Aujourd’hui, rares sont les occasions de participer à la recherche académique sur l’illusionnisme, et encore plus rares celles de pouvoir vivre une expérience d’illusionnisme fantastique. Le colloque « Objets chargés » s’est efforcé de proposer un espace rendant possible ces deux challenges ; et ce, dans un lieu totalement magique, la House of Mystery de Gand.
Ce projet – initié par Thibaut Rioult et soutenu par Nele Wynants (SciFair) et Kurt Vanhoutte (B-Magic) à l’Université d’Anvers – vise à comprendre un type d’objet spécifique, les « objets chargés ». Il s’agit d’étudier leur rôle et leur fonctionnement, en particulier en contexte de spectacle ou plus généralement de performance, c’est-à-dire au sein de la structure performer – objet – spectateur. Par sa singularité, l’ « objet chargé » arrête le regard. Il extrait le spectateur du monde profane et lui ouvre un alter-monde. L’objet convoque un espace-temps sédimenté en lui. Traces d’ailleurs, preuves de l’existence de forces latentes, condensateurs d’imaginaires, les « objets chargés » font surgir des mondes. Ainsi, on voit bien l’intérêt que ce concept d’« objet chargé » peut avoir pour tous ceux qui réfléchissent sur la manière de présenter et de faire vivre les objets : l’illusionnisme au premier chef, mais aussi les spectacles forains, les collectionneurs, etc.
Parmi un programme chargé de conférences, on notera en ce qui concerne plus particulièrement l’illusionnisme : Chris Goto-Jones sur Derren Brown, Thibaut Rioult sur l’illusionnisme fantastique, Arnaud Dandoy sur le Surnateum comme dispositif d’enchantement, Hannah Welslau sur le spiritisme, Fleur Hopkins-Loféron sur le fakirisme, Erkki Huhtamo sur les affiches de spectacles, Raffaele de Ritis sur Ricky Jay, Tim Overkempe sur les spectacles de rayons X, etc. ainsi que de nombreux autres chercheurs développant leurs réflexions au-delà de l’illusionnisme mais en connexion avec le thème principal. Une interview spéciale de Christian Chelman a également permis aux participants du colloque d’en savoir plus sur le Surnateum et sa démarche créative.
Chose rare dans un colloque « académique », nous avons tenu à y joindre une exposition exceptionnelle réalisée en collaboration avec Christian Chelman (Surnateum) et Antoine Leduc (Antre-Cave). Cette exposition Hauntiquities: Witnesses of a Magical World a permis de présenter pour la première fois une série de cinq ensembles d’objets liées à des histoires fantastiques (soit un total de sept vitrines !) :
Malédiction : boîte d’amulettes égyptiennes « maudites » et instruments archéologiques, Egypte antique, ca. 1923 (coll. Surnateum, inv. SDD/ce-35170) [notice détaillée]
Irma : boîte de couture (XXe), cartes divinatoires (XIXe), boucle d’oreille de Grèce antique (IVe s. av. J.-C.), album de photo souvenir (1929). Délos / Paris / Bruxelles (coll. Surnateum, inv. SAH/to-43817) [notice détaillée]
Le paradoxe de Quan Tri : possessions d’un GI (casque, cartes à jouer, cartes de survie, briquet, médailles, etc.), Quan Tri (Vietnam) et USA, 1968 (coll. Surnateum, inv. SAH/ta-94167) [notice détaillée]
La Fontaine du Diable : masque de fontaine (XVI-XVIIe), coquemard (XVII-XVIIIe), pièces de monnaie (XVI-XVIIIe) et médaille de la Confrérie du Saint Sacrement de Saint Roch (1757), griffe du diable (Gryphea arcuata, Trias), France (coll. Antre-Cave, inv. 1759.812-195) [notice détaillée]
La Sybille du Siècle : lettres autographes, cartes divinatoires et ouvrages écrits par ou sur Mlle Lenormand, boutons de manchette de deuil contenant les cheveux de Mlle Lenormand, France, XIXe (coll. Antre-Cave, inv. 1854.5243-912) [plus de détails sur Lenormand]
Deux Mystery nights (avec Christian Chelman, Antoine Leduc et Nikolaas Martens) ont permis aux nombreux universitaires présents et au grand public de découvrir en live les potentialités réelles de l’illusionnisme fantastique, en tant que manière de présenter des objets. Enfin, une performance inédite d’illusionnisme fantastique sur scène (une première !) d’Antoine Leduc a permis de conclure le colloque pour le plus grand plaisir des académiques présents, peu habitués à voir se conjuguer réflexion et performance dans un événement de ce type. De fait, faire l’expérience réelle de l’émerveillement est toujours infiniment plus riche que d’en discuter théoriquement.
Enfin, pour le Erfgoeddag (journée du patrimoine) de Gand (23/04/2023), Antoine Leduc, secondé par l’équipe d’Anvers (Thibaut Rioult, Kurt Vanhoutte, Hannah Welslau), ont pris beaucoup de plaisir à raconter aux 350 visiteurs de la House of Mysteries les différentes histoires associées à tous ces « objets chargés », et à la conduire dans la zone crépusculaire où le surnaturel le dispute au rationnel…
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