Conception et mise en scène de Philippe Genty, avec la complicité de Mary Underwood. Création musicale de René Aubry.
Philippe Genty et sa compagnie qu’il a créée en 1968, a monté, avec divers types de marionnettes, du mime, de la danse, de la musique, des jeux d’ombres et de lumière, des spectacles souvent influencés, au début du moins par le célèbre Bread and Puppet new yorkais. Et on se souvient dans les années 1980, au Théâtre de la Ville, au Festival d’Avignon ou au Théâtre National de Chaillot de Zygmund Follies, Désir Parade, Passagers clandestins, Dédale, Ligne de fuite, Ne m’oublie pas, Voyageurs immobiles, et plus récemment, La Fin des Terres et La pelle du large. Toutes ces créations fondés sur un très riche langage visuel, sans aucune parole ou presque, et où le plus souvent un être humain se trouve en conflit avec lui-même et avec ses démons, se sont joués avec un grand succès en France mais aussi dans le monde entier, en particulier au Japon, en Australie et en Amérique latine ! Levez le doigt, les créateurs français ainsi invités …
Paysages intérieurs est dans cette continuité, avec une succession d’images parfois très fortes, et issues du livre qu’il avait écrit sur son parcours personnel : souvenirs, carnets de voyages, notes de travail et photos. D’abord sans doute dessinées puis mises en scène, avec la collaboration de sa chorégraphe Mary Underwoood, ces images portent l’inimitable signature de Philippe Genty : « Des rêves transposés, dit-il, dans un jeu de métaphores qui s’adresse à l’imaginaire et à l’inconscient de chacun ». Avec des acteurs, danseurs et manipulateurs exceptionnels, et des personnages/marionnettes et accessoires conçus avec le plus grand soin, à partir de matières le plus souvent sans grand intérêt dans la vie courante mais qui, magistralement retravaillées, donnent une incomparable force poétique au spectacle.
Première image : un jeune homme étendu, sous un halo de lumière bleue, marionnette vivante, qui essaye de se débarrasser en vain de ses fils. Puis il monte un escalier de quelques marches basculant plusieurs fois sur elles-mêmes, avant de se retrouver comme par miracle, sur le palier d’une porte bleue suspendue en l’air qui, elle-même, donne sur une autre porte. Du pur René Magritte à l’état scénique.
Autres images fabuleuses : des créatures flasques, à mi-chemin entre le végétal et l’animal dont les tentacules sont coiffées de vraies têtes humaines… Le tout sous de belles lumières de Thierry Capéran et sur la musique planante de René Aubry. Ou cette toile de fond où est projetée une explosion suivie d’un incendie qui embrase successivement et, à deux reprises, comme dans un cauchemar, trois chalets dans la montagne. Et sur le plateau, un homme tient aussi un petit chalet en flammes qui part en fumée…
Et ces voiles de tulle bleu qui volent au vent, et où disparaissent, pour reparaître à nouveau, un homme et une femme. Ou encore ces fabuleuses créatures extra-terrestres aux grandes mandibules rouges qui avancent dans un espace infini. Aux meilleurs moments, cette relation métaphysique de l’homme à l’objet, et à aux forces de la nature : vent, océan… fonctionne bien. Et les adultes, comme les enfants qui en ont pourtant sûrement vu d’autres en jouant à leurs jeux vidéo, découvrent pourtant avec délices la magie d’un spectacle qui doit beaucoup à des moyens techniques simples : soufflerie, changement d’échelle ou ombres portées, et aussi à la fabuleuse imagination d’un poète et à la virtuosité de ses interprètes.
Oui, mais voilà : le spectacle, encore très brut de décoffrage, tient plutôt d’un travail en cours et souffre sans doute de n’avoir pas été assez répété. Début changé au dernier moment et donc approximatif, petites erreurs de régie, longueurs, répétitions, fausse fin, rythme parfois cahotant… Bref, il y a encore ici tout un travail de mise au point à l’horizon. En effet, malgré quelques moments extraordinaires, le compte n’y est pas tout à fait et ces quatre-vingt minutes, trop longues, exigent d’urgence des coupes sans appel de leur créateur, pour obtenir toute la force et la fluidité indispensables à ce merveilleux voyage onirique dans l’inconscient et les paysages intérieurs, à la fois pleins d’humour et terriblement angoissés, que veut nous offrir Philippe Genty…
A lire :
– La fin des terres .
– le premier spectacle parlant de la compagnie.
– Voyageurs immobiles.
– La pelle du large.
– Paysages intérieurs, autobiographie de Philippe Genty (2013) est publié chez Actes Sud.
A voir :
– Le théâtre noir de Philippe Genty.
A visiter :
– Le site de la compagnie Philippe Genty
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