Philippe TALON alias Philippe (1802-1878) a fait l’objet d’un article sur ce site, mais en se référant uniquement au journal de Caroly. Comme Robert-Houdin s’est attaché à parler longuement de ce grand artiste je pense que cet éclairage complétera parfaitement la connaissance de ce magicien français. A-t-il eut des élèves c’est une question que l’on pourra se poser ? En lisant l’annonce parue dans un journal du Morbihan le 20 septembre 1848, on constate que le jeune physicien prestidigitateur Guillot se présentait comme tel.
Je vais revenir à la prestidigitation proprement dite, en donnant une notice biographique sur un physicien-sorcier-magicien-prestidigitateur, dont le succès dans Paris fut, vers cette époque, des plus éclatants. Philippe Talon, originaire d’Alès, près Nîmes, après avoir exercé la douce profession de confiseur à Paris, s’était vu forcé, par suite d’insuccès, de quitter la France.
Londres, ce pays de Cocagne, cet Eldorado en perspective, était a deux pas notre industriel s’y rendit et ne tarda pas à fonder un nouvel établissement dans la capitale des Trois-Royaumes-Unis. Le confiseur français avait bien des chances de réussite. Outre que les Anglais sont très friands de chatteries, on sait que la confiserie française a eu, de tout temps chez les enfants d’Albion, une renommée qui ne peut être comparée qu’à celle dont a joui jadis en France le véritable cirage anglais.
Néanmoins, malgré ces avantages, il paraît que de nouvelles amertumes se glissèrent bientôt dans son commerce ; les brouillards de la Tamise, d’autres disent des spéculations trop hasardeuses, vinrent fondre les fragiles marchandises du nouveau magasin et les mirent en déconfiture.
Talon plia bagage une seconde fois et quitta Londres pour aller à Aberdeen demander l’hospitalité aux montagnards écossais, auxquels en échange il proposa ses séduisantes sucreries.
Malheureusement, les Ecossais d’Aberdeen, fort différents des montagnards de la Dame Blanche, ne portent ni bas de soie ni souliers vernis, et font très peu d’usage des pâtes de jujube et des petits fours. Aussi le nouvel établissement n’eût pas tardé subir le sort des deux autres, si le génie inventif de Talon n’avait trouvé une issue à cette position précaire.
Le confiseur pensa avec raison que pour vendre une marchandise, il est bon qu’elle soit connue, et que, pour qu’elle soit connue, il faut s’occuper de la faire connaître.
Fort de ce judicieux raisonnement, Talon sut bien forcer les Aberdeenois à manger ses bonbons, après toutefois les leur avoir fait payer.
A cette époque, il y avait à Aberdeen une troupe de comédiens qui se trouvaient dans la position des sucreries de Talon ces artistes étaient incompris et peu goûtés.
En vain le directeur avait-il monté une pantomime à grand renfort de changements à vue et de transformations ; le public était resté sourd à ses appels réitérés.
Un beau jour, Talon se présente chez l’impresario écossais :
Monsieur, lui dit-il sans autre préambule, je viens vous faire une proposition qui, si elle est acceptée, remplira votre salle, j’en ai la conviction.
Expliquez-vous, Monsieur, dit le directeur affriandé, mais peu confiant dans une promesse qu’il avait de bonnes raisons de croire difficile à réaliser.
Il s’agit simplement, poursuivit Talon, de joindre à l’attrait de votre spectacle l’annonce d’une loterie dont je ferai tous les frais. Voici quelle en sera l’organisation chaque spectateur en entrant paiera en sus du prix de sa place la somme de six pences (60 centimes), qui lui donneront droit à :
– Un cornet de bonbons assortis
– Un numéro de loterie, avec lequel il pourra gagner le gros lot, représenté par un magnifique bonbon monté de la valeur de cinq livres (125 francs).
Talon promit en outre un divertissement nouveau, dont il confia le secret avec recommandation de ne pas le divulguer.
Ces propositions ayant été agréées, on mit sur le tapis la question d’intérêt. Le marchand de sucreries n’avait aucune raison de tenir la dragée haute au directeur le marché fut donc promptement conclu.
