Presque tout ce qui touche au sexe (photo, peinture, sculpture, théâtre, cinéma ou spectacles de magie) peut être toléré, provoquer des rires, voir même être apprécié ; ou à l’inverse être censuré et interdit. Tout dépend du contexte ethnique, sociale, politique et historique du moment. Ce qui était considéré comme immorale hier, peut-être reconsidéré de nos jours comme une prophétie ou une intuition révolutionnaire du temps futur. L’inverse est également vrai. Dans les sculptures religieuses hindoues ou dans les peintures de la Haute-Renaissance (comme celles de la chapelle Sixtine au Vatican), on trouve des références plus ou moins explicites au sexe. Ces oeuvres font partie d‘institutions, de musées, ou même de temples religieux, mais qui dans un autre contexte seraient moralement répudiées ou interdites. Les références directes ou indirectes au sexe peuvent être considérées comme de la pornographie par ceux qui ne mesure pas la portée artistique de l’oeuvre, ou par certaines personnes avec une éducation et une morale religieuse ou des valeurs conservatrices.
Serip et sa cravate facétieuse…
Freud a dit que le sexe refoulé peut être sublimé par l’art. Seuls quelques centaines d’exemplaires de ses livres ont été vendus au cours des dix premières années de leur parution. Peut-être parce que le sexe était tellement réprimé qu’on ne pouvait pas en parler. Ce qui n’a pas empêché Freud de devenir le psychologue le plus célèbre et le plus influent du XXe siècle. Dernièrement, il y a eu de nombreuses remises en cause de ses théories et moins d’importance a été accordée au sexe. À mon avis, cela est dû à la plus grande liberté sexuelle de ces dernières décennies. Dans ce climat libéré et décomplexé, nous avons peut-être moins besoin de représentations sexuelles dans l’art, de spectacles érotiques ou de pornographie. C’est peut-être pour cela que mon spectacle de magie comique avec des saucisses a connu son apogée dans les années 1970 à 1990, suivi d’un déclin progressif, bien que j’ai continué à vouloir l’améliorer…
Serip avec les accessoires de son numéro des saucisses dans les années 1980.
Le meilleur exemple que je connaisse de « l’évolution de l’interdit » est le livre L’amant de lady Chatterley de D. H. Lawrence. Il a été écrit quand Hitler publiait son Mein Kampf, dans le soi-disant « âge victorien », lorsque la reine Victoria d’Angleterre a imposé son puritanisme et interdit l’exposition du sexe. La reine la plus puritaine d’Angleterre (ou de l’histoire du monde à ma connaissance) a utilisé le sexe, le mariage de ses enfants, pour étendre sa domination dans une grande partie du monde. Avant qu’Hitler ne veuille contrôler le monde avec ses guerres, la reine Victoria a acquis un énorme pouvoir. D’une part, le sexe était réprimé et d’autre part, c’était un moyen de pouvoir politique et économique par l’organisation de mariages arrangés dans l’intérêt de la nation.
Lithographie de schem pour le livre Lady Chatterley (Édition limitée et Illustrée les deux-rives, 1956).
Le livre L’amant de Lady Chatterley a été interdit de 1926 à 1960. Un phénomène spectaculaire s’est alors développé et le livre est devenu un symbole de la révolution sexuelle, du changement, de l’éviction du puritanisme et de la liberté. Non seulement il n’était plus interdit, mais il était considéré comme la meilleure expression artistique du sexe dans le monde. En quelques années, il s’est vendu à des millions d’exemplaires et est devenu l’un des romans les plus célèbres de l’époque, trente-quatre ans après avoir été écrit et resté interdit.
Concernant le monde magique ; chaque effet peut être amélioré en se référant simplement aux émotions populaires de notre époque et de notre public. Le sexe peut être important et libérateur dans un environnement de répression sexuelle et être anecdotique dans une époque de grande banalisation sexuelle. J’imagine que de nombreux magiciens utilisent les nouvelles technologies pour introduire des émotions populaires dans leurs représentations. On peut alors se poser la question suivante : « Quelles émotions puis-je mettre en avant ? » Chaque fois que nous voyons une émission à succès, à la télévision ou sur Internet, nous pouvons passer quelques instants à réfléchir : « A quoi est dû ce succès ? », « Comment puis-je en profiter pour améliorer mes spectacles de magie ? »
Les visites de musées ou la consultation d’oeuvres d’art peuvent stimuler la créativité pour améliorer n’importe quel spectacle magique. L’art moderne encourage peut-être davantage les spectacles futuristes. Mais il existe des formes d’art classiques qui durent des siècles, peut-être parce qu’elles touchent à des émotions universelles et éternelles au genre humain ; comme l’a très justement relevé Juan Tamariz avec les effets classiques de prestidigitation.
Wenceslao Ciuró, le plus grand auteur magique espagnol que je connaisse, a écrit : « Si vous voulez faire de vieux tours, regardez les magiciens actuels. Si vous voulez faire de nouveaux tours, lisez de vieux livres. » Internet permet de voir de nombreux spectacles magiques, surtout les plus récents. Pour trouver les plus inspirants, pour chaque magicien, il peut être pratique de faire différentes recherches en tapant les noms de ceux qui nous ont donné les meilleures idées.
Les émotions, ou simples associations liées au sexe, sont propices à des effets comiques, surtout où la sexualité est la plus réprimée. Mais parfois ce qui fait rire certains peut être jugé de mauvais goût par d’autres…
A lire :
– L’interview de SERIP
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