusion agréable.
3ème Tableau : l’Egypte
C’est un des meilleurs tableau du spectacle où scénographie, chorégraphie, et illusions sont le mieux utilisés. Dans un décor Pharaonique une troupe de danseurs et danseuses investissent l’espace dans une chorégraphie « très égyptienne » privilégiant le profil des corps. Une voix off annonce que le passé ne dévoile jamais tous ses secrets. Placé sous le regard du Dieu soleil, Dani Lary apparaît derrière un rideau aspiré dans une boîte qu’il tient dans ses mains (très bel effet visuel). Une pyramide en plexi est amenée sur scène et le « mage-icien » en fait sortir successivement 3 femmes dans un intéressant jeu de lumière – réflexion.
Viens ensuite le très beau tour de l’emballage, complètement justifié ici par le processus de momification. Entouré d’un film plastique, « le mage » se libère de sa prison (derrière un paravent) pour laisser place à Valérie qui se retrouve dans l’emballage. Pour finir en beauté vient l’illusion popularisée par le hollandais Hans Klok, où drapée d’un long manteau le magicien fait disparaître des femmes dans une énorme cabine transparente. Accompagné d’une musique nonchalante et de la voix sensuelle de la chanteuse, la scène dégage une singulière poésie ouatée. Un numéro superbe.
4ème Tableau : Houdini
Introduisant la légende du grand escapologiste dans une forme d’hommage (arrangeant au passage l’histoire de la mort de l’illusionniste) Dani Lary propose en prologue à son numéro, une projection d’images d’archives de l’artiste accompagnée d’une musique rythmée. C’est un véritable plaisir que de revoir les exploits mythiques de Houdini par le biais de photos mais surtout d’archives et de films complètement invisibles jusqu’alors !
Le rideau s’ouvre sur une reconstitution de l’épreuve de la pagode chinoise autour d’immenses posters de Nicola, Steens, Alba, Randi. C’est en fait une malle indienne adaptée avec transposition à la fin, où Dani Lary est enfermé dans une caisse remplie d’eau les pieds et les mains liées. Lors de cette représentation un fumigène n’ayant pas fonctionné correctement a dévoilé le truc ! Comme quoi la technique peut être faillible. Cela n’enlève rien à la qualité et à l’originalité du tour !
Entracte de 20mn
Première partie franchement moyenne, entachée par le problème technique de la malle indienne, malgré le tableau de l’Egypte.
5ème Tableau : Les années 70
Dans une chorégraphie très hippie avec danseurs ad hoc, Dani Lary relooké « Jeune décalé » fait apparaître une voiture 2cv sur scène avec « des figurants » dedans. C’est ensuite le tour de la bouteille de tequila où Valérie enfermée à l’intérieur réapparaît dans un énorme verre dans une transposition ultra flash ! Annoncé comme le tour le plus rapide du monde, l’effet est saisissant et percutant. Très bon.
6ème Tableau : Back Stage
Dans une ambiance décalée et de ringardise assumée, Dani Lary fait apparaître une femme d’une boîte accompagnée d’une tonitruante musique bavaroise ! Il propose de nous expliquer le tour et se met dos à nous (et face à nous) dans une ingénieuse retransmission vidéo. Mis dans la confidence, on suit amusé le processus du tour jusqu’à une double surprise finale inattendue ! Ce numéro inspiré de Lance Burton et créé par Dante en 1936 est très divertissant.
7ème Tableau : La cabine spirite
Le numéro le mieux écrit du spectacle, où s’épanouit le mieux le personnage de Dani Lary et de sa partenaire Valérie (plus à l’aise dans le registre comique et décalé). Faisant monter un spectateur sur scène, le magicien fait des allusions aux trappes, aux compères de Copperfield (encore un clin d’œil) et lui fait vérifier une corde. Arrive Valérie dans le rôle de la partenaire cruche de service attirant tous les regards en « provoquant » le public. Le spectateur vérifie la cabine, attache Valérie, et s’enferme avec elle jusqu’à se retrouver sans veste (retrouvée sur les épaules de l’assistante).
