Comment es-tu entré dans la magie ? À quand remonte ton premier déclic ?
Bonjour Sébastien et merci pour ton invitation. J’ai déjà tenté de chercher toutes les raisons qui d’une façon ou d’une autre m’avaient fait « entrer » dans les arts magiques, une entrée qui ne s’est produite que tardivement au regard de celles et ceux qui, enfants, ont eu pour cadeau une boîte de magie initiatrice – ce qui ne fut pas mon cas – et j’ai trouvé bien trop d’éléments déclencheurs pour apporter une réponse définitive qui se résumerait et se réduirait à un seul déclic, à une origine ponctuelle et bien déterminée.

D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été fasciné par le mystère mais tout autant par les solutions qu’on peut apporter aux diverses énigmes qu’il soulève ; il est difficile d’identifier la cause de cet état d’esprit, disons qu’il s’agit d’une curiosité naturelle (je dis souvent que « je m’intéresse à tout, même à ce qui a priori ne m’intéresse pas »). Pour ce qui concerne plus particulièrement le cadre de l’illusionnisme je vais évoquer quelques histoires personnelles à titre d’exemples. Jeune (vers dix ans ?) j’ai assisté à une représentation circassienne dans la ville ardéchoise où j’ai grandi, dans laquelle figurait un numéro d’illusionnisme. De façon très vague je me souviens de l’apparition d’une assistante dans une caisse (une boîte, un carton, un coffre ?) sans doute montrée préalablement vide – j’ai oublié le reste de la représentation. Le lendemain, animé par l’envie de savoir, je suis retourné à vélo sur les lieux ; le cirque n’était plus là et j’ai cherché sur la place concernée des traces de ce qui aurait pu être une voie d’accès par le sol, une trappe, car je voulais comprendre. Il n’y avait rien de la sorte évidemment. Ce mystère est resté gravé en moi et c’est certainement l’un des éléments ayant pu susciter mon goût de connaître les secrets des tours ; néanmoins c’est resté enfoui vraiment très longtemps, donc à l’état latent parmi moult facteurs. Ultérieurement j’ai assisté à une représentation de magie de salon, sur un bateau amarré me semble-t-il, lorsque j’avais quinze ans, durant un voyage scolaire aux États-Unis. Je me souviens vaguement de lait qui coulait d’un entonnoir depuis l’aisselle d’un enfant du public participant au spectacle, mais pas plus. Tout cela pour préciser que jeune je n’ai eu que peu d’occasions d’assister directement à des représentations de magie professionnelles. Mon père présentait paraît-il des tours de cartes ; je n’en ai aucun souvenir car il décéda lorsque j’étais petit, d’un cancer dû au tabac, mais qui sait si cela ne laissa pas des traces inconscientes en moi puisque je pratique aussi la cartomagie ? Je devais être pré-ado lorsque mon frère ainé exécuta un tour de cartes avec une présentation assez longue de son cru ; je me souviens qu’il y avait un petit coffre en bois à la fin, peut-être cadenassé et dans lequel on retrouvait finalement une carte préalablement choisie. C’est resté un souvenir empreint d’une grande étrangeté due en partie au côté particulièrement alambiqué du tour et notamment de sa présentation qui nous entraîna ma mère et moi à travers plusieurs pièces de la maison, comme pour mieux nous perdre. À ces très imprécis souvenirs s’ajoutent des images de films (Tony Curtis incarnant Houdini par exemple, et surtout cette scène où, alors qu’il se libère sans mouvement apparent d’une camisole de force, il regarde la pampille d’un lustre qui bouge et tourne sur elle-même, comme mue par un effet de psychokinèse), de séries télévisées impliquant des prestidigitateurs de tout poil ainsi que de divers génériques présentant des manipulations de cartes. Il y a eu aussi l’influence de certains gadgets de Pif (évidemment), les super-héros (surtout ceux des comics Marvel dont j’étais très friand) qui grâce à leurs pouvoirs sont tous à leur manière des magiciens extraordinaires, sans oublier les illusionnistes qu’on voyait à la télé dans les années 70. Je pense que le fameux « déclic » dont tu parles c’est bien souvent une histoire qu’on se raconte, ça n’existe pas vraiment : on adore imaginer qu’un élément déclencheur unique (la fameuse boîte de magie pour enfant dont j’ai parlé précédemment) est à la source de notre passion, mais c’est sans doute faux. Nous sommes imprégnés par de multiples souvenirs provenant de sources diverses et d’émotions nombreuses qui sont restés gravés dans notre esprit en une arborescence complexe et inaccessible dans son entièreté. Bref je penche pour une origine multifactorielle à mon « entrée » en magie, entrée qui n’arriva finalement que bien des décennies plus tard.
Quand as-tu franchi le premier pas et comment as-tu appris ?
Un jour j’ai accompagné un ami proche qui cherchait des casse-tête ; il trouva son bonheur dans une boutique et le vendeur en profita pour nous montrer quelques tours de magie. Nous sommes revenus assez vite pour acheter lesdits tours (et même quelques autres) qui nous semblaient finalement bien plus stimulants et attractifs que des casse-tête. Je me suis ensuite impliqué un peu plus en achetant des livres, à commencer par The Magic Book en français d’Harry Lorayne, les recueils de tours de cartes automatiques compilés par Richard Vollmer, puis quasiment tous les ouvrages que publiaient les Éditions Techniques du Spectacle (qui devinrent Magix Unlimited), etc. J’ai un peu papillonné entre les diverses boutiques pour acheter des tas de tours, pris quelques cours à droite à gauche et c’est finalement avec Bébel que je me suis senti le mieux. Une complicité s’établit entre nous et l’on devint d’ailleurs très vite amis – ce qui m’amena à rédiger les explications de plusieurs tours de cartes de son cru pour diverses publications. J’assistais à un grand nombre de conférences car c’est l’une des expériences que je préfère en magie, à savoir bénéficier d’une interaction très proche avec un professionnel qui transmet ses connaissances et son savoir-faire, c’est un grand privilège que de vivre de pareilles interactions (l’internet français n’existait pas vraiment à l’époque, au début des années 90 je n’avais même pas d’ordinateur) donc mon avidité de connaissances magiques passait par d’autres voies, notamment lesdites conférences, quelques stages (au CIPI notamment), un peu les clubs et beaucoup de rencontres et d’amitiés nouées avec des personnes remarquables dont certaines ont réalisé depuis de très belles carrières artistiques. J’ajoute que j’ai également visionné et étudié de nombreux vidéogrammes de magiciens.

