Comment êtes-vous entrée dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
J’ai été fascinée dès la première fois que j’ai vu un magicien à la télé. J’ai tout de suite voulu faire le même métier que lui. J’ai demandé une boite de magie pour Noël après avoir appris quelques tours dans le magazine Astrapi auquel j’étais abonnée.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
J’ai appris dans des livres de magie tout public, dans lesquels j’ai trouvé les adresses des magasins de magie. J’allais à Paris pendant les vacances scolaires et je demandais à ma sœur de m’emmener voir toutes ces boutiques ! J’ai appris d’abord avec des VHS comme celles de Bernard Bilis et David Stone, puis des DVD comme ceux de Jeff McBride, et des livres. Plus tard, j’ai découvert Classe Magique à Lille, qui m’a permis de rencontrer quelques magiciens… mais je me considère principalement comme autodidacte.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
J’ai progressé lentement car je ne connaissais personne du milieu de la magie ni même proche d’un milieu artistique en général, et l’accès n’était pas simple tant que j’habitais en village.
Une énorme opportunité s’est présentée pile-poil l’année où je voulais me lancer car je venais de finir mes études : intégrer l’équipe de La Maison de la Magie Robert-Houdin de Blois. C’était en 2009, j’avais à peine vingt-deux ans, j’ai passé un casting et le rêve se réalisait d’un coup : pouvoir vivre de la magie, rencontrer James Hodges qui mettait en scène le spectacle, faire partie d’une équipe de magiciens talentueux (avec Maxime Minerbe, Arnaud Dalaine et Soria Ieng) où il y avait une véritable entraide, jouer quotidiennement sur une grande scène face à des publics variés, et tout cela dans le cadre magnifique de La Maison de la Magie pendant deux ans.
En parallèle, j’ai été repérée par Hugues Protat lors du concours du Lary d’or, qui m’a engagé lors de son festival à Forges-les-Eaux. J’ai pu jouer mon numéro devant six cents spectateurs et rencontrer des magiciens et magiciennes internationaux.
Les véritables freins sont arrivés après, quand j’ai voulu participer à des concours en espérant développer une carrière à l’internationale. J’avais une énorme étiquette « femme » collée sur mon front, vu que c’était effectivement ma spécificité. Mais on me reprochait de ne pas l’être assez ce qui m’a mise vraiment mal à l’aise dans mes relations aux autres et sur scène. J’ai ressenti une atmosphère macho et compétitive. Je n’ai trouvé que des « miettes de conseils » à cette période de ma vie alors que j’aurais eu besoin de véritables soutiens, ne serait-ce que sur des questions techniques. J’ai dû encaisser seule des critiques du tout-venant, souvent contradictoires, et sans grande profondeur. Ça m’a beaucoup blessé, jusqu’à couper les ponts avec le milieu de la magie.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je travaille depuis 2012, principalement pour les centres de loisirs, centres sociaux, écoles et mairies. J’ai développé cinq spectacles différents pour le jeune public, qui tournent tous : je fais en moyenne quatre-vingt spectacles par an. Je travaille seule la plupart du temps. J’aime m’occuper de mes projets, de la conception à l’interprétation. Je demande de l’aide pour quelques étapes clés à des personnes de confiance. J’ai aussi trois formes tout public, du close-up à la grande illusion pour pouvoir répondre à toutes les opportunités qui se présentent à moi. J’espère encore évoluer !
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Jeune, j’étais fan de manipulateurs comme Norm Nielsen ou Peter Marvey. J’ai été fascinée par le style de Malin Nilsson, une artiste suédoise rencontrée au festival de Forges-les-Eaux. J’ai eu la chance de voir David Copperfield à Las Vegas en 2017, qui n’a rien perdu de son charisme et a fait apparaître une soucoupe volante très impressionnante juste au-dessus de nos têtes !
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’adore les numéros de manipulations et tout ce qui est magie de scène. J’aime beaucoup les visuels burlesques et les clowns. Mais j’aime tous les styles de magie tant qu’ils sont portés par des univers et des personnages qui me font rêver.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un(e) magicien(ne) débutant(e) ?
Travailler, s’entraîner et surtout bien s’entourer de personnes de confiance. Il faut aussi sortir et ouvrir grand les yeux et les oreilles autour de soi ! Avant de demander et d’écouter les conseils, demander à qui on s’adresse : ne pas se laisser impressionner par quelqu’un qui a une étiquette institutionnelle mais se renseigner sur sa pratique de la magie pour savoir de qui vient le conseil.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie est très à la mode. On en voit beaucoup à la télé, sur les réseaux sociaux. C’est plutôt bon signe ! Elle s’est démocratisé depuis l’arrivée d’Internet et ce n’est plus uniquement une passion « d’hommes aisés, conservateurs ». Comme la magie dépend beaucoup du magicien qui la pratique, ça ne peut que la diversifier. Et puis quand on s’intéresse à la magie, même en simple amateur, on a plus tendance à emmener ses proches avec nous voir un bon spectacle, ça remplit les salles !
Quelle est l’importance de la culture dans l’approche de la magie ?
Ça rejoint la question précédente ; la magie est un outil et on la pratique en fonction de sa culture. Quelle qu’elle soit. Toutes les cultures sont valables. Tout le monde à une culture même si elle ne correspond pas aux savoirs mis en valeur par les institutions.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Le théâtre d’impro. C’est l’éclate, le lâcher prise, avec un véritable droit à l’erreur qu’on n’a pas de la même manière en magie ! J’aime la danse, la musique, lire, marcher dans la nature, et les jeux de société !
– Interview réalisée en février 2021.
A visiter :
– Le site Inspirations Magiques.
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