Nous connaissons les liens extrêmement intimes qu’entretiennent le cinéma et les illusionnistes. Les magiciens ont promu et fait découvrir le cinématographe au public. Beaucoup d’illusionnistes ont exploité les nouvelles propriétés de cette fabuleuse machine à enregistrer la vie et à projeter « des fantômes ». C’était pour eux un nouveau moyen de produire des illusions, tout ... [ Continuer la lecture ]
Lanterne Magique
Au XVIIe siècle, la science physique, l’optique, la dioptrique, la catoptrique, toutes ensembles conjugués, ont engendré un nouvel art, baptisé « Art trompeur », qui se joue de nos yeux et dérègle tous nos sens. L’astronome hollandais Christiaan Huygens (1629-1695) est l’un des premiers à connaître et à propager la lanterne magique, qui dès 1659, est capable de projeter l’image animée d’un squelette qui s’amuse à ôter et à remettre sa tête, iconographie inspirée de la todtentanz du peintre Hans Holbein. L’image est si saisissante que Huygens nomme « lanterne de peur » ce nouvel instrument d’optique. L’appareil et ses diableries sont répandus jusqu’en Chine dès la fin du XVIIe siècle.
Décrite en 1646 par le père Athanase Kircher, la lanterna magica est, selon une définition du XVIIIe, une petite machine qui sert à faire voir sur un mur blanc différents spectres et monstres affreux de façon que ceux qui n’en savent pas le secret croient que cela se fait par « art magique ». La paternité de cette machine en revient au danois Thomas Walgenstein. La lanterne amplifie les images de façon gigantesque ; mieux encore, les plaques de verre sur lesquelles sont peintes les vues sont mécanisées. Ainsi les figures s’animent, sur l’écran ou sur le mur blanc, et frappent l’imagination des crédules. On découvre ensuite la portée pédagogique de l’image projetée, et la lanterne est associée au mouvement d’éducation populaire de la seconde moitié du XIXe siècle. Les appareils, qui peuvent posséder plusieurs objectifs, deviennent particulièrement sophistiqués, reconstituant des mouvements permettant des métamorphoses et des fondus.
Si la lanterne magique fournit au cinéma quelques-uns de ses premiers artisans, elle lui offre également un répertoire de sujets et lui propose un mode de découpage d’une histoire en une succession de tableaux. Les spectacles de lanterne étaient accompagnés du commentaire du conférencier. Cette pratique influença la structure des films en permettant que certains éléments ne soient pas explicités dans l’image, mais seulement lors de la projection.
A la fin du XVIIIe siècle, en Europe, ces jeux d’optique et de lumière donnent naissance à la véritable fantasmagorie. C’est là que l’inspiration de bien des magiciens du XIXe prend ses sources. Les « tempêtes optiques » débutent vers 1774, à Leipzig, lorsqu’un « faiseur de fantôme » nommé Johann Schröpfer organise des séances de nécromancie. Il se sert de la lanterne nébuleuse (projection sur de la fumée) décrite par Edme-Gilles Guyot pour convoquer les esprits défunts ou la sorcière d’Endor.
C’est le magicien Robertson qui en 1798 ouvra le premier théâtre de fantasmagories utilisant une lanterne magique modifiée, appelée Fantascope, au pavillon de l’échiquier à Paris, puis dans un ancien couvent. Cette technique novatrice annonce les futurs trucages cinématographiques de Méliès (surimpression sur fond noir et juxtaposition d’image).
Au XIXe siècle, la mise au point de sources de lumière artificielles et puissantes, l’introduction sur la scène de théâtre de miroirs et de verres pivotants, renouvelle l’esthétique de la scénographie qui abandonne définitivement la lanterne magique au profit d’autres techniques novatrices. C’est ainsi qu’une fantasmagorie très spectaculaire réapparaît sous une forme plus complexe en 1862 : le Pepper’s Ghost ou les spectres vivants.
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