Quelles sont les personnes ou les opportunités qui t’ont aidé. À l’inverse, un évènement t’a-t-il freiné ?
Dès que j’ai commencé la magie j’ai conçu des tours de magie personnels qui, à ma grande surprise, attirèrent l’attention de professionnels reconnus. La créativité est sans doute dans ma nature, avec peut-être une particularité en magie qui venait de ce que je n’étais pas du sérail. Auparavant j’avais produit nombre d’œuvres peintes, graphiques ou en volume, notamment lorsque j’étais aux Beaux-Arts de Lyon (donc durant cinq années assez intenses de ce point de vue) ; je compose depuis des décennies des morceaux de guitare (professeur de guitare est mon métier principal, rappelons-le) ; j’écris, et pas seulement les articles sur la magie ou les tours que j’ai rédigés dans des revues diverses ou des livres de prestidigitation mais aussi de la poésie, des nouvelles, des aphorismes, des pensées, des jeux de mots (un dictionnaire de mots-valises de ma composition fut en ligne durant des années sur le site d’Alain Créhange, le spécialiste français du genre), etc. Mes travaux d’écriture devraient petit à petit voir le jour puisque j’ai créé ma propre maison d’édition, ce n’est donc qu’une question de temps. Bref, c’est sans doute cette créativité et une certaine originalité de parcours qui fit que même les tout premiers tours que j’ai conçus suscitèrent un certain intérêt de la part de personnes connues et influentes du milieu magique, à commencer par un tour de cartes à figures réversibles, Les Neuf Concubines, que j’avais d’abord présenté en petits comités aux Amis de la Magie et qui fut d’ailleurs commercialisé en 1995. Deux de mes premiers tours de cartes furent publiés dans Le Magicien, puis fut imprimé un livre de 120 pages intitulé Désillusions d’optique, à savoir un corollaire au tour des Neuf Concubines, auquel participèrent gracieusement des magiciens de renom (et que je remercie encore) ; de mémoire c’est Gaëtan Bloom, avec qui j’étais presque voisin à l’époque, qui m’a suggéré d’assembler en un recueil mes effets avec des cartes à figures réversibles.

Par la suite j’ai publié plusieurs fois dans : Arcane (le rédacteur en chef Jean-Yves Prost est allé jusqu’à me proposer une carte blanche pour un numéro entier !), Imagik (Daniel Rhod m’a plusieurs fois offert ce privilège de participer à cette revue d’exception, ce qui fut d’ailleurs l’occasion de publier mes premières idées sur les chouchous), L’Illusionniste (grâce à Jean-Claude Nops qui est également devenu un ami), les bulletins de l’association de mentalistes Mindon Mania, etc., ce qui veut dire que de nombreuses personnes m’ont soutenu en m’offrant ces vitrines, et ce à mon grand étonnement. Pierre Jacques a beaucoup œuvré pour que je participe à son concours des Amis de la Magie, que j’ai remporté, ce qui amena François Montmirel (le patron des sociétés Joker Deluxe, Fantaisium et l’éditeur d’Imagik) à me proposer le tournage d’une cassette vidéo sur ma routine de chouchous, ce qui donna la VHS Scrunchy Magic en 2001 (précédée néanmoins d’une participation vidéo à Imagik Génération 3 en 2000). Dans le livre Prestidigitation – Retour aux sources, de 2021, mes amis Philippe Billot et Pierre Guedin ont produit un article assez exhaustif sur toutes mes productions magiques, donc finalement le plus simple est de s’y référer car presque toutes les personnes ayant agi pour que mes idées soient publiées ou diffusées y figurent d’une façon ou d’une autre, en pleine lumière ou en creux. Je n’oublie pas Bébel et Nourdine qui en plus de leur amitié m’accordèrent leur confiance pour décrire nombre de leurs routines dans différents livres ou revues. Durant plusieurs années fécondes en rencontres j’ai participé à des rencontres amicales entre passionnés organisées très régulièrement par Nourdine dans des restaurants où j’ai pu côtoyer des magiciens très attachants et bouillonnant d’idées, de Jean Faré à Duraty en passant par Mark Setteducati, Antonio Bembibre, Gérard Alexandre et tant d’autres.

