Mise en scène : Philippe Genty et Mary Underwood.
A sa façon, dit Philippe Genty, cette nouvelle réalisation est une recréation de Voyageur immobile, l’un de ses précédents spectacles réalisé en 1996 et qui avait beaucoup voyagé. Et où il y a un axe majeur : l’emballage. Il y a toujours chez Genty les mêmes et fantastiques images à la fois pleines de poésie et d’onirisme, comme ces quatre corps de bébé enfermés dans des boîtes de carton dont le visage (d’adulte !) est, lui, bien réel, qui vont être secoués sur une mer faite de grands voiles bleus, ou ces machines catapultes à la Tadeusz Kantor qui envoient en l’air de petits bébés ou bien les aplatissent dans des sacs en plastique. Ou ces êtres humains que l’on emballe de papier kraft, et qui vont ressurgir ailleurs quelques secondes plus tard. Ou bien encore cette tête dont on ouvre le crâne et qui laisse échapper des bandes de cerveau. Image sans doute inspirée du merveilleux théâtre de marionnettes qu’est le Figuren Theater de Tübingen. Et il y a, à la fin, cette marche immobile dans le désert où les huit personnages emmènent avec eux un petit homme/ marionnette : c’est sans doute le moment le plus fabuleux du spectacle qui est servi par une équipe de comédiens qui font un travail gestuel et chorégraphique de tout premier ordre , par la belle création lumières de Thomas Dobruszkès et la musique d’Henry Torgue et de Serge Houppin, et les sons d’Antony Aubert qui font partie intégrante des images proposées.
Le théâtre d’images ne peut en effet fonctionner que si la musique et le son les projettent pour ainsi dire dans l’espace. Il y a souvent quelque chose de magique dans cet enchaînement d’images mais il vaudrait mieux que Philippe Genty revoie les quelques paroles prononcées qui sonnent faux. Mais heureusement, les images reprennent vite le dessus, servies par une équipe très solide et d’une exceptionnelle qualité, où le moindre détail a été pensé, étudié.
Aucune approximation, aucun effort apparent, mais il y a, bien entendu derrière, un travail important et une rigueur absolue mise au service de cette production d’images. Cela tient de l’horlogerie. Tout coule, tout glisse dans cet univers fantastique comme si c’était « normal »…
Reste un défaut majeur qui n’est pas nouveau chez Genty et sur lequel il est inutile d’épiloguer, puisque, de toute façon maintenant, il ne changera pas : où veut-il nous emmener ? Il n’y a pas vraiment de ligne directrice dans ces Voyageurs immobiles ; il a beau convoquer Freud et L’Interprétation des Rêves ; quand il dit qu’il « lâche des choses qui recouvrent plusieurs significations simultanément », c’est un peu juste et on a le droit d’être sceptique…
Photo : Pascal François.
C’est donc à prendre ou à laisser; dans ce cas, comme on n’a guère le choix, mieux vaut donc prendre et ne pas demander à ce spectacle plus que ce qu’il peut donner : soit en 90 minutes, une suite d’images fabuleuses, magnifiquement réalisées, parfois influencées par Pina Bausch, mais sans aucune véritable unité…
Même si l’ensemble reste d’une grande beauté plastique. Et il y a peu de spectacles de théâtre visuel qui atteignent cette dimension. Philippe Genty reste, dans sa catégorie, un maître reconnu. Et le public a fait une immense ovation à toute l’équipe.
A lire :
– La fin des terres .
– le premier spectacle parlant de la compagnie.
– La pelle du large.
– Paysages intérieurs.
A voir :
– Le théâtre noir de Philippe Genty.
A visiter :
– Le site de la compagnie Philippe Genty
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