Si vous prenez n’importe quel dictionnaire, et que vous y cherchez la définition de « débinage », vous tomberez sur « critiquer une personne de façon malveillante » ou « dénigrer quelque chose » mais rarement sur la définition qui intéresse les magiciens, à savoir : « dévoiler le secret de quelque chose ».
On a donc coutume de dire que, lorsqu’un magicien révèle un secret, il « débine »… et par extension, « il met en danger toute la profession ».
Le débinage n’est pas nouveau. Il a toujours existé. De tout temps, la population a voulu savoir comment les magiciens s’y prenaient pour créer leurs illusions. Connaître leurs secrets. Aujourd’hui plus que jamais, l’information est omniprésente. Notamment sur Internet. Plus que jamais, les magiciens se sentent menacés : ils ont conscience que, pour la première fois à grande échelle, leur patrimoine est mis à la disposition du grand public. Pire, des chaînes de TV diffusent à une heure de grande écoute des émissions où un magicien, masqué ou non, révèle le truc des plus grandes illusions connues ou tout simplement un principe magique.
Personnellement, je suis nettement moins « gêné » par ce type d’évolution de l’art magique. Pourquoi ? Parce que j’estime que le principe même de l’art magique est bien de surprendre et de divertir ; et non pas de convaincre. En d’autres mots, le magicien s’intéresse avant tout au moment présent. C’est-à-dire que notre devoir est de bluffer tel ou tel public pour tel ou tel moment. Qu’ensuite il comprenne ce qui s’est passé, qu’il trouve une solution, ça n’est pas grave. Le magicien n’a jamais prétendu posséder tel ou tel pouvoir, si ce n’est celui de divertir et d’étonner.
La plupart des magiciens qui craignent pour leur art s’appuient nécessairement sur le secret. Le secret est-il le truc ? Le truc n’est-il pas ailleurs ?
A titre personnel, je crois qu’il ne faut pas confondre le mystère et le secret. Depuis plus de 20 ans que je pratique l’art magique, je continue d’être bluffé et étonné. Je fais d’ailleurs probablement parti du premier public qui se déplace pour voir un spectacle de magie. Et j’en ressors souvent étonné, diverti. Même si parfois j’ai compris le truc… qui n’est au final qu’une composante de l’art magique.
En 2009 Juan Tamariz, est revenu en France lors du Congrès FFAP de Vannes. Je crois bien que, fort de ses 60 années de pratique, il a donné mal à la tête à la quasi totalité des magiciens présents ce jour là. Je n’ai d’ailleurs toujours pas la moindre solution à la plupart de ses tours. Comme quoi, malgré des centaines de lectures, des milliers d’heures de pratique, le mystère peut être entier.
Les magiciens se doivent d’innover. Leur réelle capacité, c’est de détourner certaines lois physiques à leur avantage. De créer des illusions visuelles pour renforcer les illusions cognitives. C’est une démarche sans fin. C’est pour cette raison, à mon avis, que le débinage n’a pas de réel impact.
Tout au plus, il assouvira la curiosité de certains qui se diront : « ah, je savais bien qu’il y avait un truc ». Pour d’autres, ça sera peut-être une révélation, une vocation qui naîtra.
Comment doivent se comporter les magiciens face au débinage ? Prendre les gens à contre-pied en créant une autre façon de réaliser la même illusion est une première solution. Solutions qui pourraient bien vous déconcerter car le principe même de la magie est de vous faire perdre tout raisonnement. De fermer les portes qui vous guideraient vers la solution. David Copperfield l’a d’ailleurs bien compris, lui qui sait que ses spectateurs sont aussi composés de magiciens, débutants ou confirmés : il crée des illusions qui bluffent aussi bien le grand public que les magiciens.
Les illusionnistes qui débinent ne sont pas tous mangés à la même sauce. Alors que Valentino le magicien masqué a été très critiqué, l’improbable et hilarant duo Penn & Teller a, bien avant lui, « démocratisé » l’art magique. J’écris « démocratisé » car il semblerait que, pour certains magiciens, il y a débinage et débinage…
Alors évidemment, tout est question de perception : le duo Penn & Teller, complètement déjanté, offre une image bien plus sympathique que le magicien masqué. C’est là aussi un vrai tour de magie au final : là où le duo apparaît comme « pédagogue », le magicien masqué incarne le mal absolu : celui qui révèle les trucs ! Au final, Penn & Teller révèlent les trucs également… mais avec la manière, l’humour, la dérision ! Et ça marche ! Même les magiciens les adorent !
Ce n’est pas parce que vous connaissez un truc de magicien que vous savez ce qu’est la magie. La prestidigitation est un art de longue haleine. On ne finit jamais d’apprendre.
Ce qui peut vous arriver de pire si vous vous lancez dans cette passion, c’est de vous enfermer dans le secret. Ne croyez pas que le secret et le truc sont la magie. C’est bien votre personnalité, votre mise en scène, votre talent qui fera la magie. Le reste n’est qu’accessoire. Mais pour comprendre tout ça, il vous faudra quelques années de pratique…
A lire :
– Le débinage.
– La divulgation du secret.
– Cinq secrets.
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