L’intelligent Talon ne s’était point trompé ; le public, allèche par l’appât des bonbons, par l’attrait de la pantomime et par une surprise qu’on lui promettait, accourut en foule, et remplit la salle.
La loterie fut tirée le gros lot fit un heureux, et les douze ou quinze cents autres spectateurs, munis de leurs cornets de bonbons, se consolèrent de leur déception en se faisant entre eux des échanges de douceurs.
Dans d’aussi heureuses dispositions, la pantomime fut trouvée charmante.
Cependant cette pièce tirait à sa fin et l’on n’avait encore d’autre surprise que celle de ne pas l’avoir encore vu arriver, lorsque tout à coup, à la fin d’un ballet, les danseurs s’étant rangés en cercle comme pour l’apparition d’un premier sujet, un bruit aigu se fait entendre, et un superbe polichinelle, riant de sa voix aigre et chevrotante, s’élance d’un bond sur le devant de la scène et fait un magnifique écart.
C’était Talon, revêtu des deux bosses de coton et de l’habit pailleté.
Notre nouvel artiste s’acquitta avec un rare talent de la danse excentrique de Polichinelle et fut couvert de bravos.
Pour remercier le public de son bienveillant accueil. Le danseur essaya une révérence dans l’esprit de son rôle, niais il la fit si malheureusement, que le pauvre Polichinelle tomba violemment sur le côté sans pouvoir se relever.
On s’approche en toute hâte, on soutient le blessé. Il se remet un peu ; il veut parler ; on écoute ; il se plaint d’une côte cassée et demande avec instance des pilules de Morisson. On se rend à ses désirs et un domestique se hâte d’apporter des pilules d’une grosseur exagérée.
Le public, qui jusque-là compatissait à la douleur de Polichinelle et se tenait dans un silencieux attendrissement, commence à flairer une plaisanterie. Il sourit d’abord, puis rit-aux éclats ; lorsque le malade prenant une des pilules, l’escamote habilement en feignant de l’avaler tout d’un trait. Une seconde suit la première, et la demi-douzaine ayant pris la même route, Polichinelle se trouva tout à fait remis, salua gracieusement et fit sa retraite au lieu de bruyants hurrahs.
Philippe venait de faire sa première séance : le confiseur avait troqué le bâton de sucre d’orge pour celui de magicien. Cette scène burlesque eut un succès fou. Les recettes qu’elle lit faire, chaque soir, vinrent réconforter la situation financière du directeur et de son habile associé, de sorte que le marchand de bonbons, qui avait liquidé son fonds de boutique dans ses représentations, n’eut plus qu’à fermer la porte. Il partit pour donner dans d’autres villes des représentations de son nouveau talent. Où le nouveau magicien avait-il puisé les éléments de son art ? Je l’ignore. Il est probable (c’est toujours avec des probabilités que se comblent les lacunes de l’histoire), il est probable que Talon avait appris l’escamotage comme la danse de Polichinelle, pour sa satisfaction personnelle et le plaisir de ses amis. Ce qu’il y a de certain, c’est que la séance qu’il donna devant les naïfs spectateurs d’Aberdeen ne fut pas de première force, et que c’est à la suite de ces premiers succès qu’il se perfectionna dans l’art auquel il dut plus tard sa réputation.
Abdiquant désormais les sucreries, le vêtement de Polichinelle et la pratique, Philippe (c’est, ainsi que s’appela dès lors le prestidigitateur) parcourut les provinces d’Angleterre en donnant d’abord de très modestes représentations. Puis son répertoire s’étant successivement augmenté d’un certain nombre de tours pris çà et là aux escamoteurs de cette époque, il attaqua les grandes villes et vint à Glascow, où il se fit construire une baraque en bois pour y donner des représentations.
Pendant la construction de son temple de magie, Philippe distingua, parmi les ouvriers menuisiers employés à cet ouvrage, un jeune garçon de bonne mine qui lui sembla doué d’une intelligence toute particulière ; il voulut l’attacher à ses entreprises théâtrales et le faire paraître en scène comme aide magicien.
Macalister (c’était le nom du jeune menuisier) avait inné en lui le génie des trucs et des ficelles ; il n’eut à faire aucun apprentissage dans cet art mystérieux, et comprenant tout de suite les finesses de l’escamotage, il composa quelques tours qui lui méritèrent les éloges de son maître.
