Phineas Taylor Barnum (1810-1891), fut le showman américain le plus influent du XIXe siècle, le fondateur du premier musée public et le créateur de la piste moderne au cirque. Outre ses qualités « d’exhibitionniste », il était passé maître dans l’art de la publicité et de la communication. Grand manipulateur et subtil magicien de la simulation et du simulacre, Barnum était le plus fin connaisseur de la société du spectacle de son temps. Il fera de son nom « une marque » connue de tous.
Barnum incarnait la pensée de Walter Benjamin, selon laquelle la modernité est cette expérience où « le choc est devenu la norme ». Il a mit l’excentricité au centre du monde par l’exposition de curiosités et de Freaks vrais ou faux, en leur donnant un visage et un théâtre. Son programme : Lilliputien, femme à barbe, sirène, garçon à tête de chien, homme animal, frères siamois, cannibales australiens, géant chinois, femmes sans corps, etc. Pour marquer les consciences, il était prêt à tout, de la fantaisie la plus burlesque à la plus atroce abjection.
Paul Meehl a même nommé une des recherches du psychologue Bertram Forer « l’effet Barnum » en référence aux talents de manipulateur du grand showman. Un effet de « validation subjective » ou de « validation personnelle », désignant un biais subjectif induisant toute personne à accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à elle-même.
Un touche à tout
Enfant, Barnum assiste à des réunions de prière et découvre les idées calvinistes. Son grand-père est un universaliste qui le familiarise avec la croyance. La religion sera pour Barnum, une divinité aimante pour « le salut universel de l’humanité ». Le même grand-père lui cède une parcelle de terrain connue sous le nom d’Ivy Island. A ses 10 ans, il va visiter son domaine et découvre qu’il s’agit d’une terre stérile.
« Mon père, voyant que je n’étais bon à rien, résolu de me mettre dans le commerce. Mon penchant à gagner de l’argent continuait alors à se développer rapidement et je devins l’enfant le plus riche de toute la contrée. Parmi les nombreux moyens de gagner de l’argent que je mis en œuvre depuis l’âge de douze ans jusqu’à celui de quinze, les loteries tiennent un rang distingué. » Barnum.
Lorsque Barnum a 15 ans, son père meurt, laissant sa veuve et ses cinq enfants sans le sou. Il devient immédiatement commis dans un magasin de campagne, où il apprend l’art de la négociation. Au cours des 10 années qui suivent, il fut propriétaire d’une boutique, directeur des loteries et éditeur d’un journal. A 19 ans, il s’enfuit avec une couturière nommée Charity Hallett (qui restera son épouse pendant 44 ans et lui donnera quatre filles). A 22 ans, Barnum édite son propre journal à Danbury, dans le Herald of Freedom. Trois fois accusé de diffamation pour des déclarations qu’il a faites sur des opposants, il est reconnu coupable et est incarcéré pendant 60 jours. Sa libération sera un événement public ultra médiatisé !
« Mon tempérament me porte et m’a toujours porté vers la spéculation, et je ne m’engage jamais volontiers dans une affaire à moins qu’elle ne soit de nature à ce que mes profits soient augmentés en raison de l’énergie, de la persévérance, de l’attention et du tact que j’y déploie. » Barnum.
Joice Heth
En 1835, Barnum tient une épicerie et un internat à New York. C’est là qu’il se lance dans les affaires avec son exposition sur Joice Heth qui sera son premier coup de génie publicitaire. En voyant le potentiel de cette curiosité humaine, Barnum achète le droit de son exposition 1000 dollars à un planteur du Kentucky, ainsi que les documents validant son âge. Comme les comprachicos défiguraient les petits enfants, Barnum lui arracha les dents pour les besoins d’une nouvelle imposture et la présenta comme une femme âgée de 161 ans et ancienne infirmière de George Washington ! Il part en tournée avec la vieille dame qui a 110 ans à Louisville, 121 ans à Cincinnati et finalement 161 ans arrivée à Philadelphie.
« Je m’étais toujours imaginé que le succès ne pouvait me faillir si je trouvais l’occasion d’une exposition en public. Je commençais ma carrière de directeur de spectacle avec Joice Heth, et j’étais résolu de ne rien épargner pour la rendre aussi fructueuse que possible. » Barnum.
