Une libre adaptation du roman de Jonathan Swift. Adaptation et mise en scène : Valérie Lesort et Christian Hecq. Création et réalisation des marionnettes : Carole Allemand, Fabienne Tourzi dit Terzi. Scénographie : Audrey Vuong. Costumes : Vanessa Sannino. Lumières : Pascal Laajili.
Qui n’a lu dans son enfance les aventures de ce marin, seul survivant d’un naufrage, échoué sur le rivage d’un étrange pays où des êtres minuscules mais tyranniques en font leur prisonnier et leur esclave ? On voit souvent cet ouvrage comme un conte pour enfants, du fait des nombreuses éditions édulcorées et illustrées pour la jeunesse. Et les metteurs en scène à qui l’on doit des réussites, comme 20 000 Lieues sous les mers et l’opéra baroque Ercole Amante de Francesco Cavalli, nous ouvrent un beau livre d’images. Prenant le public par la main, le comédien qui incarne Gulliver face à un peuple de marionnettes, raconte les aventures de ce navigateur devenu un dangereux géant aux yeux des Lilliputiens. A la fois narrateur, témoin et victime d’un pouvoir arbitraire et d’une guerre absurde qui oppose les mangeurs d’œufs par le gros bout, à ceux qui les entament par le petit bout…
Jonathan Swift (1667-1745) avec ce conte philosophique habillé de merveilleux, s’en prenait à l’absolutisme des souverains anglais, ce qui le forcera à s’exiler en Irlande. Pacifiste avant la lettre, son pamphlet féérique critique aussi la guerre sans fin qui oppose son pays à la France. Mais Le Voyage de Gulliver prend ici la forme d’une fable burlesque charmante et efficace, plus que d’un libelle contre le pouvoir.
Dans un décor de carton-pâte, bas de plafond, le comédien, sur un plateau rehaussé, paraît gigantesque, à côté des marionnettes hybrides où les sept autres interprètes ont glissé leur tête. Ces personnages au faciès humain, hauts de cinquante centimètres, sont très expressifs dans leurs petits corps en costumes bariolés, manipulés selon le procédé du théâtre noir grâce à un éclairage effaçant les acteurs et permettant des effets spéciaux.
La scénographie d’Audrey Vuong et les costumes de Vanessa Sannino créent une esthétique délibérément naïve et kitch. Un clin d’œil aux illustrations des contes pour enfants du XIXe siècle. Les acteurs s’en donnent à coeur joie avec cette satire du régime lilliputien, aussi habiles à manipuler leurs petits bonshommes qu’à chanter lors des intermèdes. Comme ce moment virtuose où sur la table de la salle à manger transformée en scène de cabaret, l’impératrice Cachaça se livre à un numéro avec plumes et déshabillage… Une heure quinze de plaisir théâtral attend petits et grands, sous-tendu par un message envoyé à qui veut l’entendre.
A lire :
– Petite balade aux Enfers.
– Cabaret Horrifique.
– La Mouche.
Article de Mireille Davidovici. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Fabrice Robin@la.comedie.humaine. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.