Dans quelles conditions travailles-tu ? Quels sont tes domaines de compétence ?
Je n’ai pas l’âme d’un showman et ne suis pas « magicien professionnel », je reste un amateur, donc l’essentiel de mes productions magiques est lié à l’inventivité et non à des prestations ou des spectacles. J’ai œuvré dans le domaine des cartes à figures réversibles, j’ai étudié la cartomagie avec passion, je me suis illustré dans le domaine de la magie des élastiques et des chouchous et j’ai produit un certain nombre d’effets diversifiés dans d’autres domaines (allumettes, bouchons, principes mathématiques, etc.) qui relèvent essentiellement du close-up, voire de la magie de salon. Comme j’ai été amené à décrire très tôt mes effets, ça m’a poussé à être exigeant sur la qualité des textes afférents. Coucher ses propres idées sur le papier de telle sorte qu’elles deviennent intelligibles et claires pour le lecteur fait inéluctablement progresser car on exécute beaucoup de mouvements sans en comprendre forcément la mécanique profonde. Cerise sur le gâteau, en faire la description détaillée permet parfois d’affiner encore plus une technique qu’on croyait pourtant maîtriser.

Comment sont nées tes différentes créations d’effets magiques. Quelles ont été tes inspirations, ta volonté ?
Les tours naissent bien souvent par des associations d’idées notamment en étudiant un tour préexistant et en trouvant une solution différente de celle proposée, ou en transformant l’effet initial. Prenons un exemple : les cartomanes savent qu’une même technique permet soit de transformer une carte soit de réaliser une Carte ambitieuse, c’est-à-dire deux effets et deux thèmes pourtant totalement différents, il suffisait d’y penser. On peut également créer par concaténation, en mettant des idées bout à bout pour générer une chaîne d’effets en cascades. Un tour peut également surgir soudainement dans notre esprit sans qu’il n’y ait le moindre contrôle à cela, un « haha » (le fameux éclair de la compréhension dont parle Martin Gardner pour les mathématiques mais qui peut s’appliquer à toute révélation soudaine). Parfois on imagine un tour résolu à 99 % dès le premier instant, par fulgurance, mais il faudra ensuite un travail considérable pour régler les derniers détails du 1 % restant ; ce fut exactement ce qui m’est arrivé pour le tour Micro Big Bang lorsque j’ai trouvé en un éclair le moyen d’allonger une barre de métal non truquée glissée dans une paille accordéon, à vue : l’idée a jailli dans mon esprit en un éclair mais il m’a fallu une longue et forte cogitation pour trouver – en plus du visuel très convaincant – le moyen de faire mesurer ladite barre avant et après l’effet, pour prouver aussi à l’intellect l’allongement « réel ». Ce fut donc l’occasion d’inventer une ruse magique de plus. Le hasard est également créatif : à force de manipuler des objets, des cartes, des élastiques il arrive qu’une configuration nouvelle apparaisse sous nos yeux (topologique par exemple dans le cas des chouchous) et il ne faut pas la laisser s’évanouir. Il faut être attentif à tout ce qui se passe. Que ce soit lors de mes cours de magie ou de guitare, j’ai remarqué que bien souvent des choses apparaissaient sous nos yeux ou dans nos oreilles (une façon nouvelle mais jolie de jouer une mélodie par exemple, découlant d’une erreur, un glissé inattendu d’une note à une autre) et qu’il existe une certaine aptitude à les remarquer et les retenir. Un élève va considérer son erreur comme une faute alors que pour ma part j’y verrais une variation, une idée à développer. Cette approche est également efficace pour ce qui concerne la présentation. Il faut se nourrir de tout comme je le disais précédemment.


Parle-nous de ta maison d’édition, AYAMAYA. Quand, comment et pourquoi est né ce projet ? Ses différentes étapes ? Les principales difficultés rencontrées ? Quel est ton rôle dedans ?
Les éditions AYAMAYA ont été créées en 2017. Mon objectif est de produire des ouvrages originaux qui n’auraient sans doute pas vu le jour autrement ; de fait cela reste une petite structure quasi familiale dans laquelle j’assure un peu tous les rôles : sélection des ouvrages du catalogue, travail avec les auteurs pour les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes (ce qui prend souvent des années de collaboration constructive), nombreuses relectures et correction des textes, choix des couvertures (l’une des importantes prérogatives de l’éditeur), rédaction de certains textes additionnels à ceux des auteurs, que je ne signe pas forcément d’ailleurs, sans compter les éventuelles préfaces, notes de l’éditeur, quatrièmes de couvertures, les recherches iconographiques, le travail en interaction constante avec les maquettistes puis avec l’imprimeur, le financement des projets, le stockage, la diffusion, la distribution, la vente, la rémunération des auteurs… Les premières difficultés sont administratives car la paperasserie est chronophage, et financières car il faut rentrer dans son investissement sur chaque projet, or je travaille sur des sujets de niches avec un réseau plutôt limité par rapport à de gros éditeurs ayant une implantation et des ramifications sur tout le territoire. Il faut donc calculer au mieux le tirage en fonction de chaque livre pour parvenir au minimum à un équilibre financier ; les bénéfices renflouent la trésorerie et sont réinjectés dans de nouveaux projets, c’est un cercle vertueux. Mon choix éditorial se porte sur des livres que j’aurais achetés moi-même s’ils avaient été édités par d’autres ! Par ailleurs je suis attentif aux retours des acquéreurs et j’avoue que pour l’instant je suis comblé par leur enthousiasme. Je tiens également à ce que les auteurs soient totalement satisfaits de l’ouvrage que nous produisons ensemble ; là encore tout se passe bien puisque je n’ai que des réactions très chaleureuses. Quant à moi je suis extrêmement heureux des livres surprenants édités jusqu’à aujourd’hui ; à chaque fois les auteurs et moi avons donné le maximum de ce qu’il était possible au regard des contraintes inhérentes à ce travail de fourmi.