Depuis ce moment, soit par suite du concours de Macalister, soit pour toute autre cause, tout sembla réussir à Philippe, qui se mit à travailler en grand, c’est-à-dire qu’il abandonna les baraques pour la scène plus noble du théâtre des grandes villes.
Après avoir longtemps voyagé dans l’Angleterre, il passa en Irlande et donna des représentations à Dublin. Ce fut dans cette ville qu’il fit l’acquisition de deux tours auxquels il dut plus tard un véritable succès.
Trois Chinois, venus en France pour y présenter divers exercices très surprenants, avaient essayé de donner à Paris quelques représentations qui, faute d’une publicité convenable, n’eurent d’autre résultat que de brouiller les trois habitants du Céleste-Empire. En France aussi bien qu’en Chine, lorsqu’il n’y a pas de foin au râtelier, les chevaux se battent, dit-on nos trois jongleurs n’en étaient pas arrivés à cette extrémité, mais ils s’étaient séparés. L’un d’eux s’en alla à Dublin, et ce fut là que, sur la demande de Philippe, il lui enseigna le tour des poissons ainsi que celui des anneaux.
Le premier de ces trucs une fois acquis, Philippe se trouva très embarrassé, il lui fallait une robe pour son exécution.
Prendre un costume de Chinois eut été chose plus que pittoresque, l’ex-confiseur n’ayant dans la physionomie aucun des caractères d’un mandarin. Il ne fallait pas non plus songer à une robe de chambre. Si riche qu’elle eût été, la séance de magie eût pris un caractère de sans-façon que le public n’aurait pas toléré. Philippe sut se tirer de cette difficulté il s’habilla en magicien. C’était une innovation hardie, car, jamais jusqu’alors, un escamoteur n’avait osé endosser la responsabilité d’un tel costume. Possesseur de ces deux nouveaux tours, Philippe conçut le projet de revoir son ingrate patrie et de se réconcilier avec elle en lui présentant les résultats de ses travaux. Il vint donc à Paris dans l’été de l’année 1841 et donna des représentations dans la salle Montesquieu.
Le tour des poissons, celui des anneaux, un brillant costume de magicien, un superbe bonnet pointu, une séance bien organisée fut convenablement présentée, attirèrent chez lui grand nombre de spectateurs, parmi lesquels le hasard conduisit le directeur d’un des théâtres de Vienne.
L’Autrichien, enchanté de la représentation, proposa, séance tenante, au prestidigitateur, un engagement à participation de recette.
Philippe accepta d’autant plus volontiers que, pendant la saison pour laquelle il s’engageait, la salle Montesquieu était réservée pour des bals publics. D’un autre côté, cet engagement lui donnait le temps de faire construire un théâtre, dans lequel il pourrait à son retour continuer tranquillement le cours de ses représentations.
Dans le service de l’Autriche, Le militaire n’est pas riche.
a dit l’auteur du Châlet, et pour ce motif d’opéra, ainsi que pour d’autres encore, notre voyageur n’était pas sans éprouver de vives inquiétudes à l’endroit de ses futures recettes. Il ignorait sans doute que l’Autriche ne devait cette mauvaise réputation qu’à l’exigence de la versification française, et que cette rime riche arrivant après une négation indispensable à la structure du vers, avait tout naturellement rendu pauvre le militaire de l’Autriche.
L’artiste ne tarda pas du reste à être tranquillisé ; il reconnut que la capitale de cette nation calomniée de par les règles de la poésie, valait mieux que sa réputation il en rapporta pour preuve nombre de thalers, avec lesquels il paya les frais de construction d’un théâtre que, pendant son absence, on lui avait élevé au bazar Bonne-Nouvelle.
Philippe avait encore recruté dans sa route quelques nouveautés. Il apportait avec lui plusieurs automates qu’il devait montrer dans ses représentations.
L’ouverture de la salle Bonne-Nouvelle fit sensation dans Paris on vint en foule voir ce fameux truc des poissons, auquel les spectateurs de la salle Montesquieu avaient déjà fait une réputation méritée.