Joice Heth était extrêmement populaire, jusqu’au jour où un article de journal, écrit par Barnum lui-même, paru annonçant que Joice n’était pas humaine, mais un automate faite de caoutchouc et de ressorts tel le célèbre joueur d’échec de Maelzel, qui au même moment parcourait les Etats-Unis. L’effet fut fulgurant et les fréquentations redoublèrent avec ce beau coup de publicité ! A la mort de la vieille dame en 1836, une autopsie prouva que Joice n’avait pas plus de 80 ans. Nouveau scandale, et Barnum en fut aussi surpris et indigné que tous les gens.
« Il n’y avait qu’un bras dont elle pouvait agir, le reste de son corps et principalement les jambes étaient privées de mouvements. Elle paraissait totalement aveugle, et ses yeux étaient si profondément enfoncés dans leur orbite qu’on eût dit qu’ils avaient entièrement disparu. Elle ne possédait pas une seule dent. Les doigts de ses mains étaient crochus et sans mouvements. Ses ongles avaient plusieurs pouces de long et venaient en se recourbant joindre le poignet. » Barnum.
Barnum tira une grande leçon de cette aventure dans le sens où le public paraît disposé à s’amuser, même (et surtout) quand il est conscient d’être trompé. « Le résultat avantageux pour moi de toute cette longue plaisanterie fut d’avoir mon nom répété dans les journaux à plusieurs reprises. » dit-il.
Le cirque en voyage
De 1836 à 1837, Barnum dirige un petit cirque pour une tournée dans tout le sud des Etats-Unis, devenant ainsi un des plus grands showman itinérant.
Il emploie, entre autre, un dénommé Joseph Pentland (Pendleton) (1816-1873) un homme de spectacle complet : clown, ventriloque, chanteur comique, équilibriste et magicien.
Joseph Pentland en 1848 (Photo : copyright Dr. Bruce Lundberg).
Barnum rapporte dans ses mémoires une aventure qu’il lui arriva pendant qu’il servait de compère à Pentland pour l’assister dans ses tours de passe-passe : « La table de Pentland avait, comme toutes celles des magiciens ses confrères, une ouverture destinée à faciliter les transformations et les tours de magie. Un Compère se tenait sous cette table. La place réservée pour cet utile comparse était certainement trop étroite pour un homme de ma taille, mais malgré cet inconvénient je consentis à la prendre un jour en l’absence de l’employé plus petit et plus mince qui remplissait toujours ces fonctions. Je m’installai donc dans la place en question. Les arrangements de Pentland étaient terminés : coupes, vases, ballons et autres objets de prestidigitation se trouvaient disposés sur la table. Il demanda ensuite une montre avec une chaîne en d’or. Un des spectateurs fit passer l’objet demandé. On le mit sous un vase ; la table s’ouvrit sous le vase, et la montre avec la chaîne se trouvèrent bientôt entre mes mains. J’avais pour mission de rouler la chaîne autour du cou d’un écureuil afin qu’au moment donné celui-ci rapporta la montre à son propriétaire. Je m’y pris si maladroitement que l’écureuil me mordit : la douleur me fit oublier mon rôle, je poussai un grand cri et remua si bien le cou, le dos, les bras et les jambes que je renversai la table et tout ce qui était dessus. J’apparus tout à coup aux yeux des spectateurs étonnés, pendant que l’écureuil courait autour de la salle avec la montre à son cou ! »
Le Musée américain
En 1840, de retour à New York, Barnum se retrouve dans une situation financière précaire et n’a pas beaucoup de perspectives. Il apprend que le Musée américaine appartenant à Scudder (avec sa collection de curiosités) est à vendre, Barnum rachète immédiatement le fond. En 1842 s’ouvre son American Museum à New York, à travers lequel il fait fortune et écume ses dettes en un an. Ses nombreuses expositions – spectacles et son amphithéâtre de 3000 places, accueillent 37 millions de personnes.
« Je me mis à visiter et à revisiter le Muséum, et je crus voir que cet établissement n’avait besoin que d’un homme énergique ayant du goût et sachant dépenser à propos pour reprendre de la vie et se remettre sur un bon pied. Pendant les 13 années de mon administration au Musée Américain, j’en ai plus que doublé la valeur. Une grande partie des curiosités dont j’enrichis cet établissement provenait du Muséum Peale, dont j’achetai les fonds vers la fin de 1842. Le reste provient de la riche et rare collection du Musée Chinois, réuni par moi en 1848, et des différentes acquisitions faites en Amérique et en Europe. » Barnum.
Les frères siamois Thaïlandais Eng et Chang Bunker (1811-1874).