Peux-tu nous raconter l’histoire et la genèse des livres que tu as édités ? Comment s’est passée ta rencontre avec les auteurs ?


Le Traducteur magique, de Julien David. J’avais travaillé à la relecture d’un recueil d’ambigrammes intitulé Réversibles, de Julien David, magicien et ami qui m’avait demandé de jeter un coup d’œil sur la maquette de son ouvrage « terminé » (d’après lui) ; mes remarques entraînèrent un an de travail supplémentaire pour que Julien puisse autoéditer son recueil ! Néanmoins cela permit à son livre d’atteindre une sorte d’état de perfection dans son domaine et pour lequel tout a été bien pensé. Mon exigence et mes remarques, pertinentes à ses yeux semble-t-il, firent que Julien eut alors envie de me proposer en toute confiance de prendre en charge l’édition de son prochain ouvrage, Le Traducteur magique, un recueil d’ambigrammes franco-anglais agrémentés de notes d’humour construites selon différentes contraintes stylistiques listées en début d’ouvrage. C’était très novateur et le livre est à son échelle un succès puisqu’il s’en est déjà écoulé cinq cents exemplaires. J’ai tout fait pour lui donner la meilleure forme, sans rechigner sur les frais, à savoir une impression sur un papier suffisamment épais pour éviter toute transparence, avec une couverture en dur et un tirage couleur. C’était un sacré pari car on s’adressait à une cible fantôme. Finalement, les magiciens furent intéressés mais aussi les créateurs de logos et autres graphistes, les amateurs de jeux de mots et les oulipiens, les passionnés de livres-objets ou de curiosités, les profs d’anglais, etc. De plus nous avons eu de beaux retours par certains libraires ; nombreux furent celles et ceux qui nous ont soutenus, on a même eu des articles dans les journaux notamment grâce à la librairie Les 2 GeorgeS qui choisirent Le Traducteur magique – je cite – comme conseil de lecture en le décrivant comme l’ouvrage « le plus spectaculaire » pour Noël 2020. À cela s’ajoute que le livre de Julien fut l’un des coups de cœur du Maker Faire 2017, décerné par la chambre de commerce et d’industrie de Nantes et de Saint-Nazaire, alors qu’on avait en face de nous comme compétiteurs quatre cents « makers », à savoir des créateurs et inventeurs de toutes sortes dans des disciplines de pointe (robotique, impression 3D, etc.). Jolie consécration.

Prestidigitation – Retour aux sources, de Philippe Billot et Pierre Guedin. Pierre et Philippe eux aussi sont des amis. Ils connaissaient les tours de magie que j’avais écrits pour moi ou pour d’autres mais aussi mon travail de correcteur pour la revue L’Illusionniste durant quelques années. Par ailleurs j’avais chapeauté en partie la correction de leur précédent livre dont j’avais également assuré la préface. Ils m’ont donc confié presque en toute logique la tâche de prendre en charge l’édition de leur ouvrage titanesque de 560 pages format A4, sans savoir que cela allait prendre environ six ans avant qu’il ne voie le jour ! De multiples relectures ont donné lieu à de nombreuses reformulations, des ajouts rédactionnels, et de difficiles recherches iconographiques ont permis d’embellir l’ouvrage tout en le rendant plus précis et sourcé. Il fut convenu d’ajouter au moins une dizaine de tours originaux en plus du contenu historique, tout le monde pouvant ainsi trouver son compte avec cette œuvre, ceux avides de sources relatives à la naissance et à l’évolution des thèmes magiques – à savoir ce qui constitue le cœur de l’ouvrage – mais aussi ceux souhaitant découvrir des effets originaux, l’appétit des magiciens pour les nouveautés étant insatiable comme on le sait. Pour notre plus grand bonheur des artistes talentueux se sont joints gracieusement à l’aventure comme Bébel, Francis Tabary, Duraty, pour n’en citer que quelques-uns. Et je sais par leurs retours qu’ils sont très satisfaits de voir leurs créations mises en valeur dans un si bel écrin. Retour aux sources a reçu un accueil particulièrement enthousiaste des spécialistes et des amateurs éclairés ; j’ai très régulièrement des magiciens qui me téléphonent pour me dire à quel point l’ouvrage les a épatés et leur a appris beaucoup alors qu’ils pensaient – à tort – presque tout savoir du patrimoine de notre discipline artistique. Bref c’est un livre qui fait des heureux (des heureux dont tu fais partie d’ailleurs)… Il m’a également donné la chance de travailler personnellement avec des créateurs et des auteurs de qualité, je ne prends pour exemple que Philippe Saint-Laurent, qui a offert un article historique de plus de quarante pages, « La bille à travers la plaque de verre », très approfondi, et avec qui le choix de chaque mot ou la position de chaque virgule furent quasiment l’objet entre nous d’un débat argumenté destiné à une pertinence maximale.