Que le lecteur veuille bien entrer avec moi dans le palais des prestiges (c’est ainsi que s’appelait ce nouveau temple de magie), je le ferai assister à quelques-unes des expériences du magicien. Le palais des prestiges n’était point un monument, ainsi que pouvait le faire supposer son titre mais lorsqu’on était arrivé au bout de la galerie du premier étage du bazar Bonne-Nouvelle, on passait sous une porte de couloir et l’on était tout étonné de se trouver dans une salle fort convenablement distribuée pour cc genre de spectacle. Il y avait des stalles, un parterre, un rang de galeries et un amphithéâtre. La décoration en était proprette et élégante, et par dessus tout, on y était confortablement assis. Un orchestre, composé de six musiciens d’un talent contestable, exécutait une symphonie avec accompagnement de mélophone, sorte d’accordéon récemment inventé par un nommé Lecler, chargé de la direction musicale du palais.
Le rideau se lève.
Au grand étonnement des spectateurs, la scène est plongée dans la plus profonde obscurité.
Un monsieur, tout de noir habillé, sort d’une porte latérale et s’avance vers nous. C’est Philippe je le reconnais à son accent voilé et quelque peu teinté de provençal. Tous les autres spectateurs le prennent pour le régisseur; on est interdit; on craint une annonce d’autant plus fâcheuse, que ce monsieur porte le pistolet au poing.
L’incertitude est bientôt dissipée; Philippe se fait connaître. Il annonce qu’il se trouve en retard pour ses préparatifs, mais que, pour ne pas faire attendre tout le temps nécessaire à l’éclairage de son laboratoire, il va, d’un coup de pistolet, allumer les innombrables bougies dont la salle est ornée.
Bien que l’arme à feu ne soit pas nécessaire à l’expérience, et qu’elle n’ait d’autre but que de jeter de la poudre aux yeux des spectateurs, les bougies se trouvent subitement enflammées au bruit de la détonation.
On bat des mains de toutes parts, et c’est justice, car ce truc est saisissant de surprise. Si applaudi qu’il soit cependant, il ne l’est jamais autant qu’il le mérite en raison du temps qu’exige sa préparation et des mortelles angoisses qu’il cause à l’opérateur. En effet, ainsi que toutes les expériences où l’électricité statique joue le principal rôle, cette magique inflammation n’est pas infaillible. Lorsque ce malheur arrive, la position de l’opérateur se trouve d’autant plus embarrassante que le phénomène a été annoncé comme une œuvre de magie. Or, un magicien doit être tout puissant, et s’il n’en est pas ainsi, il doit éviter à tout prix ces fiascos qui lui font perdre aux yeux du public le prestige de son omnipotence.
La scène une fois éclairée, Philippe commençait sa séance. La première partie, composée de tours d’un médiocre intérêt, était rehaussée par la présentation de quelques curieux automates, tels que :
Le Cosaque, que l’on eut pu aussi bien appeler le Grimacier, pour les contorsions comiques auxquelles il se livrait. C’était du reste un très habile escamoteur que ce cosaque, car il faisait passer adroitement dans ses poches divers bijoux que son maître avait empruntés à des spectateurs
Le Paon magique, faisant entendre son ramage anti-mélodieux, étalant son somptueux plumage et mangeant dans la main Et enfin un Arlequin semblable à celui que possédait Torrini. Après la première partie de la représentation, le rideau se baissait pour les préparatifs d’une séance que 16 programme indiquait sous le titre de Une fête dans un palais de Nankin, Titre attrayant pour les marchands de cette étoffe, mais qui n’avait été choisi. Sans doute, que pour rappeler au spectateur le tour chinois qui devait couronner la séance.
A cette seconde apparition, la scène était entièrement transformée les tapis de tables, assez modestes d’abord, avaient été remplacés par des brocarts étincelants de dorures et de pierres précieuses (vues de loin). Les bougies, déjà si nombreuses, s’étaient encore multipliées et donnaient au théâtre l’aspect d’une fournaise ardente, véritable demeure d’un suppôt du diable.
Le magicien paraissait. Il était revêtu d’un riche costume que, dans son admiration, le public estimait d’un prix à épuiser les richesses de Golconde.
La Fête de Nankin commençait par le tour des anneaux, venant des Chinois.