L’American Museum va devenir la vitrine la plus célèbre du siècle. En constante évolution, le public y voit des chiens dressés et savants, des puces travailleuses, des automates, des jongleurs, des ventriloques, des magiciens, des tableaux vivants, des statues de vie, des albinos, des hommes obèses, des femmes à barbe, des siamois, des bohémiennes, des géants, des nains, des danseurs de cordes, des mimes et des physionomanes, une grande variété de chants, de musiques et de danses, des vues de Paris et de Jérusalem, des toiles peintes, des panoramas, des dioramas de la Création et du Déluge, des figures mécaniques, des miroirs magiques, des Kaléidoscopes, des machines à tricoter, des Afro-Américains effectuant une danse de guerre, des expositions florales et des oiseaux, des baleines, des sirènes, une ménagerie d’animaux rares, et un aquarium. Tout ça pour 25 cents (moitié prix pour les enfants !).
L’homme chien.
Avant Barnum, on voyait pendant le jour qu’une simple collection de curiosités et le soir une simple représentation qui se composait d’amusements incohérents et de médiocre intérêt. Sous la direction de Barnum, l’après midi du samedi et du mercredi ne tarda pas à être consacrée aux représentations, ainsi que tous les soirs de la semaine excepté le dimanche. Ces spectacles étaient attrayants. La variété la plus grande se faisait remarquer dans ses programmes, auquel rien ne manquait.
Femme à barbe.
Le but de Barnum était de faire réfléchir les gens, de les émerveiller, et accessoirement d’aller au musée. Parmi ses pièces maîtresses : sa reconstitution des chutes du Niagara avec de l’eau réelle mesurait 5 mètres de haut, la sirène des îles Fidji était constituée d’une tête et d’un torse de singe fusionné avec une queue de poisson. De 1842 à 1865, le musée accueillit plus de 30 millions de spectateurs, ce qui est colossal.
En 1855, Barnum se retrouve en faillite et est forcé de vendre son musée américain pour payer des dettes. Le musée brûlera en 1865 et partira en cendres en 1868.
« A la question : quelles sont les qualités requises pour être un bon faiseur de représentations ? Je répondis que la première qualité nécessaire était une très grande connaissance de la nature humaine, ce qui comprenait bien entendu la faculté d’appliquer judicieusement le savon doux, de plaire au public et de le flatter assez adroitement pour ne pas laisser soupçonner votre attention. » Barnum.
La sirène des îles Fidji
En 1842, Barnum achète à Moses Kimball, le propriétaire du Musée de Boston, « une sirène ». Voici la description qu’en fait Barnum :
« Bien que ce fut une œuvre d’art mi-partie singe et poisson d’un mètre de long, le singe et le poisson étaient si bien rattachés l’un à l’autre et raccordés si étroitement qu’aucun œil humain n’aurait pu découvrir le point où la jonction avait été opérée. A l’aide d’un microscope on découvrait dans ces cheveux une myriade d’écailles de poisson infiniment petites. L’animal était hideux, desséché et de couleur noirâtre. Sa bouche était ouverte et ses bras tordus et repliés en l’air, ce qui lui donnait l’apparence d’être mort dans une douleur agonisante et après d’affreuses convulsions. »
Barnum décide de monter toute une histoire autour de cet animal mythologique au travers des articles de presse pour attirer le maximum de monde :
« Je pris mes précautions et bientôt il parut dans le Herald de New York un article daté et expédié de Montgomery, qui donnait les nouvelles du jour. Un paragraphe concernait un certain docteur Griffin, agent du Muséum d’histoire naturelle de Londres qui, récemment, arrivé de Fernambouc, avait en sa possession une curiosité très remarquable, laquelle n’était rien que moins qu’une véritable sirène prise dans l’archipel Feejee et amenée en Chine, où le savant l’avait achetée à un prix très élevé pour le Musée d’histoire naturelle. Huit jours après, un autre journal de New York publiait une lettre de teneur semblable. Le plan réussit à merveille et suscita dans le public une curiosité monstre.»
Barnum prépara des gravures sur bois et des transparents, ainsi qu’une petite brochure sur l’authenticité de la sirène. Il trouva ensuite plusieurs journalistes et rédacteurs « des feuilles » du dimanche pour qu’ils publient la nouvelle. La fièvre de la sirène sévit en plein sur l’esprit public. Il ne se trouva bientôt plus dans la ville aucun lecteur de journaux qui n’eût vu au moins une des gravures. Ses dix mille brochures-sirènes furent distribuées entre les mains des colporteurs actifs et vendues à un penny pièce. Inutile de dire que les visiteurs affluèrent par millier, jusqu’au jour où Kimball, pris de remords, avoua que l’auteur de la « petite sirène » n’était pas Dame Nature, mais un artisan indonésien.