Calligrammes², de Nadine Gérald. Nadine, mathématicienne à la retraite, est l’une des premières personnes à m’avoir envoyé par la poste et de son propre chef la prémaquette d’un livre qu’elle rêvait de voir éditer. C’est Édouard Thomas, un ami qui travaillait alors au magazine Tangente, qui lui conseilla de s’adresser à moi car il connaissait mon goût pour les projets éditoriaux originaux. On a travaillé environ un an à raison d’une visio par semaine pour peaufiner son recueil de calligrammes et de citations en lien avec les mathématiques (mais sans formule, donc accessible à toutes et tous) ; puis il y eut le travail avec la maquettiste afin de magnifier l’ensemble. À ce propos Jean Merlin, qui habite dans la même ville que moi, à quelques centaines de mètres, curieux de tout (et pas seulement le magicien émérite qu’on connaît mais aussi collectionneur de livres animés ou « à système », pianiste de jazz, fin cuisinier, etc.), m’a justement confié que l’ouvrage était magnifique, ce qui m’a beaucoup touché. On a porté une attention particulièrement exigeante pour mettre le contenu en valeur par un choix de papier adapté assez classieux et une charte graphique qui embellit chaque double page sans écraser les calligrammes. Subtil dosage réussi. Mon bonheur : celui d’avoir des retours de personnes affirmant n’être pas intéressées par les mathématiques mais qui se sont régalées ne serait-ce qu’à la lecture des citations de l’ouvrage. Ce dernier reste néanmoins principalement un recueil de calligrammes originaux, donc une œuvre graphique et poétique.

La Bible du palindrome, d’Alain Zalmanski. Alain est un ami de longue date qui a patiemment recueilli sur près de quatre décennies tout ce qu’il pouvait glaner sur les palindromes. Estimant que les précédentes productions des éditions AYAMAYA étaient de qualité, insolites et dans l’esprit de son propre ouvrage, il me proposa de prendre en charge la lourde responsabilité de mener à bien son monumental projet. Ce fut à nouveau un travail titanesque, étalé sur plusieurs années car le livre fait plus de 500 pages au format A4. Comme pour Retour aux sources des P & P, qui est dans la même veine, de très nombreuses personnes (écrivains, scientifiques, dessinateurs, artistes, musiciens, …) se sont jointes à nous et ont offert leurs créations pour que cette bible (au sens d’ « ouvrage fondamental et qui fait autorité dans son domaine ») puisse exister. C’est une œuvre conçue en synergie de talents mais surtout grâce à l’opiniâtreté de l’auteur et de l’éditeur qui travaillèrent longtemps dessus avec abnégation. Encore un pari fou qui fort heureusement a porté ses fruits. L’accueil est extrêmement chaleureux et tous reconnaissent l’ouvrage comme la référence majeure dans son genre. Pour ma part ce fut également l’occasion de rencontrer des gens exceptionnels et, qui sait, d’envisager de nouveaux projets éditoriaux avec certaines et certains de ces collaborateurs.

Chaque chose en son temps, de Christian Girard. Vient de paraître, en décembre 2024. Comme je l’ai écrit en postface, il s’agit d’une œuvre sauvée des limbes de l’oubli. J’ai entièrement conçu les textes et les illustrations de cet ouvrage en 1987, alors fraîchement diplômé de l’école des Beaux-Arts de Lyon, titulaire d’un diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP) et lauréat du prix Linossier catégorie peinture. Il aura fallu environ quarante ans pour que ce livre en latence sorte enfin des cartons et soit édité chez AYAMAYA. Patience et longueur de temps… Pour cet ouvrage, ma « rencontre avec l’auteur » – pour reprendre tes mots – est donc une rencontre avec moi-même, à travers le temps. Il s’agit d’un livre artistique, poétique. Par des textes courts, épurés, écrits dans l’esprit des haïkus mais libres de toute métrique et non codifiés, j’ai tenté de donner à chaque page son souffle propre exhalant la beauté des choses simples. Les illustrations en contrepoint de ces « presque haïkus » représentent une succession d’événements presque insignifiants se produisant au cours d’une seule journée – de l’infra-ordinaire, dirait Georges Perec.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui t’ont marqué ?
La liste est trop longue. Aujourd’hui je dirais Juan Tamariz bien sûr, Yann Frisch, Bébel, Ross Bertram… Demain je pourrais évoquer Marlo, Vernon, etc. En citer quelques-uns c’est hélas oublier tous les autres. D’autant plus que j’aurais envie de parler également d’autres productions plus marquantes et inspirantes selon moi que celles de magiciens, comme celles de Newton et d’Einstein, de Darwin, Picasso, Proust, Céline, Stravinsky, Varèse, Ligeti, Nietzsche, van Gogh… La liste me paraît sans fin. J’ai aussi envie de parler de la créativité de Lubor Fiedler qui m’a souvent épaté, des idées de John Bannon et Nick Trost en cartomagie. Etc. Il faut retenir que le monde regorge de créateurs passionnants en tous genres, pour notre plus grand bonheur.

