Conception et mise en Scène : Raphaëlle Boitel. Collaboration artistique, scénographie, lumière et conception du Spider : Tristan Baudoin. Musique originale et régie son : Arthur Bison. Régie plateau : Nicolas Lourdelle. Régie son : Arthur Bison. Constructions : Silvère Boitel. Aide à la création son et lumière : Stéphane Ley et Hervé Frichet. Costumes : Lilou Hérin. Avec : Clara Henry, Julieta Salz, Salvatore Cappello, Alejandro Escobedo, Loïc Leviel, Nicolas Lourdelle, Tristan Baudoin. Création 2015
Cinq, comme les cinq doigts de la main, compères de scène, soumis à la dure discipline du cirque, les artistes se déploient, bon gré mal gré, sous des projecteurs manipulés à vue par deux régisseurs, partie prenante du spectacle. Il faut bien y aller car le public attend. Mais ce n’est pas si facile : sur son câble de fer, Loïc Leviel s’avère un piètre funambule, paralysé par la peur, devant un agrès qui vibre comme animé d’une vie propre. A force de persévérance, et malgré les moqueries de ses partenaires, il réussira plus que brillamment. Et la musique vient souligner son exploit. Le ton est donné. Nous ne verrons pas une enfilade de performances mais nous serons plongés pendant une heure dans l’ambiance d’un travail en cours : répétition ou captation d’un spectacle, avec des temps forts et des pauses.
« En contradiction avec le caractère soliste des numéros de cirque traditionnels, dit Raphaëlle Boitel, j’ai souhaité évoquer l’importance de la force du groupe, la solidarité, l’entraide, l’amour.» Aujourd’hui metteuse en scène et, parallèlement, chorégraphe pour l’opéra, elle n’a pas oublié les souffrances et contraintes physiques du métier pour avoir suivi la rude école d’Annie Fratellini, puis travaillé avec James Thierrée notamment dans La Symphonie du Hanneton et La Veillée des Abysses. Créé en 2015, ce spectacle rend hommage au cirque et « montre l’envers du décor, l’entraînement, qui occupe 90% de leur vie et abime leurs chairs ». Ici, les différents agrès semblent être les partenaires ambigus des artistes, à la fois supports de leur travail et instruments de torture comme cet impressionnant «spider » une toile d’araignée à cinq cordes entrecroisées où Clara Henry se débat tout en dansant dans les hauteurs. Plus poétique sous les lumières, un cerceau reçoit le gracieux numéro de contorsions aériennes de Julieta Salz, mais au bout de ses sangles, Salvo Cappello a les poignets meurtris. Quant à Alejandro Escobedo, même sans ses balles, il devient un forcené du jonglage…
Ils glissent, tombent, se relèvent, mais tous finissent par trouver l’équilibre… Illustrant les lignes bien connues de Nicolas Boileau: «Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage/ Polissez-le sans cesse, et le repolissez/Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » Raphaëlle Boitel entend présenter ici «une parabole métaphorique de la vie, dans lequel la force de se relever incarne la rage de vivre. »
Mais rien de didactique dans ce spectacle émaillé de gags, soigneusement chorégraphié et accompagné de musiques enjouées. La Campanella de Nicollo Paganini revient à plusieurs reprises rythmer joyeusement les numéros. On lui reprochera peut-être d’abuser des scènes collectives muettes où le cirque parfois se noie et d’appuyer un peu trop sur ce hors champ, redoublé par un semblant de tournage de cinéma. Pour autant, les savants clairs obscurs du scénographe Tristan Baudouin qui manipule de vieux projecteurs sur pied, architecturent la pièce, en projetant des ombres étranges sur les murs et sur un décor d’enchevêtrements de cordes, de sangles et de perches, où traînent, abandonnés, des gants, une bouteille d’eau ou un balle rouge… Atmosphère poétique qui fait le charme de ce travail collectif, créé avec des jeunes diplômés de l’Académie Fratellini. La metteuse en scène rend ici hommage à la fondatrice de cette école et au moment des saluts, les interprètes revêtent les costumes de scène à paillettes de cette première femme-clown et ceux de son partenaire, Pierre Étaix.
À lire :
Article de Mireille Davidovici. Source : Le Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Sophian Ridel / Georges Ridel / Cie L’Oublié(e). Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.