Spectacle de la 28ème promotion du Centre national des arts du cirque, mise en scène de Gaëtan Lévêque, chorégraphie de Marlène Rubinelli-Giordano.
En hors-d’œuvre, Gérard Fasoli, le directeur du CNAC, et les historiens, documentalistes et techniciens de la BnF qui ont réalisé en commun un site Internet consacrée à l’histoire du cirque, nous ont présenté la partie déjà réalisée, consacrée à l’acrobatie.
Le CNAC et la BnF disposent en effet de fonds numérisés très importants : le CNAC possède des captations réalisées par son unité audiovisuelle et des documents offerts par des compagnies et la BnF a elle, un riche patrimoine historique concernant les arts du cirque…
Ces établissements ont voulu rendre accessibles leurs ressources avec la création d’une anthologie en quatre grands volets : acrobatie, jonglerie et magie/manipulation d’objets, jeu burlesque et art clownesque, et enfin dressage. Très facile d’accès, ce site regroupe les articles de spécialistes, Philippe Goudard, Jean-Michel Guy, Pascal Jacob et vingt-deux interviews d’artistes mais aussi une très riche iconographie : peintures, gravures, affiches, photos de spectacles, etc. soit plus de mille images, 226 extraits de spectacle, et quinze vidéos présentant les techniques de numéros de cirque.
Le premier volet, déjà en ligne, retrace la pratique de l’acrobatie (sauts, équilibres, jeux équestres, puis mobiles et agrès…) depuis Sumer et l’Egypte ancienne. Il y a entre autres, une représentation d’une pyramide humaine à Venise au 16ème siècle, des gravures (Jacques Callot), affiches, photos, et vidéos. Avec l’appréciable possibilité de zoomer tous les documents !
Pyramide humaine des Forces d’Hercule des Nicolotti et des Castellani à Venise (XVIe siècle). Collection Jacob/William. CNAC, Châlons-en-Champagne ; La Tohu, Cité du cirque Montréal, Québec. © Centre national des arts du cirque, collection Jacob/William.
Le site concerne à la fois les artistes, chercheurs et étudiants mais aussi le grand public (dont le jeune public et les scolaires), les amateurs, les élèves et formateurs des écoles de cirque comme les enseignants en théâtre, danse et arts plastiques pour lesquels ce site fonctionne comme un laboratoire d’idées permanent et bien entendu… gratuit. Une vraiment belle réussite. Que demande le peuple ?
Le collectif AOC pluridisplinaire (cirque, danse musique et théâtralité) s’est vu confier la création de ce spectacle de fin d’études qui est toujours un moment capital et émouvant dans la vie de ces jeunes circassiens sortant de cette prestigieuse école. « C’est un aboutissement, dit Gaëtan Lévêque, de trois années de formation, avec, à la clé, l’entrée dans la vie professionnelle. Ce fut le cas pour nous, il y a plus de quinze ans, et un souvenir marquant d’une nouvelle vie qui commence. (…) Les contraintes d’un spectacle de fin d’études sont multiples, nous sommes persuadés qu’elles constituent aussi des ressources à exploiter, un terrain de jeu.»
Cela se passe sur la piste de l’ancien et beau cirque XIXème de Chalôns qui abrite le CNAC, avec quinze jeunes interprètes dans une ou plusieurs disciplines qu’il faut tous citer : Théo Baroukh : sangles, Nora Bouhlala-Chacon : corde, Johan Caussin : acrobatie, Sébastien Davis-Van Gelder et Blanca Franco : main à main, Anahi De Las Cuevas : cerceau aérien, Adalberto Fernandez Torres : contorsion, Clotaire Fouchereau: acro-danse, Löric Fouchereau et Peter Freeman : main à main, Nicolas Fraiseau, Camila Hernandez : mât chinois, Lucie Lastella-Guipet: roue Cyr, Thomas Thanasi trampoline-acrobatie, Marlène Vogele : trapèze ballant. Ils sont français mais aussi étrangers : Espagne, Porto-Rico, Italie, Argentine, Australie, Brésil. Ce qui fait aussi l’originalité de cette école supérieure.
Malgré une scénographie peu convaincante : rochers gris en polystyrène assez laids, et six branches d’arbres plantées sur des supports en fer. Même si « cet univers organique et minéral se trouve polarisé entre deux ancrages : une immuabilité latente et une jeunesse perméable et vivante » dit Gaëtan Lévêque, cela ne fonctionne pas : le tout encombre le plateau et parasite le regard. Dommage ! Cela n’empêche pas et heureusement d’être séduit par la grande qualité des numéros et la solidarité de ces jeunes artistes.
Il y a d’abord une courte mais belle entrée avec Lucie Lastella-Guipet à la roue Cyr, du nom de son créateur ; soit un grand anneau qui sert à se déplacer en le faisant tourner au sol. Simple en apparence… mais qui doit exiger un redoutable travail de concentration et de souplesse.
Il y a aussi de nombreux sauts de tout genre au trampoline de plusieurs garçons dont un remarquable numéro de l’acrobate Thomas Thanasi qui, après plusieurs sauts périlleux, retombe sur les bras en croix de quatre copains, absolument solidaires au sol. Sans aucun filet : virtuose et très impressionnant.
Le cerceau aérien, une sorte de trapèze, avec Abahi de Las Cuevas, le numéro de Theo Baroukh suspendu à des sangles, celui de Nicolas Fraiseau et Camila Hernandez, à la fois beau et émouvant : ils s’embrassent enroulés en haut d’un mât chinois.
Mais aussi des duos de main à main de Sébastien Davis-Vnan Gelder et Blanca Franco, Löric Fouchereau et Peter Freeman qui font tous preuve d’une solide technique.
Signalons, ce qui est des plus rares dans le cirque contemporain et ici très bien réglé : une très jolie chorégraphie de corps rampants qui s’enfuient sous un praticable.
A la fin, moment sublime : sans que l’on ait rien vu de sa rapide montée par un câble, Marlène Vogel, debout sur son trapèze volant, joue très à l’aise de la trompette, puis se balancera avec une grande légèreté. (Elle a heureusement un harnais) et regroupés, tous les autres élèves ont un même regard vers elle. C’est une magnifique image toute fellinienne qui fait pardonner une mise en scène, parfois approximative et encore très brut de décoffrage dont il faudrait d’urgence resserrer les boulons : des longueurs et à-coups dans la présentation des numéros parfois un peu répétitifs, comme les sauts au trampoline.
Reste le travail de cette promotion qui est au moins d’aussi bonne qualité que celui de leurs prédécesseurs. Ces jeunes gens ont beaucoup appris et savent faire beaucoup de choses, en particulier pour plusieurs d’entre eux, jouer, qui du saxo, qui de la trompette ou de la guitare…
A part ces réserves, c’est un spectacle qui est à voir, si vous voulez découvrir les artistes qui feront sans aucun doute le cirque français de demain…
Gouverner c’est prévoir et le CNAC a réalisé récemment une extension de ses équipements sur une ancienne friche agricole située à proximité Avec, destiné aux enseignements avec, en particulier, un espace aérien dit « grand volant » d’une hauteur 13,50 m ; ce nouvel ensemble comprend aussi treize studios d’accueil d’artistes et d’intervenants, et des espaces pour la conception et de construction d’agrès.
N’en déplaise à Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui trouve trop nombreuses les Ecoles de cirque, ce centre de formation supérieure comme celui-ci et qui accueille autant d’élèves étrangers que français, fait plus pour la réputation et l’avenir de notre pays, que bien des promesses électorales jamais tenues…
– Source : Le Théâtre du Blog.
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A visiter :
– Les arts du cirque.