Richard Cardini est né dans un petit village du pays de Galles sous le nom de Richard Valentine Pitchford. Comme la situation financière de sa famille était difficile, il commença à travailler très jeune dans une maison d’emballage et plus tard dans un hôtel comme groom. Comme beaucoup d’autres enfants, il s’initia à la magie avec de simples tours, et ce fut de toute évidence une expérience concluante pour le jeune Richard. C’est dans l’armée Britannique où il s’était engagé à l’âge de 17 ans, que Pitchford décide de prendre au sérieux la prestidigitation. Il perfectionnera ses productions d’éventails de cartes dans les tranchées, en Europe, pendant la guerre 14-18. A cause de l’épouvantable froid qui régnait dans ces tranchées, Pitchford était obligé de s’entraîner en portant des gants. Et comme c’était difficile de produire les cartes une à une avec des gants, il produisait, à la place, des petits paquets. Un officier britannique remarqua qu’il n’avait jamais vu un magicien produire des éventails de cartes de la sorte, et Pitchford nota l’intérêt de cet effet. Cet officier Britannique, mis à part qu’il fut celui qui aida Pitchford à travailler cette nouveauté dans la magie des cartes, lui servit également de modèle : un homme distant, avec un monocle, respectable, et qui fumait. Ainsi était né son futur personnage de Cardini.
En 1916, une bombe explosa à proximité de Pitchford. Il fut considéré comme mort, mais un autre soldat remarqua qu’il respirait encore et Pitchford fut transporté d’urgence dans un hôpital militaire. Sa convalescence fut longue. Pour rompre la monotonie et l’ennui, il travailla la magie. Quand il demanda aux infirmières un jeu de cartes elle furent surprises, mais quand il demanda une paire de gants, ils l’envoyèrent dans un service psychiatrique de l’hôpital. Les médecins ne lui trouvèrent aucune maladie mentale, et Pitchford commença à faire des spectacles aux autres patients. Il lui fallu 18 mois pour se remettre de ses blessures, et Pitchford décida de devenir magicien professionnel.
Cardini en 1924.
Il ne réussit pas immédiatement, et en 1918 il travailla dans un magasin de magie de Londres où il montrait des tours. Il décida ensuite de partir pour l’Australie pour des raisons de santé. A Sydney, dans l’un des plus grands théâtres de la ville, le TIVOLI, son spectacle fut un succès. A ce moment là, Pitchford, connu sous son nom de scène Val Raymond, présentait un numéro avec des cartes, foulards et dés à coudre. Mais le plus important était qu’il parlait pendant son numéro, quelque chose qu’il arrêta plus tard. Cependant, « Val Raymond » fut de courte durée. Il y avait un concurrent américain qui se présentait en Australie au même moment sous le nom de « Le grand Raymond ». L’impresario de Pitchford lui demanda de choisir un autre nom de scène, et Pitchford devint CARDINI.
Cardini arriva aux USA en 1926. Il se présenta sur la côte Ouest où il faisait le même numéro qu’en Australie. Tout changea comme dans le meilleur des mondes lorsqu’il rencontra une charmante jeune femme, Swan Walker. Swan avait vu Cardini alors qu’ils travaillaient tous les deux dans le même hôtel. Quelques semaines plus tard, elle le rencontra à nouveau pendant des vacances. Swan, sous le charme du bel artiste, alla se présenter dans sa loge. Après un mois de cour passionnée, il se mariaient et le restèrent pendant 47 ans, jusqu’à la mort de Cardini en 1973.
Peu après leur mariage, Swan fut l’assistante de Cardini dans son spectacle. Elle était beaucoup plus qu’une simple assistante. Quant les autres magiciens
commencèrent à présenter des manipulations de foulards et de dés à coudre, Cardini les supprima de son numéro et les remplaça par des cigarettes et des boules de billard. Il décida également d’arrêter de parler pendant son spectacle, favorisant la mise en scène. Swan s’habilla alors avec un costume de chasseur d’hôtel. Le nouveau spectacle commençait par Swan qui criait : » Entrez Monsieur Cardini !, Entrez Monsieur Cardini ! », et Cardini entrait, lisant un journal, superbement habillé avec un chapeau haut-de-forme, frac, cape et gants. Il avait sa canne et son fameux monocle. Cardini, de caractère, était très distant, très digne, et s’imposait par sa forte présence. Alors qu’il tenait le journal ouvert, il se montrait surpris et gêné par un éventail de cartes qui venait d’apparaître au bout de ses doigts. Il jetait des poignées de cartes dans le journal alors que les cartes ne cessaient d’apparaître.
Après avoir été libéré des cartes, c’était au tour des boules de billard. Malgré tous ses efforts pour essayer d’arrêter, les boules ne cessaient d’apparaître. De temps en temps ses apparitions de boules étaient tellement surprenantes que son monocle en tombait de stupeur ! Il enlevait les balles les unes après les autres de ses mains, uniquement pour pouvoir en faire apparaître d’autres. A la fin, les balles arrêtaient d’apparaître. Épuisé par l’incessante apparition des cartes et des pièces, il se « reposa » avec des manipulations de cigarettes. Même ces manipulations sortaient de l’ordinaire. Des cigarettes allumées apparaissaient dans ses gants. Alors qu’il prenait une bouffée de cigarette et semblait l’apprécier, d’autres cigarettes semblaient apparaître de nulle part. Il en avait à peine jeté une qu’une autre apparaissait. Alors qu’elles apparaissaient de plus en plus vite, quelque chose de surprenant arrivait : les cigarettes étaient remplacées par un cigare. Puis le cigare disparaissait pour laisser la place à une pipe. Cardini prenait sa pipe et quittait la scène en la fumant.
La personnalité de Cardini était parfaitement adaptée à ce genre de numéro. Il restait calme, posé et avait toujours l’allure du gentleman. D’abord un peu ennuyé, puis légèrement excité. Sa grande taille, son regard aidaient à confirmer son flegme britannique et donnait aussi l’impression que l’on avait à faire à une star de cinéma. Tous les efforts de Cardini étaient obtenus par pure adresse. Mais cette adresse savait se cacher. Chez lui, l’habileté n’était qu’un moyen et non un but ; ainsi échappait-il au reproche de « jonglerie » qu’on adresse si souvent aux manipulateurs. La plupart de ses passes étaient connues mais dans ses mains, elles paraissaient nouvelles ! Richard et Swan se produisirent à travers les États-Unis et l’Europe et ce fut un succès. A Londres, il se sont produits au « Palladium » pendant 10 mois et furent engagés pour présenter leur numéro à la famille Royale. A New York, ils furent engagés pour se produire au « Radio City Music Hall ». Cardini eu également le privilège d’être un des rares magiciens à avoir la tête d’affiche au « Palace Theater ». Finalement, les Cardini ont acheté une maison à New-York où ils élevèrent leurs deux enfants, un garçon et une fille. En 1966, le couple se retira dans une maison au nord de New-York. Cardini y décédera en 1973.
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