Une bande son suggère l’arrivée d’un autobus qui s’arrête. Lumière dans la salle : les deux illusionnistes arrivent par l’entrée du public et montent sur la scène.
Bertrand Crimet alias Karfax présente le spectacle à venir : « Le Cabaret des Miracles » ou « Le Karfax Show ».
Son compère, Carmelo Cacciato alias Carmelini est présenté comme son assistant.
Nous apprenons que c’est la dernière fois qu’ils jouent ensemble. La cause de cette séparation ? Un problème d’ego de Monsieur Karfax.
Nos deux acolytes reprennent ici la trame et les personnages de leur spectacle « Paris-Palerme » légèrement remaniés.
Doués de deux personnalités fortes, opposées et complémentaires, ils nous proposent une sorte de duel magique, où la complicité est toujours présente.
Karfax
Sur scène, Karfax commence à arranger les habits de Carmelo. Il perd sa cravate, puis celle-ci s’allonge anormalement. Karfax fait apparaître une paire de lunette et un cigare qu’il porte en bouche. Il propose ensuite à son assistant de le présenter.
Celui-ci commence par se présenter lui-même et en italien : « Carmelo, l’assistant de Karfax » !
Il sort ensuite une pancarte où est dessinée une flèche pour indiquer l’entrée du « grand magicien ». Celle-ci change magiquement de direction quand le panneau est retourné passant de gauche à droite et de bas en haut.
Karfax arrive finalement côté jardin. Dans une introduction musicale, du feu est produit et enflamme un livre que Karfax tient en main. Une rose apparaît dans les flammes. Les deux compères échangent, en final, leur chapeau et leur baguette. La baguette de Karfax se transforme en rubans multicolores.
Le mystère de la dame rouge (Mystery of the red queen)
Camelo arrive avec un tissu tenu horizontalement. Karfax lui propose le célèbre jeu du bonneteau utilisant trois cartes. Après diverses passes…qui n’illusionnent que Karfax, les cartes à jouer passent à travers le tissu par deux fois. Les cartes sont abandonnées laissant place à des cartes jumbo. Commence alors le ballet du bonneteau sur une musique légère où les deux magiciens mélangent les cartes dans des mouvements chorégraphiés et burlesques.
Une carte rouge et deux cartes noires sont mélangées, faces cachées. Après avoir fait gagner deux fois les spectateurs, les magiciens les font perdre deux autres fois. En climax, la carte noire placée de côté sur la table s’avère être la carte rouge. Un numéro très divertissant et drôle.
Le carnaval de Venise
Carmelo habille Karfax avec un masque de carnaval, un chapeau, une cape et une canne. La canne commence à bouger entre les mains de Karfax. Carmelo en fait autant avec un balai. C’est ensuite la canne volante qui se met à léviter et à tourner autour de Karfax.
Carmelo s’empare de l’objet qui est muni à son extrémité d’une boule dorée. Ce pommeau est enlevé et revient magiquement au bout de la canne à plusieurs reprises (Canne magique de Marconick). Il est ensuite envoyé à Karfax derrière un foulard et se transforme en une grosse sphère dorée qui lévite. La sphère disparaît pour réapparaître sous le chapeau de Carmelo. Elle finie par disparaître complètement sous le foulard.
Le hall d’attente
Carmelo arrive avec une valise, prêt à repartir en Italie, usé par le rôle de faire valoir que Karfax lui fait subir. Il téléphone à sa mère en italien. Soudain, son téléphone portable disparaît. Il sort un peigne pour ce refaire une beauté avant de retrouver sa « Mamma ». Pendant ce temps le peigne entre dans une oreille et ressort par sa bouche puis disparaît dans ses cheveux. Carmelo sort ensuite un porte monnaie qu’il déplie en un accordéon jusqu’au sol pour en extirper une pièce. Karfax arrive et lui demande ce qu’il fait là. Carmelo lui répond qu’il rentre chez lui à Palerme tout en faisant disparaître sa pièce et la faisant réapparaître au nez et à la barbe de Karfax, comme un dernier adieu et pied de nez.
