Un voyageur écrit au Sphynx pour lui faire part d’une déconcertante expérience à laquelle il a assisté aux Indes. Une troupe de « fakirs », raconte-t-il, se réunit sur une grande place au milieu de la ville, et après qu’ils ont formé le cercle et poussé quelques gutturales interjections, sous forme de chant sacré, l’un d’eux sort d’un sac une longue corde qu’il lance en l’air. Oh surprise, la corde reste suspendue dans l’espace, son extrémité touchant terre. Aussitôt l’on amène un lion, un tigre, une panthère, et aussitôt que ceux-ci ont touché le bas de la corde, ils sont comme soulevés par une force invisible, grimpent le long de ladite corde, et disparaissent dans l’immensité !
Edward Melton dans son livre English Nobleman’s, Rare and Memorable Sea and Land Travel (1681) décrit une performance qu’il a vu à Batavia vers 1670 par une troupe de jongleurs chinois.
II faut vraiment que la crédulité des indigènes ait singulièrement déteint sur le correspondant européen du Sphynx, pour qu’il s’avoue tellement impressionné par les momeries des « fakirs » hindous. En réalité tout ce qu’il raconte n’a rien que de très explicable, car, à part les lions, tigres et
autres canards, le reste du truc est parfaitement exact, et se pratique couramment dans les provinces des Indes, et de l’Indo-Chine.
Je me hâterai d’ajouter que les « fakirs » qui se livrent à ce petit exercice de la corde, attendent prudemment le début du crépuscule, très long dans ces contrées, et de plus qu’une sorte de vapeur qui flotte dans l’air à la fin de ces journées torrides, donne à l’atmosphère une teinte bleu foncé qui permet des illusions d’optiques, ou mirages, et entre autre chose lorsque l’on croit avoir vu à de très grandes hauteurs, l’oeil, en réalité, se perd dans la teinte uniforme de l’air et tout se trouble à une certaine distance. Je parle ici en « regardant en l’air » et non en regardant à l’horizon, car l’oeil a alors des points de mire.
[…]
Autres pays, autres mœurs ; il faut avoir été témoin de ses expériences qui paraissent enfantines à être expliquées, mais qui, faites dans ces pays exotiques, avec leur saveur de fétichisme, font pourtant un effet qu’il est difficile d’expliquer.
Ch. D’ALBERT.
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