Tom Pouce
Le Général Tom Pouce fut la plus grande attraction de Barnum. Charles S. Stratton, originaire de Bridgeport, au Connecticut, mesurait 63cm de hauteur et pesait 7 kilos quand il a été embauché par Barnum en 1842. Outre son physique si particulier, l’enfant de Lilliput donnait des échantillons de son savoir-faire en chant, danse et mime.
« Je pris beaucoup de peine pour éduquer mon petit prodige ; je lui consacrai bien des heures de jour et de nuit, mais je fus récompensé de mes soins par le succès, car l’enfant avait naturellement beaucoup de finesse et un grand amour du badinage. Il devint bientôt fou de moi, de mon côté je lui étais et je lui suis demeuré très attaché. Je crois encore très fermement que le monde n’a jamais vu de curiosité naturelle plus intéressante et plus extraordinaire que Tom Pouce. Ce petit bonhomme ne tarda pas à devenir de favori du public.» Barnum.
Tom Pouce mourut en 1883, à l’âge de 45 ans, après avoir fait la fortune de son « propriétaire » (environ 20 millions d’euros) et enchanté le public international. Dans ses voyages européens, de 1844 à 1847, le général divertit, entres autres, la Reine Victoria, le roi Louis-Philippe, et la royauté d’autres grands pays, de Bruxelles à Dublin.
Voyage en Europe
Barnum profite de ces trois années en Europe pour rechercher des nouveautés susceptibles d’être présentées en Amérique. Il écuma toutes les foires dans l’espoir d’y trouver quelque chose. Il voulut même acheter la maison où naquit Shakespeare, la démonter, et la transporter par morceaux dans son muséum d’Amérique, mais le projet avorta ! Lors de la visite de la grande exposition quinquennale de Paris en 1844, il en profita pour acheter à Robert-Houdin son ingénieux écrivain automate, plusieurs pièces mécanisées pour physique amusante, ainsi que quelques toiles de cosmoramas magnifiques et d’un diorama panoramique des obsèques de Napoléon.
A son retour d’Europe, il s’arrangea avec M. Faber, un mécanicien très habile, pour exposer un automate parlant dont il était l’inventeur. Cette machine, qui avait la taille et la figure d’un homme, était garnie à l’intérieur de clefs et de touches comme celles d’un piano, et à l’aide desquelles on lui faisait articuler des mots et même prononcer des phrases toutes entières avec la plus grande netteté. Cet automate eut partout un grand succès.
Jenny Lind
En 1850, Barnum devient imprésario en produisant la chanteuse la plus renommée de son temps : Jenny Lind. Celle ci donna plus de 90 concerts sous sa direction. La tournée américaine de ce gracieux « rossignol suédois » a été préparée minutieusement et menée avec une grande générosité par Barnum. Son succès initie la vogue des artistes de concert européens en visite aux Etats-Unis.
« J’étais fort connu en Amérique, mais comme un blagueur, un puffiste. On m’y savait capable de faire une sirène avec la moitié d’une guenon et la moitié d’un poisson ; mais peut-être ne me croyait-on pas de force à produire d’une manière convenable une femme charmante qui joignait à l’éclat de la jeunesse et de la beauté, l’avantage d’être la merveille musicale de l’époque. Je tenais à prouver à mes compatriotes que j’étais bon à cela comme à autre chose, et j’étais disposé à sacrifier, s’il le fallait, cinquante mille dollars au succès de cette entreprise. Fidèle à mes habitudes, je me mis activement à préparer à l’aide des mille trompettes de la presse l’esprit public en faveur de la grande cantatrice. L’Amérique se souvient encore de l’effet magique produit par mes articles et mes réclames. Jenny Lind devint en peu de temps le sujet populaire de toutes les conversations. Il vint plus de 3000 personnes le premier jour de sa représentation. Jamais la suédoise n’avait chanté devant un si nombreux auditoire. Le génie musical transcendant du rossignol suédois était supérieur à tout ce que l’imagination peut se représenter de plus beau, et la furore n’atteignit son plus haut degré que quand sa divine voix eut été entendue. Le public fut en extase.» Barnum.