Philippe prenait légèrement entre ses doigts des anneaux de fer qui avaient vingt centimètres environ de diamètre, et, sans que le public pût s’expliquer comment, il les faisait entrer les uns dans les autres et en formait des chaînes et des faisceaux inextricables. Puis tout à coup, quand on croyait qu’il lui serait impossible de débrouiller son ouvrage, il l’effleurait du souffle, et les anneaux se séparant, tombaient à ses pieds.
Ce tour produisait une illusion charmante.
Celui qui lui succédait, et que je n’ai pas vu faire par d’autres que par Philippe, ne lui cédait pas en intérêt. Macalister, le menuisier écossais, qui servait en scène sous la ligure d’un nègre nommé Domingo, apportait sur une table deux pains de sucre encore garnis de cet affreux papier que l’épicier vend dans son commerce aux prix des denrées coloniales.
Philippe empruntait une douzaine de foulards (non pas des foulards de compères); il les mettait dans un large canon de fusil, et lorsqu’on lui avait désigné un des deux pains de sucre, il faisait feu dessus. Il le cassait ensuite à coup de hache, et tous les foulards s’y trouvaient réunis.
Venait ensuite le Chapeau de Fortunatus.
Philippe, après avoir fait sortir de ce chapeau, qui n’était autre que celui d’un spectateur, une innombrable quantité d’objets, en retirait enfin des plumes de quoi garnir au moins un lit édredon. Mais ce qui amusait et faisait surtout rire dans ce tour, c’était un enfant, que le prestidigitateur avait fait mettre à genoux au-dessous de cette singulière avalanche, et qui s’y trouvait complètement enseveli.
Un autre tour à effet était celui de la Cuisine de Parafaragaramus.
Sur l’invitation de Philippe, deux écoliers montaient près de lui sur la scène. Il les habillait aussitôt, l’un en marmiton, l’autre en cuisinière de bonne maison. Ainsi affublés, les deux jeunes cordons bleus subissaient toutes sortes de plaisanteries et de mystifications (c’était de l’école Castelli).
L’escamoteur passait ensuite à l’exécution du tour. A cet effet, il suspendait un trépied un énorme chaudron de cuivre entièrement plein d’eau, et il ordonnait aux deux cuisiniers d’y mettre des pigeons morts, un assortiment de légumes et force assaisonnements. Alors, il chauffait le dessous du récipient avec une flamme d’esprit de vin et prononçait quelques paroles sacramentelles. A sa voix, les pigeons, redevenus vivants, prenaient leur volée en s’échappant de la chaudière. L’eau, les légumes et les assaisonnements avaient complètement disparu.
Philippe terminait ordinairement ses soirées par le fameux tour chinois, qu’il appelait pompeusement les Bassins de Neptune ou les Poissons d’or.
Le magicien, revêtu de son brillant costume, montait sur une espèce de table basse qui l’isolait du parquet. Après quelques évolutions pour prouver qu’il n’avait rien sur lui, il jetait un châle à ses pieds, et lorsqu’il le relevait, on voyait apparaître un bassin de cristal rempli d’eau, dans lequel se jouaient des poissons rouges.
Cet exercice se recommençait trois fois avec le même résultat. Voulant enchérir sur ses confrères du Céleste-Empire, le prestidigitateur français avait ajouté à leur tour une variante qui terminait gaiement la séance. En jetant une dernière fois le châle à terre, il en faisait sortir plusieurs animaux, tels que lapins, canards, poulets, etc.
Ce truc était exécuté, sinon gracieusement, du moins de manière a exciter une vive admiration parmi les spectateurs. En général, Philippe était très amusant dans ses soirées. Ses expériences étaient exécutées avec beaucoup de conscience, d’adresse et d’entrain, et je n’hésite pas à dire que le prestidigitateur du bazar Bonne-Nouvelle pouvait passer alors pour un des meilleurs de l’époque.
Philippe quitta Paris, l’année suivante, et continua depuis à donner ses séances, à l’étranger ou dans les provinces de la France.
Les succès de Philippe n’auraient pas manqué de raviver encore mon désir de hâter la réalisation de mes projets de théâtre, si à cette époque un malheur ne fut venu me jeter dans un profond découragement. Je perdis ma femme.
A lire :
– Philippe par Caroly.
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