Avant de partir, Karfax lui propose de partager l’argent qu’ils ont gagné tous les deux. Il sort huit billets qu’il distribue à part égale soit quatre chacun. Quand il les compte, Carmelo en possède un de plus soit cinq contre quatre à Karfax et cela à plusieurs reprises. (Une adaptation du tour des Six Cartes).
Carmelo quitte Karfax en descendant les escaliers derrière un paravent façon mime. Karfax, pris de remords, l’interpelle : « Tu as été un accident, euh un assistant doué ! »
Pour leur dernière représentation, Karfax fait apparaître une bouteille de champagne derrière un journal.
Démonstrations de Karfax
Karfax explique à Carmelo comment on devient un grand magicien. Il faut selon lui maîtriser la technique. Par exemple les techniques de cartes. Il commence à faire une cascade de cartes façon Houdini, Cardini et Karfax, car précise-t-il : « Il y a eu Houdini, Cardini, et aujourd’hui il y a Karfax ! »
Carmelo le reprend et réalise une cascade avec son porte monnaie accordéon : « Non, aujourd’hui il y a Carmelini » !
Karfax plein d’emphase ajoute qu’en magie un nom ne suffit pas et qu’il faut savoir réaliser pleins de techniques, comme par exemple maîtriser soixante mille mélanges, dont les mélanges américains et japonais, travailler avec les deux mains, une coupe Charlier illustre ce propos, travailler de jour comme de nuit. Savoir lancer les cartes, effet boomerang, les faire disparaître et réapparaître, mouvement back-and-front, réaliser un éventail japonais et une disparition chinoise. Et il ajoute pompeusement : Une fois que tu maîtrises la technique tu peux innover et inventer tes propres tours.
C’est une parodie hilarante de ces magiciens imbus d’eux-mêmes qui ne manquent pas une occasion pour se vanter de maîtriser un nombre faramineux de variantes et de techniques.
Carmelo le chanteur de Palerme
Les deux compères finissent par s’asseoir l’un à côté de l’autre sur la valise de Carmelo. Ils mâchent tous deux un chewing-gum. Carmelo en extrait un ballon blanc qu’il gonfle et place sur un mat disposé sur scène, symbolisant ainsi un réverbère. Il se met à raconter son arrivée en France et à Paris. Il noue son foulard autour du cou et réalise le foulard à travers le cou (Mouvement Tenkaï). Dans une grande poubelle grillagée qui lui fait face, il prend un carton qu’il plie pour former une boîte. Il nous montre au préalable que celle-ci est vide et en sort magiquement des boîtes de conserve, un chapelet de saucisson, un paquet de pâtes, un collant de femme. Il déplie ensuite un plan de Paris d’où apparaît une petite guitare.
Carmelo place alors le collant sur sa tête comme un chapeau et se met à chanter « la branche de l’olivier », une chanson sicilienne racontant l’histoire d’un paysan italien dans un champ. Il continu avec une chanson que le grand acteur Marcello Mastroianni a popularisé au cinéma. Il termine son tour de chant par une dernière mélodie « l’Italie enflammée ». Toute cette verve mélodique a le mérite d’irriter Karfax au plus au point, qui réprimande Carmelo violemment. Fâché il s’assied sur la valise Karfax et sort un journal. Carmelo, un brin taquin, souffle à distance sur les pages qui se mettent à tournée magiquement dans un très bel effet.
La cigarette du fakir
Karfax, se baisant les mains, fait sauter magiquement une cigarette entre ses doigts. Celle-ci disparaît dans son œil et réapparaît entre ses lèvres. Pendant ce temps, Carmelo assis, lit le journal et fait apparaître un paquet de Malboro géant.