Le géant de Cardiff
En 1869, George Hull annonce au public qu’il a découvert un géant pétrifié des premiers âges. Hull fait appel à deux innocents ouvriers agricoles pour creuser un puits à un endroit précis. Ils y découvrent un géant fossilisé. La nouvelle se répand dans la vallée puis dans le pays. Bientôt les visiteurs déferlent et les journaux s’enthousiasment avec hystérie pour celui qu’ils appellent le géant de Cardiff.
Barnum ne tarde pas à envoyer un de ses agents à la ferme et offre de suite 50 000 dollars à Hull pour acquérir le géant. Celui-ci refuse l’offre, ce qui met dans une colère monstre Barnum qui allume « la guerre du faux ». Il engage des tailleurs de pierre et se fait sculpter son propre Gargantua fossilisé puis annonce sans vergogne que Hull lui a vendu le véritable géant de Cardiff, que Hull cet escroc, expose désormais aux américains un inauthentique titan. Sous cet incroyable effet d’annonce, Les spectateurs se précipitèrent chez Barnum pour voir le phénomène !
“The Greatest Show on Earth”
En 1870, Barnum organise une exposition itinérante composée d’une ménagerie, d’une caravane et d’un cirque. Son premier spectacle à Brooklyn, s’est déroulé devant 10 000 personnes. En avril 1874 Barnum ouvre son hippodrome romain à New York, ce qui allait devenir Le Grand Cirque. Avec son jeune partenaire l’entrepreneur, James A. Bailey, dont le cirque Barnum a fusionné en 1881, il a révolutionné la piste de cirque en faisant un spectacle sur trois espaces différents ; ce qui n’avait jamais été vu auparavant. Barnum acheta pour 10 000 dollars au zoo de Londres le plus grand éléphant en captivité (mesurant 4 mètres de haut), nommé Jumbo. Il le présente à New York devant des spectateurs qui, impressionnés par sa taille gigantesque, l’accueillent comme un héros national. Jumbo deviendra un des animaux gravé dans l’inconscient collectif, reprit au cinéma par Walt Disney en 1941 sous le nom de Dumbo.
En 1882, le cirque Barnum and Bailey ouvre une succursale au Madison Square Garden, où il allait devenir une institution américaine. 1887 marques la disparition du cirque et de ses ménageries.
Affiche française de Freaks (1932) de Tod Browning rebaptisée Barnum pour l’exploitation française.
Les entresorts de Barnum and Bailey
L’entresort était un lieu de divertissement à spectacle fixe. Le public y entrait et se déplaçait au gré des scènes qui étaient soigneusement cachées et découvertes au fur et à mesure de l’avancée de la visite. De cette façon, le public ne pouvait s’attarder trop longtemps sur chaque scène et en découvrir les supercheries. Un bonimenteur accompagnait parfois les visiteurs en ventant le caractère unique et mystérieux de chaque tableau. A l’issue de la visite, le public quittait la baraque en sortant du côté opposé à l’entrée, d’où le terme « entre-sort».
Certains tours de magie ne sont pas destinés à être programmés sur scène mais servent plutôt de numéros permanents dans des petits musées, ou de numéros de complément dans des cirques. Beaucoup d’entre eux utilisent des miroirs, des lentilles et des plaques de verre jouant avec la lumière, employés de sorte à obtenir divers effets. C’est ces principes qui sont utilisés pour les entresorts. La plupart des tours montraient des têtes ou des bustes vivants. On voit encore ces tours dans les carnavals et comme spectacle de complément dans les cirques. Barnum and Bailey Circus World, grand parc d’attractions situé en pleine Floride, a des plans pour un théâtre de magie qui présenterait, en plus du répertoire de scène, un large échantillonnage de ces illusions d’optique.
Ci-dessus une affiche de 1889 faisant la promotion des entresorts dans le temple de la magie noire, tels : Thauma, la splendide apparition et la créature surnaturelle parlante, la naissance de Vénus, la sirène vivante, la tête animée, le mystère du paon, ou la bouteille magique… Une surprenante galerie de 40 beautés vivantes, doublées de visions surnaturelles, de fantômes aériens et d’apparitions éthérées. La représentation scientifique la plus rare et la plus extraordinaire d’étonnantes manifestations théosophiques.
Droiture et éthiques
Contrairement à ce que l’on peut penser, dans son éthique des affaires, Barnum était plus honnête que la plupart des gens appartenant au divertissement. Il a offert à ses clients et à ses spectateurs des shows de grande qualité. Lui-même se considérait comme un bienfaiteur public.
