Présentez-vous
A 17 ans, j’entreprends une formation artistique en musique jazz à la Scuola civica jazz di Milano. Je me dirige ensuite vers le théâtre de rue avec le groupe T.A.E. de Bergame. Entre 1999 et 2002 je travaille comme artiste de rue (au chapeau) en Italie, en France, et en Espagne. Je décide ensuite d’entamer une formation d’acrobate de cirque au Lido, le Centre des Arts du Cirque de Toulouse. En 2005, je commence ma carrière d’artiste professionnel en travaillant en tant que danseur avec différents artistes : Cie Kdanse, Olivier Py, Roberto Olivan, Fré Werbrouck, entre autres. J’ai également expérimenté le travail d’acteur avec la Cie ARCAT. Depuis 2007, je travaille comme interprète pour la Cie Dame de Pic / Karine Ponties : Humus Vertebra et Fidèle à l’éclair. Mai 2008 marque le début de mon travail de projet personnel sur la recherche corporelle intitulé L’Autre.
Sur quelle(s) thématique(s) travaillez-vous ?
Je ne suis pas un artiste qui travaille sur des thématiques, des idées ou des concepts. Mes recherches ont pour point de départ le corps, je m’entraine très longtemps sur des exercices purement physiques et d’autres très théâtraux.
En travaillant et en filmant mes exercices, je développe et je crée d’autres exercices. Parfois mes improvisations m’amènent à trouver des situations et des scènes qui me parlent et que je commence a développer. Une fois que j’ai trouvé une scène, je me demande « organiquement » qu’est ce qui pourrait suivre et comment le spectacle pourrait se former autour de ça ? Généralement, il se forme tout seul, mais il faut avoir beaucoup de temps pour ça ! Ce qui m’intéresse le plus en créant un spectacle, c’est de développer de nouvelles habilitées dans l’interprétation et d’affiner mes connaissances en mise en scène et en chorégraphie. Comprendre pourquoi une scène jouée d’une certaine façon marche ou ne marche pas.
Parlez-nous de vos spectacles
La seule chose qu’on peut trouver dans mes créations est l’utilisation du corps pour raconter. Mais je ne suis pas en train de développer un style ou une technique. Parfois j’utilise la parole et l’interaction directe avec le public, dans d’autre cas ce sont des chorégraphies qui bougent très vite avec une musique très présente. J’aime bien dire que c’est le spectacle qui décide Sa façon d’être et Sa technique de narration. J’essaie d’être très à l’écoute pendant la création et de suivre les indications que le spectacle me donne.
Pour l’autre, j’ai voulu développer un spectacle très lent et sans musique. Cette création est issue d’un long processus de recherche lancé en 2008 et centrée sur le mouvement et sur la relation corps-objet. Ce que j’ai cherché (et recherche encore) est une façon de donner vie, par le mouvement, à mes pulsions instinctives, à mes désirs cachés et autres parts de mon inconscient qui, normalement, ne se manifestent pas. Au cours de cette recherche, j’ai parcouru une vingtaine d’étapes de travail. Chaque étape s’est clôturée par un événement public : présentation, ateliers et/ou installations vidéo, le tout présenté dans différentes structures en Belgique, en Italie, au Portugal, en France et aux USA. Le désir de « convertir » cette recherche en spectacle est né naturellement en cours de route. De façon organique, ont ainsi surgi des éléments (mouvements, objets, atmosphères, sens de l’humour particulier) aux couleurs similaires. J’ai éprouvé le besoin de rassembler ce matériel, de le retravailler (voire de le pousser plus loin) et d’en construire une pièce à part entière.
Dans L’Autre, je mets en scène la possibilité qu’une partie cachée de moi-même prenne forme humaine, libre, et vienne troubler ce «moi» conscient et son sens de la réalité. J’appelle cette partie intérieure mon «Autre». Sur scène, j’incarne les deux : «moi» et mon «Autre». Ils se trouvent ensemble dans un même corps, qui hésite entre deux manières d’exister : le «moi» lucide et le «moi» inconscient, imaginaire. L’«Autre» demeure dans un monde composé d’objets vivants (meubles et autres objets détournés/réinventés) qui apparaissent l’un après l’autre. Il les manipule, les découvre. Le tout se passe dans un silence profond. Les seuls bruits proviennent des objets manipulés et de la respiration de l’«Autre». Le spectacle semble un solo, mais c’est d’un duo qu’il s’agit : dans la pénombre, quelqu’un, « invisible » (Martin Firket) manoeuvre tout ce qui est visible. Un technicien, un maître de cérémonie, un sorcier, un marionnettiste ou, tout simplement, celui qui décide et rend possible le monde de l’«Autre». Avec cette pièce, je ne cherche pas à livrer un message clair ou à raconter une histoire bien définie. J’essaie de stimuler l’imaginaire du public et de provoquer des réponses instinctives, comme dans un rêve…
Comment intervient la magie dans votre travail ?
Ma formation de circassien est une des causes de l’intérêt que je porte à la magie. Je suis aussi très curieux des recherches de Raphaël Navarro. Je trouve que la magie “revisitée” est un nouvel outil pour le spectacle contemporain et qu’il y a beaucoup à chercher dedans.
Je dois aussi dire qu’en travaillant seul dans mes recherches pour L’autre, mes seuls amis dans mes improvisations étaient les objets présents dans la salle. Avec le temps j’ai commencé à me demander comment ils pourraient avoir leur propre vie, en parallèle du parcours de mon personnage. C’est comme ça que l’étude des illusions a commencée. La rencontre avec Martin Firket a aidé à amplifier et à rendre concret ce monde. Nous avons tout créé nous même avec parfois des conseils d’amis qui venaient nous voir travailler. Nous avons travaillé avec des moyens très réduits et je suis content d’avoir développé une façon de créer de la magie d’une manière artisanale, basée sur l’imagination et non sur l’achat de matériel couteux ! La magie aide à rêver, à créer des situations absurdes et des mondes parallèles au notre.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Toutes les personnes pour qui j’ai travaillé, et certains artistes comme : Joseph Nadj, Rodrigo Garcia, Jhoan le Guillerme, et d’autres encore. Mais aussi Batman, Spiderman, le fou dans la rue, et tout ce qui est réel mais décalé.
A lire :
– Le compte-rendu de L’autre.
A visiter :
– Le site de l’autre.
Interview réalisée en avril 2011. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Martin Firket, Dusa Gábor, Claudio Stellato. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.