Duo enfumé
Dans le noir de la scène, les deux magiciens reprennent momentanément leur duel portant tous les deux une cigarette au bord des lèvres. Celles-ci sont allumées à distance par une flamme lévitant jusqu’au bout de leur cigarette respective. S’en suit un duel de briquet à distance façon D’ light où les deux compères allument et éteignent leur feu à tour de rôle comme pour faire voyager la flamme. Ils entament ensuite un balai de disparition et réapparition de cigarettes en duo. La cigarette de Carmelo se transforme en cigare et celle de Karfax en pipe.
Le kleenex
Karfax propose à Carmelo de lui faire le coup du kleenex. Il prend un kleenex qu’il multiplie par trois (…en l’effeuillant !) « Non pas celui-ci » réplique Carmelo. Karfax recommence et transforme cette fois-ci le kleenex en billet de banque. Le billet est placé dans un porte monnaie d’où jaillit du feu.
Karfax a ensuite du mal à parler et retire de sa bouche une balle rouge. Une autre balle réapparaît de sa bouche chaque fois que Carmelo lui tape sur la tête. Les deux magiciens, debout côte à côte, déplient un journal devant leur visage. Quand celui-ci ne cache plus leur trogne, des lunettes et un chapeau apparaissent (Effet Kellar). Un bout de kleenex est enflammé et fait apparaître une horloge blanche. Karfax prend un autre kleenex qui s’avère être un contrat de travail concernant Carmelo pour un engagement en solo en Italie. Il entre dans une colère noire. Les deux acolytes partent, dos au public, vers le fond de la scène. On voit la silhouette de Carmelo s’agrandir puis redevenir normale.
Carmelini
C’est au tour de Carmelo de faire son show, pour prouver à Karfax qu’il est lui aussi un grand magicien. Karfax lui fait d’abord « apparaître un public » : lumière dans la salle ! Puis présente « le grand Carmelo, …Carmelini ! »
Habillé d’un manteau, coiffé d’un chapeau et chaussé de lunettes, Carmelo apparaît face au public. Il retire ses accessoires qu’il confie à son « assistant » Karfax. Il raconte ensuite les trucs qui l’on rendus populaire en Italie et sort de sa valise un racoon. L’animal s’anime et est ensuite assommé violemment contre le rebord de la valise. Une balle de ping-pong est ensuite envoyée en l’air et rattrapée en équilibre sur son nez. Celle-ci reste ensuite collée dessus.
Il propose à une spectatrice de venir le rejoindre sur scène. Il lui emprunte son gilet. Il allume une cigarette et propose de réaliser le tour de « la cigarette à travers la veste ». La cigarette allumée est placée telle quelle au milieu du gilet, qui reste intact au final. Pour la suite, Carmelo met le gilet de la spectatrice. Il s’agit d’un haut en moumoute et l’effet est garanti ! Il entame une chasse aux pièces classique. Durant toute cette représentation, Karfax assis, restera un spectateur muet et impassible.
Battle : Karfax versus Carmelini
Sur le thème tendance de la « battle » emprunté aux batailles de tecktonik ou de Hip-Hop, nos deux magiciens se lancent à leur tour dans une parodie surréaliste et hilarante d’un duel magique entre un magicien narcissique et un doux rêveur bricolo.
Karfax allume le goulot de la bouteille de champagne, qu’il a offert à Carmelo, avec un briquet. Un coup de pétard retentit et un feu jaillit de l’extrémité. Les hostilités recommencent !
La canne de Karfax frappe et casse la bouteille de champagne que Carmelo tient entre ses mains ; apparaît alors un drapeau de pirate. Karfax fait disparaître sa canne de ses mains et celle-ci réapparaît en un éclair plantée dans le ventre de Carmelo avec un très bel effet visuel.
Karfax prend une deuxième canne blanche qu’il fait léviter autour de lui et l’envoie sur Carmelo qui s’arme, quand à lui, de sa ceinture qui devient raide comme une épée (effet de la corde hindou).