Quels sont les styles de magie qui t’attirent ?
Surtout le close-up.
Quelles sont tes influences artistiques ?
Eh bien comme j’ai étudié aux Beaux-Arts, mon champ d’influence est très large. Toutes les formes d’art m’intéressent, musique, littérature, et toutes sont des sources d’inspiration. À nouveau je ne peux faire de liste à moins de citer presque tous les artistes vivants ou ayant existé, très connus ou considérés comme mineurs, et de toutes cultures. J’aurais peut-être une plus grande facilité à lister les artistes qui ne me touchent pas (mais ce ne serait pas très gentil…).

Quels conseils et quels chemins recommander à un(e) magicien(ne) débutant(e) ?
Il faut qu’il ou elle se plonge dans la littérature magique. Les magiciens ont un véritable patrimoine qu’il faut s’approprier et connaître au maximum. Je conseillerais également de ne pas se limiter à la magie qui peut constituer un carcan. Il est fécond de se nourrir de tous les arts, d’aller voir des spectacles (du théâtre classique et du moderne), de s’intéresser à de nombreuses musiques (qui fait bien souvent la plus grande part de la charge émotionnelle d’un numéro de scène par exemple). Il est fructueux d’échanger avec ses pairs et surtout avec les magiciens qui ont de l’expérience, rien de tels pour booster les passions. Et il faut s’abreuver à toutes les sources puisque chaque magicien a un point de vue particulier qui peut nous enrichir. Je conseille également de prendre des notes sur tous les sujets. Il est nécessaire de savoir se concentrer sur une seule question aussi longtemps qu’il le faut pour parvenir à la résoudre. Plus important encore peut-être : comme dans tous les domaines, il ne faut pas que prendre mais aussi donner ou partager. Chacun aura sa façon de faire, les uns par des créations qui enrichiront le patrimoine, les autres par la présentation ou l’organisation de spectacles, d’autres encore par des cours, des ateliers, etc. N’oubliez jamais que la magie vous donne beaucoup plus que vous ne pourrez lui rendre.
Quel regard portes-tu sur la magie actuelle ?
Je ne sais pas trop ce que c’est que la magie « actuelle ». Il existe présentement une telle diversité qu’on ne peut englober toutes les formes d’expression magique sous un vocable (l’adjectif « actuelle »). Disons que de nos jours se côtoient du vieux jeu (« ringard » étant péjoratif) et de l’hyper modernité (technologique notamment mais aussi du point de vue du look) et j’avoue que ça ne me gêne pas que les deux coexistent en bonne intelligence. Ce qui est certain c’est que la magie est sortie de sa bulle, que les « secrets » sont bien plus accessibles qu’avant et qu’il existe une grande émulation. Je ne fais pas partie de ceux qui estiment que tout a déjà été fait en magie, au contraire, il y a sans doute plus de magie à découvrir ou à produire que ce qui a déjà été fait jusqu’à nos jours. Ne pas penser cela serait signer l’arrêt de mort de cet art. Actuellement il y a un foisonnement de numéros et une importante production d’ouvrages ou de vidéogrammes de magie et de mentalisme. C’est preuve de dynamisme.

Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Tout est culture. En magie comme ailleurs. La seule chose qui importe c’est la qualité d’une prestation ou d’une proposition, qualité qui ne provient jamais d’une personne inculte. Et quand je parle de culture, je ne fais pas référence à une prétendue « culture générale », à un savoir encyclopédique par exemple. Non, je parle d’une culture propre à chacun et qui façonne sa personnalité. Néanmoins, s’il est essentiel de se nourrir de tout, il faut prendre garde à ce qu’on met prioritairement dans son esprit. On a tout intérêt à être sélectif puisque le temps qu’on a à vivre est limité. À chacun de s’organiser pour choisir le terreau dans lequel il va croître. C’est surtout en mentalisme que des questions éthiques se posent (car en prestidigitation il existe déjà un accord tacite entre le magicien et son public : tout est truqué !). Les mentalistes devraient se questionner sur ce qu’ils instillent dans la tête des gens car ils conditionnent en partie leurs pensées et leurs croyances (c’est le lien à « l’importance de la culture » de ta question) : la plupart ont renoncé à faire croire qu’ils utilisent des pouvoirs paranormaux, ils seraient temps qu’ils renoncent également à prétendre détenir de formidables capacités d’analyse psychologique hors du commun pour réaliser leurs effets. J’ai parlé plus longuement de tout cela dans le préambule que j’ai écrit dans Retour aux sources intitulé : « 1817 – Suspension consentie de l’incrédulité et responsabilité du magicien », j’y renvoie le lecteur intéressé.
Tes hobbies en dehors de la magie ?
Hobby, or not hobby, that is the question. Un hobby c’est en première définition un passe-temps, une occupation consistant à passer son temps à le perdre, une façon de lutter contre l’ennui ou l’angoisse sous-jacente de la mort. Or le temps passe très bien tout seul sans qu’il ne soit nécessaire de chercher à le faire passer – d’ailleurs le temps ne passe pas vraiment, ce sont les événements qui passent à travers le temps. Je n’ai nul besoin de dérivatifs de la sorte, mes journées sont toujours pleines et je n’ai donc « pas le temps » de m’ennuyer ; par une chance dont j’ai conscience, je suis mû par des passions positives et inspirantes et je peux agir à peu près comme il me plaît. C’est un luxe dont je profite : mes activités favorites sont au centre de ma vie, y compris professionnellement. Je compose, à la guitare évidemment, j’ai récemment fait fabriquer une cigar box guitar à quatre cordes avec laquelle je me régale, je pratique aussi l’ukulélé, j’écris (tous les jours et sur de nombreux sujets), j’édite des livres, je bouquine, je visite des expos, je vais au théâtre, je développe mon petit « musée » de l’Objet insolite (constitué déjà de plusieurs milliers de pièces), j’organise des stages, je m’informe sur la science et la musique, etc. En fait j’ai l’impression d’être un éternel étudiant à l’école de la vie et, comme Hamlet évoqué précédemment, je choisi résolument l’être au non être puisque la dimension artistique de l’existence est ce qui embellit nos vies en l’enveloppant du voile de l’illusion (oui, je fais référence à la fameuse « maya » qui est à l’origine du nom palindromique et du logo ambigrammatique de ma maison d’édition, AYAMAYA). Par ailleurs ma vocation de transmetteur de savoirs en tant que prof (de guitare ou de magie), conférencier, auteur ou organisateur de stages est extrêmement gratifiante.

Quels sont tes futurs projets ?
Cette question m’intéresse vraiment car elle touche le moteur d’une vie : l’horizon, la perspective de ce qui est « à venir ». Je vais donc évoquer plus particulièrement mes projets éditoriaux. Comme je l’ai signalé précédemment, le nouvel ouvrage des éditions AYAMAYA vient d’être imprimé ; il s’agit d’une création très personnelle, textes et illustrations, réalisée il y presque quarante ans et qui, c’est un comble, porte le titre de Chaque chose en son temps. Je dois prioritairement m’occuper de sa diffusion maintenant.

L’ouvrage suivant, prévu pour 2025 et sur lequel je travaille actuellement, sera une réécriture lipogrammatique (une « traduction » dit l’auteur) de l’œuvre phare d’Edmond Rostand mais sans utiliser la lettre « e », à la façon de Georges Perec pour La Disparition. Il s’agit donc d’un double hommage. L’auteur Léopold Julia et moi-même sommes des inconditionnels de Perec et Rostand. Le livre portera le titre de Cyrano du Bargirac, qui contient toutes les voyelles sauf le « e ».



Sans que je puisse en préciser la date de parution exacte sera sans doute édité Hybrides à gogo, un ouvrage conçu il y a quelques décennies avec mon ami Jacques Exertier, déjà dessinateur de l’image réversible figurant sur mon tour de cartes Les Neuf Concubines commercialisé en 1995 mais aussi du « palindromadaire » figurant en couverture de La Bible du palindrome. Il s’agit d’un livre pêle-mêle (dit également livre « méli-mélo ») donc s’inscrivant plus ou moins dans la continuité des Arlequinades, le fameux ouvrage pour la jeunesse de Robert Sayer publié en 1765 (mais l’origine du livre à système est antérieure de plus de deux siècles). Hybrides à gogo permet grâce à ses rabats de générer 32768 combinaisons différentes de personnages et situations parfaitement surréalistes, drôles, loufoques et inattendues. Ayant une collection de livres à système de la sorte je sais qu’il fera partie des plus intéressants jamais publiés car très ludique, graphiquement fascinant et vraiment délirant.

