Mise en scène, scénographie, lumières, interprétation : Johanny Bert. Composition et arrangements : Marion Lhoutellier, Guillaume Bongiraud, Cyrille Froger. Regards extérieurs : Jonas Coutancier. Dramaturgie : Olivia Burton. Auteurs-compositeurs des chansons originales : Bérangère Jannelle, Laurent Madiot, Alexis Morel, Yumma Ornelle, Prunella Rivière. Création costumes : Irène Jolivard, Pétronille Salomé. Création masques : Alexandra Leseur-Lecoq, Loic Nebreda, Pétronille Salomé. Création lumières : Gautier Le Goff. Création sonore : Simon Muller. Construction marionnettes : Amélie Madeline. Construction accessoires et effets magiques : Jonas Coutancier, Klore Desbenoît, Luc Imberdis, Maxence Moulin, Florimond Plantier, Franck Rarog, Gilles Richard, Magali Rousseau. Avec : Johanny Bert, les musiciens Marion Lhoutellier (violon et instruments électroniques), Guillaume Bongiraud (violoncelle et instruments électroniques), Cyrille Froger (percussions et claviers) et la manipulatrice Klore Desbenoit.
« Mes recherches depuis plusieurs années sur les arts de la marionnette et le rapport entre corps humain et corps manipulé, dit cet artiste, prennent toute leur place dans ce projet. » Après Hen, où la poupée, traversée par sa voix, faisait corps avec l’acteur, il réédite cette symbiose avec la même équipe de musiciens et paroliers. Avec son « cabaret dégenré » et déjanté, il abordait l’identité sexuelle par des métamorphoses multiples, mais cette fois, il se mue en ange philosophique : tombé du ciel, il erre sur terre en cherchant désespérément à s’arracher à son être céleste pour entrer dans la peau d’un humain. Piégé dans son éternité, il explore physiquement ce que sentir, toucher, souffrir, mourir veulent dire. En vain… « J’enrage d’être un ange ! » chante-t-il. Inspiré par Les Ailes du désir (1987) de Wim Wenders, le spectacle s’ouvre sur la voix du cinéaste dans un entretien avec Serge Daney, à France Culture : « C’était pour pouvoir montrer les humains que j’ai inventé les anges. », dit le réalisateur allemand, passionné depuis toujours par ces figures divines : « J’avais pitié d’eux, qu’est-ce qu’ils doivent s’ennuyer ! »
Sur ces mots, un ange gris, masque blanc et ailes dorées, vient flotter entre ciel et terre puis arrive sous la forme de l’acteur-chanteur-pantin. Mi-ange, mi-homme, le voilà pérégrinant et chantant son ennui et son malheur d’immortel sous le regard complice des musiciens Marion Lhoutellier, Guillaume Bongiraud et Cyrille Froger. Ils signent la musique des chansons commandées à Brigitte Fontaine, Laurent Madiot, Alexis Morel, Yumma Ornelle, Prunella Rivière. Johanny Bert qui a aussi conçu la scénographie et les lumières, endosse cette forme hybride en perpétuelle transformation. Et comme, du ciel, l’ange a gardé ses pouvoirs magiques, par de troublants tours de passe-passe et aidé de manipulateurs derrière le rideau noir, il emprunte parfois des membres humains, mais pas longtemps. Et nous sommes vite séduits par l’esthétique délicate de la pièce et la sensualité du dialogue permanent entre l’acteur et sa poupée. « Dépucelé de l’humanité, / Je veux démissionner de l’immortalité / Dépucelé de l’humanité, / Je dépose ma peau d’ange dépecée. » chante-t-il.
Mais, à côté des manipulations féériques, le livret de ce théâtre musical et de marionnettes est mince et ressasse une obsession de l’immortel. Fort heureusement viennent rehausser cet oratorio un peu fade, les arrangements et le jeu vigoureux des musiciens mêlant style classique et sonorités électroniques à la Björk, Bot’Ox ou Laake… Reste un beau spectacle où des masques se brisent, se recollent, se démultiplient, où des costumes sans tête s’animent, des jambes et des bras se détachent, des corps se fragmentent et se reconstituent, des mains deviennent fleurs, des ailes coupées repoussent… Restera aussi la belle image finale : Johanny Bert reprend son apparence de comédien et nous présente un pantin à fils minuscule, à l’effigie de celui qu’il a endossé grandeur nature. Un joli pastiche de L’Albatros de Charles Baudelaire (L’Ange albatros de Laurent Madiot) souligne cette apparition, en forme d’hommage au théâtre : « Pour se désennuyer, certains hommes parfois / Se fagotent de plumes et de polystyrène / Puis avec le concours d’ingénieux contrepoids / Gravitent dans l’espace d’une cage de scène. (…) / Ils dansent dans les airs et abracadabra / Se figent en des pauses faussement authentiques. / Ce comédien ailé, comme il est gauche en ange. (…) / Le public est semblable à l’ange de la scène / Qui se joue avec joie de toute gravité. / Il vient pour s’extraire à la lourdeur obscène / Et cueillir au théâtre, un brin d’éternité. » Plus de drôlerie et de magie que de spleen baudelairien chez cet ange qui, avec son désir d’être mortel, nous redonne une joie de vivre : au moins, nous éprouvons des sentiments, bonheurs et douleurs. De quoi enchanter petits et grands…
À lire :
Article de Mireille Davidovici. Source : Le Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Christophe Raynaud de Lage / Théâtre de la Ville. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.