Les deux magiciens passent ensuite derrière un paravent et se battent à distance à coup de disparition de doigt (Carmelo) et d’escamotage de pouce (Karfax).
Chacun s’arme ensuite d’un paquet de cartes à jouer en s’échangeant des coups mortels sur fond de musique spatiale. Commence une rixe faite de « frout-frout », un tic auditif pratiqué par nombre de cartomanes, un duel de back-and-front, la technique de manipulation ultra galvaudée, et pour finir, une rafale de cartes boomerang, une technique à la mode, et de jaillissement de feu.
Cette bataille de l’espace continue en apesanteur. Les deux magiciens, se déplaçant au ralenti, sortent une couverture d’aluminium de la valise. Celle-ci est tendue par Carmelo et c’est Karfax qui fait son apparition derrière dans une transposition flash. Carmelo, couvert jusqu’au cou, se met ensuite à léviter horizontalement. Karfax le recouvre totalement et le place dans la valise. La valise est fermée. Carmelo réapparaît au fond de la salle.
Un tableau hilarant et irrésistible construit en crescendo jusqu’à l’apparition finale.
Réconciliation
Les deux amis se rassoient sur la valise l’un à côté de l’autre. Karfax réagissant à la musique que son compère joue à la guitare par des lévitations successives.
Les frères siamois
Pour finir leur show, les deux magiciens fusionnent en une seul personne en nouant leur imperméable ensemble, n’utilisant qu’un bras chacun.
L’un fait disparaître un œuf que l’autre fait réapparaître. L’œuf tient ensuite en équilibre sur une baguette. La baguette disparaît et laisse place à des confettis. Un nœud est effectué sur un foulard par Carmelo et sous le souffle de Karfax, il disparaît. Deux chapeaux blancs apparaissent ensuite sur la tête des deux magiciens qui adoptent une mine religieuse et effectuent un signe de croix.
Un livre Picsou apparaît dans les mains de Karfax. Celui-ci se transforme successivement en journaux de plus en plus grands, l’« Aujourd’hui », le « Herald tribune », « la sicilia » puis en une énorme casquette-parapluie qui finie par recouvrir les deux têtes des magiciens et offrir aux spectateurs l’image d’une silhouette de Cartoon saluant la salle.
Ces frères siamois irrésistibles nous rappellent la saynète de « la toile de maître » où le duo fusionne pour le meilleur et pour le pire dans des situations burlesques et expressionnistes. Du grand art tout simplement.
Conclusion
Ce duo franco-italien travaille la prestidigitation comme un matériel dramaturgique au service d’une histoire. Cette histoire c’est la leur, riche en rebondissements. Construite sur des personnages à fort caractère et sur un synopsis solide. Ce qui est remarquable est leur travail de comédie basée sur le mime, la théâtralité et le burlesque.
Le spectacle est ensemencé de références cinématographiques. On pense, en premier lieu, aux comédies italiennes, légères et féroces, des années 1950-1960, renvoyant Carmelo à des acteurs comme Marcello Mastroianni ou Alberto Sordi. Le film noir est également présent ainsi que la science fiction et le burlesque Keatonnien dans certaines saynètes.
Côté scénique, les interventions de Karfax nous renvoient au théâtre de l’absurde façon Samuel Beckett tandis que Carmelo sort tout droit de la commedia dell’arte.
Que dire de plus, sinon qu’au-delà de la prestidigitation, tous les genres scéniques sont passés en revue, cabaret et music-hall compris, donnant l’impression d’un spectacle total maîtrisé. Ces illusionnistes, (ici ce titre est réducteur), nous offrent un voyage doux-amer plein de nostalgie et de poésie. Un immense bravo à ces deux artistes inventifs, drôles et touchants qui propulsent l’illusionnisme au rang des grands arts de la scène.
A lire :
– Le compte rendu de leur spectacle « La comédie magique ».
A voir :
– L’interview du duo sur Chop-cup.com.
A visiter :
– Le site de Bertrand Crimet.
– Le site de Carmelo.
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