Un projet du collectif F71. Texte et mise en scène : Stéphanie Farison. Distribution : Camille Léon-Fucien, Joris Avodo, Maxence Bod. Collaboration dramaturgique : Lucie Nicolas. Scénographie et dessins : Lucie Auclair. Création sonore : Éric Recordier. Création lumière : Laurence Magnée. Régie générale et construction : Max Potiron. Construction additionnelle : Lucas Remon et Lucie Auclair. Régie lumière et son : Emeric Teste. Création 2023.
Le collectif F71 interroge une fois de plus l’histoire d’hier pour éclairer les luttes d’aujourd’hui et « l’exaspération de notre sensibilité de tous les jours ». Avec un spectacle ayant pour titre un slogan des Black Panthers et un chant révolutionnaire (en français : « Passez à autre chose, ou nous passerons à autre chose »), la metteuse en scène, nous emmène dans l’imprimerie imaginaire de ce mouvement d’autodéfense (Party for Self Defense) né à Oakland (Californie) en 1966.
Ici, trois militants vont fabriquer une affiche, tout en évoquant les actions menées contre le racisme et la répression, pour la dignité de la communauté noire américaine. Suspendues à des fils, de grandes et belles images couvertes de slogans sèchent. Joris Avodo, Maxence Bod et Camille Léon-Fucien élaborent la prochaine sérigraphie et discutent idéologie et ligne politique, en dialoguant aussi avec le public. La mise en scène s’appuie autant sur le texte, que sur l’iconographie et la fabrication d’une affiche : composition, insolation à la lumière, tirages…
L’image, support concret des débats militants, traduit les positions politiques et la présence d’armes sur les affiches pose question : provocation ou signe d’autodéfense ? Dans leur matériel de propagande et leurs slogans, les Black Panthers revendiquent le droit à porter des armes comme tout citoyen des États-Unis, selon le deuxième article de la Constitution. À mesure que le mouvement s’enracine dans tous les Etats avec « contre-patrouilles » armées et comités d’entraide populaire, le F.B.I. lui, multiplie attaques et arrestations… Comment revendiquer son identité noire, comment trouver des espaces de protestation, quand toutes les formes d’expression vous sont successivement ôtées, et interdites ? Comment rêver et écrire « un poème noir dans un monde noir » ? Faut-il répondre à la violence des « pigs » par la violence ? Autant de thèmes que les acteurs abordent et renvoient aux spectateurs, quelquefois de façon un peu trop pédagogique.
Le texte et les argumentations parfois traînent en longueur surtout vers la fin mais, les problématiques exposées, nous découvrons sous un autre jour la genèse et l’histoire de ce mouvement étouffé par la répression. Et nous ne nous lassons pas de voir ce ballet de châssis, la manipulation des encres et des instruments, l’accrochage des affiches fraîchement imprimées, la beauté et l’invention des images. L’espace scénographique proposé par Lucie Auclair donne libre cours à ce déploiement visuel. La création sonore d’Éric Recordier et les airs chantés par Camille Léon-Fucien, les slogans repris en chœur, accompagnent discrètement la narration. Au croisement du théâtre documentaire et du théâtre d’objets, ce spectacle nous replace dans une époque d’effervescence socio-politique et de création collective qui éclaire aussi la nôtre. Il devrait, au fil des représentations et avec quelques coupes, trouver son allure de croisière.
Article de Mireille Davidovici. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Christophe Loizeau et Jeanne Bodelet. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.