Mon dictionnaire de mots-valises qui fut en ligne durant des années sur une page dédiée dans le site du spécialiste du genre, Alain Créhange, verra également sans doute le jour en édition papier, remanié pour l’occasion évidement, avec une sélection de mes meilleurs néologismes et beaucoup d’inédits. J’ai également en projet l’impression d’un recueil personnel de dessins en noir et blanc intitulé L’Horreur est humaine, à savoir une galerie de portraits inquiétants, malaisants, et dessinés d’un trait acide et dans un style confinant parfois au grotesque. Je prévois également un livret contenant une routine inédite que j’ai créée avec un anneau de ficelle, un autre pour une routine avec des bouchons, mais aussi des compilations de tous les tours perso que j’ai décrits dans diverses revues, assemblés par catégorie (l’un de cartomagie, un autre de tours avec des objets divers, etc.). J’ai plus d’une trentaine d’ouvrages personnels en attente dont les lignes conductrices très diversifiés vont de la pifométrie à la thématique des mains en passant par Jeanne d’Arc, le chat de Schrödinger, les aphorismes, etc. J’ai d’autres projets éditoriaux encore plus ambitieux dont on reparlera le temps venu, notamment une sorte de roman graphique dont le matériau serait en majeure partie puisé dans mon travail plastique des années passées. Je n’aurai donc pas le temps de m’ennuyer dans les temps à venir.
Eh bien je crois avoir répondu à toutes tes questions du mieux que j’aie pu, Sébastien. Merci d’avoir relayé plusieurs fois dans la newsletter d’Artefake les sorties des ouvrages des éditions AYAMAYA. J’espère que les lecteurs auront trouvé dans mes réponses quelques sujets de réflexion utiles et, qui sait, que cela suscitera de nouvelles vocations et donnera envie de se plonger dans les livres.
Bibliographie AYAMAYA :
- Le Traducteur Magique, de Julien David. 2017, 29,00 €. 96 pages. 26 x 19 x 1 cm. 0,55 kg. Recueil d’ambigrammes franco-anglais tout en couleur, calligraphies réversibles. Lorsque le livre est tourné de 180° chaque mot français se transforme magiquement en sa traduction en anglais ! Humour et jeux de mots. Procédés stylistiques utilisés : paronymie, homophonie, polysémie, calembour, contrepèterie, rétroacronymie, anagramme, allitération, holorime, palindrome, allographe, périphrase, auto-traduction, etc.
- Prestidigitation – Retour aux sources, de Philippe Billot et Pierre Guedin. 2021, 145 €. 560 pages, tout en couleur. 30.5 × 21.8 × 3.5 cm. 2,1 kg. Naissance et évolution des thèmes magiques. Les auteurs retracent avec une précision inégalée et un regard moderne l’histoire d’un grand nombre de créations des illusionnistes à travers le temps. Riche de données factuelles et de sources précises, ce panorama de l’inventivité magique est ponctué de notes d’humour et d’une riche iconographie qui en rend la lecture très agréable. En bonus : 10 tours de magie inédits et des invités de renom.
- Calligrammes², de Nadine Gérald. 2023, 20 €. 130 pages, tout en couleur. 21,8 × 15,5 × 2,1 cm. 0,45 kg. Recueil de 56 calligrammes originaux et d’autant de citations relatives aux mathématiques provenant de personnalités de tous horizons : sciences, philosophie, littérature, arts du spectacle… Sans la moindre formule Calligrammes au carré réussit ce tour de force de faire aimer les maths même à celles et ceux qui ne s’y intéressent pas ! Néanmoins l’ouvrage reste essentiellement une création graphique de l’autrice, où transparaît une poésie cachée.
- La Bible du palindrome, d’Alain Zalmanski. 2023, 80 €. 508 pages, tout en couleur. 30.5 × 21.8 × 3 cm. 1,85 kg. Ouvrage encyclopédique sur le palindrome constituant une référence majeure sur cette figure de style facétieuse, y compris les anacycliques, boustrophédons et autres ourobores. Cette étude qui fera date, riche en iconographie, est le fruit de 40 ans de recherches sur le sujet par Alain Zalmanski, l’un des spécialistes incontestés du palindrome. Son contenu diversifié, historique, sourcé et ludique explore également le monde des palindromes musicaux, visuels ou bilingues, les nombres, les prénoms, les sigles et les acronymes, les dates, les devinettes, la poésie, l’Oulipo et ses avatars, l’Antiquité grecque ou romaine, les enseignes et les marques, la bande dessinée, la géographie et les noms de villes ou de rues, le cinéma, le SATOR et autres carrés magiques, les tours de cartes, le Rubik’s Cube, les ambigrammes, les recettes de cuisine, les listes, les calindromes à caractère coquin, le patagon et les curiosités de tout poil – notamment celui que l’on rebrousse !
- Chaque chose en son temps, de Christian Girard. 2024, 20 €. 32 pages, tout en couleur. 30.5 × 21.5 × 0,5 cm. 0,42 kg. Un livre artistique, un livre poétique. Textes courts, épurés, écrits dans l’esprit des haïkus mais libres de toute métrique et non codifiés, donnant à chaque page son souffle propre exhalant la beauté des choses simples. Fragments empreints de sensibilité, ces « presque haïkus » tissent un dialogue intime entre mots, images et moments éphémères, dévoilant la poésie cachée d’un quotidien se déployant ordinairement sans prétention. Les illustrations en contrepoint, délicates, aériennes, fragiles, représentent page après page une série d’événements presque insignifiants se succédant au cours d’une seule journée : un ver luisant s’assombrit quand le soleil commence à poindre, un cerf-volant flotte dans les airs tandis qu’un nuage semble lourd et écrasant, des bulles s’élèvent jusqu’à la surface de l’eau pendant que tombent des gouttes de pluie. Il est question de lune et de rosée, d’ombre et de soleil, d’une fleur, d’un éclair, d’étoiles et de silence… Du crépuscule du matin à celui du soir, le temps d’un jour passe tandis que de micro‑événements se produisent – de l’infra-ordinaire, dirait Perec. Chaque chose en son temps nous invite à ralentir, à poser notre regard autrement sur le monde, à savourer le charme discret et subtil d’un présent qu’on découvre alors enchanté.
À visiter :
Interview réalisée en mars 2025. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Christian Girard – éditions AYAMAYA. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.