D’après le livre de Mona Chollet.
Cette « lecture musicale », créée au Théâtre du Rond-Point en 2019 avec une vingtaine d’actrices et musiciennes d’âge et d’horizons divers, fait entendre les morceaux choisis d’un essai1 qui fit date. Selon le collectif : « Qui mieux que la sorcière et sa résurgence dans des incarnations contemporaines (la femme sans enfant, la célibataire, la femme aux cheveux blancs…) interroge les normes dominantes qui pèsent et modèles les féminités. » Repris ici pour quinze représentations, le spectacle est chaque soir différent, en fonction des interprètes : quatre actrices et deux musiciennes.
Ce soir, Anne Pacéo avec sa batterie et dans des lumières mode concert, grâce à sa voix puissante et mélodieuse, introduit la paradoxale nature de la sorcière : à la fois féminine et rebelle, attirante et repoussante… En écho, Garance Marillier évoque « les siècles de souffrance », les chasses aux sorcières et les tortures subies par celles qui sortaient de la norme. L’ouvrage de Mona Chollet comporte une importante partie historique, où on apprend, entre autres choses , que des « piqueurs », cherchaient, avec des aiguilles, la marque du diable sur le corps des femmes…
Après un chant à la guitare façon blues, de la Canadienne Mélissa Laveaux, vient Anna Mouglalis. L’extrait qu’elle lit, évoque la soumission des femmes vouées au don de soi et au service des hommes, au détriment de leur propre réalisation. Elle incite à en finir avec la domination masculine : « Vous avez des capacités. Vous avez des rêves ! » Clotilde Hesme, à son tour, parle de la maternité imposée à la femme : « La destination de la femme est d’avoir des enfants et de les nourrir », lit-on dans L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Certaines comme Mona Chollet, revendiquent le choix de ne pas avoir d’enfant : « Dans ma logique, ne pas transmettre la vie permet d’en jouir pleinement. » Aure Atika clôt le spectacle, avec un passage sur le « diktat de l’éternelle jeunesse » dont sont victimes les femmes, leur « obsolescence programmée » dès quarante-cinq ans… Mais on peut désobéir : « Être fille et pas forcément gracieuse. « Et les femmes, dit Susan Sontag, devraient permettre à leur visage de raconter la vie qu’elles ont vécue. Les femmes devraient dire la vérité. »
D’autres comédiennes seront les sorcières d’un soir : Ariane Ascaride, Suzanne de Baecque, Jennifer Decker, Constance Dollé, Valérie Donzelli, Claire Dumas, Marie-Sophie Ferdane, Éyé Haïdara, Irène Jacob, Annabelle Lengronne, Christiane Millet, Florence Muller, Grace Seri. Et les musiciennes : Lucie Antunes, Fishbach, Franky Gogo, Léonie Pernet, P.R2B, Clara Ysé, Yoa. Sans prétention de mise en scène, les textes, mis bout à bout et ponctués de moments musicaux, rendent compte d’un livre érudit, et qui développe un féminisme argumenté. Ce manifeste militant permet de raison garder dans la cacophonie des brûlots agressifs distillés par les réseaux sociaux et la presse. Merci à toutes ces artistes de faire passer le message avec humour et impertinence.
– Article de Mireille Davidovici. Source : Théâtre du Blog.
Note :
1 Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet (Éditions Zones, 2018).
Crédit photos : Julien Mignot. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.