Durant tout le numéro, c’est un festival de jeu de mots à double sens très bien étudiés faisant mouche à chaque fois et ne tombant pas dans la facilité. En vrac : « Vous pouvez sauter avec » (la corde et non Valérie), « Vérifiez le tissu » (de la cabine, et non de la robe de Valérie), « Examinez Valérie, elle n’est pas truquée, pas de double fond… », « Je mets mes doigts pour ne pas que ça glisse »…
8ème Tableau : Le piano volant
L’effet de Dominique Webb accompagné de musique. Pas très impressionnant au final. Malgré une bonne exécution on n’y croit pas beaucoup.
9ème Tableau : Corde de Pavel
Très bel effet, présenté sobrement dans le plus simple appareil, prenant à parti un enfant dans la salle pour le faire participer au processus magique à distance. Coupée une fois, un nœud se déplace sur la corde révélant (au stop du garçon) une coupure voyageuse, avant que la corde ne soit entièrement reconstituée. Dommage que la musique sirupeuse soit tire larme.
10ème Tableau final : Néo
Voix off, vocalise de la chanteuse (derrière un rideau transparent projetant des signes abstraits), chorégraphie de combat, costumes de cuir, ambiance japonisante. Tous les ingrédients à cette reconstitution cinématographique du film Matrix sont présents. Avec le tour de téléportation, Dani Lary et Valérie échangent leur place après avoir été recouvert de tissu mis en valeur par la couleur rouge et blanche (pour clarifier l’effet), le tout accompagné par un batteur en live derrière la projection. Après un intermède chorégraphique, une moto du futur arrive sur scène accessoirisée d’une fusée où prend place Valérie. Une énorme sphère remplie d’eau est placée à l’opposé. Appuyant sur l’accélérateur de la moto, la fusée se remplit de fumée et fait disparaître la jeune femme qui se retrouve dans « le bocal » comme un poisson rouge (par sa tenue) ! Pour conclure le spectacle, Dani/Néo passe à travers un ventilateur géant pour disparaître et se retrouver dans la salle.
Au final, un spectacle complet qui se termine en crescendo avec 4 danseuses, 2 danseurs acrobates, 1 chanteuse lyrique, un batteur, et le couple Dani Lary/Valérie sur scène.
Conclusion
Points positifs : Une avalanche de grandes illusions ; Dani Lary n’est pas avare en effets contrairement à Copperfield (dans son dernier spectacle), surtout qu’il a l’énorme mérite de construire la grande majorité de ses illusions qui sont ainsi personnalisées ; respect !
Une volonté, malgré les conventions et les stéréotypes du genre, de vouloir développer un spectacle total autour de la magie, en se faisant entouré de danseurs, musiciens, chanteuse, metteur en scène et scénographe. On voit l’apport d’une chanteuse intervenant en live et d’un vrai travail sur la lumière mettant en valeur les scènes et les effets.
Points à améliorer : Un spectacle inégal, une 2ème partie supérieure à la 1ère, Une adéquation de tours par rapport à la personnalité de Dani Lary, un manque de sens dans certains effets, un manque de charisme pour des numéros où la crédibilité du magicien est mise en cause. Le choix de thématiques trop stéréotypées et communes à beaucoup d’illusionnistes. Le trop plein de produits dérivés en coulisse (mug, jeux, t-shirts, posters, jeu de carte, livre…).
L’impression générale est positive et le plaisir est de la partie grâce au professionnalisme de la troupe. On s’amuse très souvent et on ne s’ennuie pas malgré des imperfections passagères.
A voir :
– DVD « Dani Lary… Le magicien de l’impossible ? » aux éditions LCJ (2006).
A lire :
– l’interview de Dani Lary.
– Son talk show au Jean Merlin Magic History Day 2012.
– La clé des mystères.
– Retro Temporis.
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