En 1889, Barnum résume dans un cahier ses principes de vie : « Le noble art est celui de rendre les autres heureux. L’honnêteté, la sobriété, l’économie, l’éducation, les bonnes habitudes, la persévérance, la gaieté, l’amour de Dieu et la bonne volonté envers les hommes, sont les conditions requises par excellence pour la santé, l’indépendance, ou une vie heureuse, le respect de l’humanité et de la faveur spéciale de notre Père des Cieux. »
« De vocation, j’étais entrepreneur de spectacles. J’ai fait valoir par tous les moyens, j’en conviens, mes curiosités et mes artistes ; mais c’est mon droit, et je n’ai jamais employé d’ailleurs que des voies légitimes. J’ai été utile aux masses, et cela à un degré tel qu’il serait difficile de me trouver un parallèle dans l’histoire des philanthropes de théorie ou de profession. Mes muséums ambulants d’histoire naturelle ont été les plus riches et les plus curieux qui aient jamais paru aux Etats-Unis, et je soutiens qu’il n’est ni auteur ni université qui aient contribué autant que moi à répandre dans les masses la connaissance des différentes espèces du règne animal. Quant à ce qui concerne le goût musical, personne ne niera que j’ai fait plus que personne pour l’élever et le raffiner dans ce pays. » Barnum.
Douze mois avant sa mort, Barnum écrit ses croyances religieuses, intitulées Pourquoi je suis universaliste. Il est publié à Londres dans le monde chrétien du 8 mai 1890, et sous forme de brochures distribuées à 60 000 exemplaires par la maison d’édition universaliste. Barnum meurt en 1891 à l’apogée de sa popularité.
Les 10 règles de Barnum pour le succès en affaire
– Choisir en fait d’affaires celles vers lesquelles on est porté par tempérament et par goût. Que chacun ait le soin de jeter son dévolu sur les occupations qui lui conviennent le mieux.
– Que la parole donnée vous soit toujours sacrée. Ne promettez jamais de faire une chose sans la résolution bien arrêtée de l’accomplir avec la plus grande exactitude. En affaire, rien n’est si utile que la réputation d’être un homme de parole.
– Quoi que vous fassiez, faites le avec ardeur. Ce qui vaut la peine d’être fait vaut la peine d’être bien fait. L’énergie, la patience sont en affaires les éléments indispensables du succès.
– Soyez sobre. Il est clair qu’aucun homme ne peut mener à bien une affaire, s’il n’a la cervelle nette pour la concevoir et la raison libre pour en diriger l’exécution. Combien des marchés extravagants se sont conclus sous l’influence de la boisson !
– Ayez confiance, sans cependant voir trop en beau.
– Ne disséminez pas vos forces. Une fois engagé dans une affaire, tenez-vous-y fixement jusqu’à ce que vous réussissiez. Quand l’attention d’un homme est toute entière concentrée sur un seul objet, il finit par concevoir des procédés meilleurs, dont l’idée ne lui fût pas venue s’il eût permis à douze projets divers de tirailler sa cervelle à la fois et dans tous les sens.
– Bien choisir ses agents. Récompenser le mérite de ceux que vous employez.
– Annoncez votre but. Dans mon cas, j’avoue franchement que j’attribue en grande partie à la presse la plupart des succès que j’ai pu avoir dans ma vie. Des doses homéopathiques d’annonces ne rapporteront rien sans doute. Administrez à dose entière, la cure sera plus sûre et décisive. La presse est l’organe le moins dispendieux et le plus efficace pour s’adresser au public. Votre annonce est lue par des centaines et par des milliers de personnes qui ne vous ont jamais vu, qui n’ont jamais entendu parler de votre affaire et qui n’en auraient même jamais entendu parler si elles n’en eussent pas vu l’annonce dans les journaux.
– Evitez les dépenses folles, et toujours, toujours vivre dans les limites de son revenu si on le peut sans mourir de faim. C’est l’envie de briller et de paraître au-dessus de sa fortune et de sa condition qui plonge dans la ruine et dans la misère des milliers de familles qui eussent pu vivre heureuses avec un peu moins d’orgueil et un peu plus d’économie.
– Ne pas compter sur autrui. Votre succès dépend de ce que vous ferez vous-même et par vos propres moyens. Ne vous appuyez pas sur vos amis, et n’oubliez jamais que tout homme doit être l’unique artisan de sa fortune.
A lire :
– Mémoires de Barnum, mes exhibitions, traduction française de Raoul Bourdier. Editions Futur Luxe Nocturne (2004).
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