Il y a un siècle le faiseur de tours était un nuisible ! Il y a un peu plus de cent ans, nous escamoteurs et faiseurs de tours étions des parias. Pour certains rien n’a changé. Doit-on s’en orgueillir ? Ci-dessous un extrait du répertoire du droit administratif par Léon Béquet, avec le concours de M. Paul Dupré, Tome 6. Edition P. Dupont (Paris, 1882-1891).
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Certaines professions, par leur nature même, présentent des inconvénients pour la sécurité publique. Telles sont celles qui sont exercées par ces gens sans aveu, déclassés ou sans patrie, que l’on connaît sous le nom de bateleurs, baladins, escamoteurs, faiseurs de tours et bohémiens.
Par une circulaire du 13 décembre 1833, le ministre de l’intérieur a engagé les préfets à mettre en vigueur, dans leurs départements respectifs, un arrêté consacrant, entre autres mesures, les dispositions suivantes :
– Tout individu qui veut se livrer à l’exercice de la profession de saltimbanque, bateleur, escamoteur, joueur d’orgues, musicien ambulant ou chanteur, doit en faire la demande au préfet, en joignant à sa pétition un certificat de bonne vie et mœurs délivré par le commissaire de police ou le maire de la commune où il est domicilié.
– Tout individu permissionné, qui change de domicile, doit faire connaître immédiatement sa nouvelle résidence à l’administration en produisant un certificat délivré par le commissaire de police ou le maire de la commune où il s’établit.
– Les saltimbanques, chanteurs, etc., ne peuvent exercer leur profession avant huit heures du matin en tout temps, et ils doivent se retirer avant six heures du soir, depuis le 1er octobre jusqu’au 1er avril, et avant neuf heures du soir, du 1er avril au 1er octobre.
– Il leur est expressément défendu de se faire accompagner par des enfants âgés de moins de seize ans.
– Il leur est fait défense également de pronostiquer ou d’expliquer les songes, sous les
peines portées par les articles 479, 480 et 481 du Code pénal.
– Les chanteurs ne peuvent chanter ou mettre en vente d’autres chansons que celles qui sont revêtues de l’estampille de l’administration, sous les peines portées par l’article 5 de la loi du 16 février 1834 et de l’article 6 de la loi du 26 juillet 1849.
– Enfin, lorsque le permissionnaire veut voyager hors du département, il est tenu, avant de prendre ou de l’aire viser son passeport de déposer sa permission, qu’il pourra réclamer à son retour.
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Indépendamment des mesures prescrites conformément à la circulaire précitée, les maires peuvent, par un arrêté, défendre aux saltimbanques, bateleurs, etc., de s’établir sur la voie publique et d’y exercer leur métier sans en avoir obtenu l’autorisation à la mairie. Avant d’accorder celle autorisation, les maires peuvent se faire représenter la
permission de l’autorité supérieure, ainsi que les descriptions détaillées des spectacles et représentations. Et s’assurer que les objets proposés à la curiosité publique ne peuvent offrir aucun danger.
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Il convient aussi de n’accorder aux saltimbanques l’autorisation d’exercer leur profession qu’à la condition expresse de ne pas paraître sur les tréteaux avec des décorations officielles telles que la Légion d’honneur, la médaille militaire ou des médailles de sauvetage.
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La loi du 7 décembre 1874, relative à la protection des enfants employés dans les professions ambulantes, interdit à tout individu autre que le père ou la mère d’employer des enfants de moins de seize ans dans les professions d’acrobate, saltimbanque, charlatan, montreur d’animaux ou cirques. Elle interdit même au père et à la mère d’employer dans ces professions leurs enfants âgés de moins de douze ans. L’autorité
municipale doit tenir la main à l’exécution de cette prescription en exigeant, de tous les individus se livrant à la profession de saltimbanques, la justification de l’origine et de l’identité de tous les enfants placés sous leur conduite. A défaut de cette justification, il en est immédiatement donné avis au parquet.
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La dénomination de bohémiens s’applique à ces individus étrangers, nomades et vagabonds qui, réunis en bande, parcourent le territoire en s’arrêtant de préférence dans les faubourgs des villes ou à l’entrée des villages. Ils présentent un grand danger pour la sécurité publique. Une circulaire ministérielle du 19 novembre 1864 a reconnu que les pouvoirs de d’administration, ne pouvant s’exercer que dans la limite des lois pénales, se trouvent le plus souvent paralysés par la situation spéciale de cette catégorie particulière d’individus qui n’ont ni demeure fixe, ni état civil, ni même de patrie. L’administration est donc empêchée d’exercer, à l’égard d’hommes désavoués et repoussés par tous les gouvernements, le droit d’expulsion résultant de l’article 7 de la loi du 3 décembre 1849.
Mais les maires peuvent interdire le stationnement sur la voie publique et sur les terrains communaux les voitures qui leur servent de logement. Ils peuvent leur interdire le séjour de la commune et, en les éloignant, diminuer le danger que leur présence fait toujours courir.
A lire :
– Paris et les escamoteurs.
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