Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Pour moi tout a commencé avec la boite de magie de Garcimore, je devais avoir sept ans. J’étais fasciné à l’idée de découvrir des secrets et de réussir à bluffer mon entourage. Je me souviens encore du titre de l’un des tours : La poule Opo pond un œuf… Il y avait un côté décalé où la magie et l’humour étaient liés. J’ai tout de suite été conquis.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
J’ai débuté mon voyage magique en découvrant la boutique Mayette Magie Moderne. Comme beaucoup, j’ai acheté quelques petits effets dont du Tenyo avant de prendre des cours avec Alexandra Duvivier. Puis, c’est avec Henry Mayol que j’ai continué mon apprentissage.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
La personne qui m’a aidé ? Mickey ! Dans les années 90 j’écrivais pour des magazines sur le cinéma et je faisais des piges pour Le Journal de Mickey. Après le départ du magicien Pierre Barclay, la rédaction cherchait quelqu’un capable d’écrire et d’expliquer des tours en fonction de thématiques et j’ai repris sa place. Je suis devenu leur magicien officiel. C’est de là que m’est venue ma passion de l’écriture pour la magie.
Plus tard ce sont mes rencontres avec Christian Fechner puis Georges Proust qui m’ont aidé. Christian m’a incité à écrire mon premier roman et nous collaborons régulièrement avec Georges. J’ai publié chez lui un recueil de tours étranges : Phénomènes, ainsi que mon guide d’écriture Ecrire pour la magie et sa suite qui est sortie cette année Ecrire pour la magie… A la télévision. Georges Proust est un pilier de la culture magique en France et nous lui devons beaucoup. Et puis il y a eu la rencontre avec David Copperfield, avec qui j’ai la chance de collaborer depuis plusieurs années.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai juste besoin de mon ordinateur portable et d’un coin de table pour travailler. Lorsque j’aborde un projet, je commence toujours par m’intéresser à la structure du tour ou du spectacle, pour ensuite l’utiliser dans mes textes. C’est ce qui va transformer une simple idée en un récit efficace.
Que ce soit avec David Copperfield ou avec les magiciens de l’émission Diversion, j’écoute toujours leurs envies, j’analyse leurs tours et leur propose une façon de les thématiser et de faire passer les émotions de la façon la plus évidente possible.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Je vais une fois de plus parler de David Copperfield. Sa magie, ses spectacles et ses émissions m’ont profondément marqué. Pour la première fois je découvrais un illusionniste qui intégrait pleinement la narration dans ses tours. Il y avait une véritable dimension cinématographique. L’illusion était là pour sublimer l’histoire… ou bien était-ce le contraire ? Je suis allé voir son spectacle en 1995 au Palais des Congrès puis en 2005 à Paris. Je n’aurais jamais imaginé alors que l’on deviendrait amis et encore moins pouvoir travailler sur ses spectacles. Le plus amusant étant que si nous avons commencé à collaborer ensemble c’est grâce à mon parcours chez Disney. Comme quoi la vie elle-même peut être magique.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’aime la magie qui raconte quelque chose. De nos jours, je suis en extase devant la dextérité de Viktor Vincent en tant que mentaliste, auteur et narrateur. J’aime autant ses illusions, que son univers et les histoires qu’il raconte. Il arrive à entrainer ses spectateurs au cœur de récits élaborés qui restent néanmoins facile à suivre. Je suis également friand de Magie étrange. Pour l’aspect narratif mais aussi pour cette volonté de brouiller les frontières entre le réel et les superstitions. Il y a un côté jubilatoire à jouer avec les émotions et les peurs ancrées en chacun de nous.
Quelles sont vos influences artistiques ?
De nombreux auteurs ont bercé mon adolescence et ont eu un impact sur mon métier, on peut même parler d’influences. Parmi eux : Ray Bradbury, Isaac Asimov, Stephen King, H.P. Lovecraft, H.G. Wells, Edgar Allan Poe… Tous ces conteurs de génie qui peuvent vous transporter aussi bien au fin fond de l’univers que dans les méandres de l’esprit humain.
De façon plus légère, j’aime aussi la folie de Weird Al Yankovic, Elvira Mistress of the Dark, Pee Wee Herman, Anthony Jeselnik… Tous ont en commun d’avoir créé un univers et un personnage cohérent et d’avoir su les exploiter avec talent et intelligence. Enfin, il y a Walt Disney, qui d’un rêve a bâti un empire. Il a redéfini l’art de la narration.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
La magie est un art très différent des autres. Il s’agit de l’un des rares, si ce n’est le seul, à pouvoir être appris seul, chez soi, sans jamais se confronter aux autres. L’un
des rares également à pouvoir donner quasi instantanément de la satisfaction. Il est possible à un profane d’acheter un tour automatique, de le présenter
immédiatement et de bluffer son public. C’est cette facilité d’approche qui est souvent problématique. Les jeunes magiciens ont tendance à définir leur statut et
leur niveau, sans comprendre ce que l’Art de la magie englobe réellement. Ils doivent certes apprendre des tours, des techniques, mais aussi s’intéresser à ce qui se fait ailleurs, ce qui se faisait avant et à travailler tout ce qui entre en compte dans une prestation : la culture, la personnalité, le jeu d’acteur… On doit venir pour vous, avant de venir pour vos tours.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Nous vivons une époque formidable durant laquelle la magie est à l’honneur. Ca n’a pas toujours été le cas. Je pense qu’Eric Antoine a ouvert un passage et prouvé que la magie et les magiciens n’étaient plus conformes à certains stéréotypes. La personnalité du magicien est devenue aussi importante que son style de magie. Il suffit de voir des artistes comme Gus ou bien Zack et Stan pour se rendre compte de l’importance d’un personnage sympathique, attachant ou même dérangeant.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Nous sommes le fruit de notre culture. Sans références, sans connaissances de ce qu’il y a eu avant nous, il est impossible d’aller de l’avant et de se renouveler. C’est pour cela qu’il faut lire, s’instruire, s’intéresser à tout. Non seulement à la magie, mais aussi à la littérature, au cinéma, à la musique… Il s’agit de puits de connaissances sans fond dans lesquels nous pouvons puiser des thèmes, des idées et des sensations.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
De part mon métier de scénariste je suis évidemment passionné par le cinéma et la télévision. Je collectionne les produits dérivés Batman, avec une préférence pour la série de 1966 et son côté acidulé et surréaliste, je suis fan de musique Disney… Le syndrome de Peter Pan est bel et bien réel, j’en suis la preuve.
Bibliographie sélective :
- David Copperfield, une vie de magie (Éditions Amalthée, 2008)
- Le secret d’Houdini (Éditions Jcl Chicoutimi, 2009)
- Phénomènes, devenez le magicien de l’étrange (Éditions Georges Proust, 2010)
- Écrire pour la magie (Éditions Georges Proust, 2015)
- Écrire pour la magie… A la télévision (Éditions Georges Proust, 2020)
- Une nuit au Musée de la magie (Éditions Musée de la magie – Georges Proust, 2024)
A lire :
Interview réalisée en avril 2020. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Benoît Grenier. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.