Livret : Eugène Scribe. Musique : François-Adrien Boieldieu. Mise en scène : Pauline Bureau. Effets magiques : Benoît Dattez1.
Jolie surprise que cet opéra-comique en trois actes créé en 1825 au Théâtre Feydeau qui menaçait de s’écrouler et qui sera détruit en 1830. L’actuelle salle Favart qui avait subi un incendie en 1887 est reconstruite par l’architecte Louis Bernier sur cette place actuelle Boieldieu et inaugurée en 1898. Eugène Scribe s’était inspiré des romans de Walter Scott, Le Monastère et Guy Mannering et sa pièce – elle a été jouée plus de mille fois ! – nous transporte en 1759, dans un village montagneux d’Ecosse où on raconte que le château d’Avenel dominant la vallée, est hanté par le fantôme de la Dame blanche, protectrice des lieux. A la mort de Julien, dernier représentant de la famille Avenel, le château est mis en vente et Gaveston, son ancien intendant, se porte acquéreur.
Au premier acte, un jeune officier, Georges Brown, est amoureux d’Anna, une inconnue qui l’a soigné dans le passé et qui avait été recueillie par la dernière comtesse d’Avenel. Au deuxième acte, cette Anna, déguisée en Dame blanche, pousse le jeune homme à se porter acquéreur du château, lors de la vente aux enchères. Aidée par Marguerite, ancienne domestique de la famille, elle retrouve le trésor de la famille Avenel, ce qui permettra à Georges d’acheter le château. Mais au troisième acte, on découvre que Georges n’est autre que Julien Avenel… Gaveston ne pourra pas acheter le château, Anna épousera Julien et la noble lignée des Avenel se perpétuera selon l’ordre naturel d’avant 1789.
Pauline Bureau après Bohème, notre jeunesse, il y a deux ans, réalise ici une belle mise en scène classique. Les costumes d’Alice Touvet et la scénographie d’Emmanuelle Roy évoquent des tableaux romantiques. Les projections vidéo de Nathalie Cabrol remplacent les toiles peintes et les effets de magie, signés Benoît Dattez, renforcent l’esthétique de la pièce. La metteuse en scène a une vision très actuelle du personnage d’Anna : « L’œuvre raconte le parcours d’une femme qui se dégage de la place qu’on lui a assignée. Le fait que La Dame blanche soit une comédie romantique ne m’embarrasse pas le moins du monde. J’aime qu’on sache, dès le début, que tout va se terminer par l’union des amoureux : c’est si reposant ! »
La soprano Elsa Benoit incarne Anna avec fougue et son timbre clair rayonne jusqu’au paradis de la salle. Philippe Talbot (ténor) joue avec une réelle naïveté et chante avec douceur le rôle de George Brown. La mezzo-soprano Aude Extremo (Marguerite) a une voix puissante et un jeu très théâtral. Et le baryton Jérôme Boutillier est un convaincant Gaveston. Le chœur des Éléments, accompagne parfaitement l’habile musique de Boieldieu, proche de celle de Rossini, que dirige avec conviction Julien Leroy, à la tête de l’orchestre national d’Île-de-France.
« La Dame blanche est capable de transporter une assemblée et de faire évanouir un rossiniste », lisait-on dans Le Journal du Commerce du 12 décembre 1825. On admire en effet les faux canons virtuoses qui reviennent dans le livret : plusieurs personnages chantent ensemble des phrases différentes comme Je n’y puis rien comprendre ou A la douce espérance mais dans la même tonalité… Cette œuvre aujourd’hui un peu oubliée (pourtant dans Le Crabe aux pinces d’or, Tintin, un peu enivré, en chante un extrait !) mérite amplement d’être redécouverte.
Article de Jean Couturier. Source : Théâtre du Blog.
Crédit photos : Christophe Raynaud de Lage. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.
Note de la rédaction :
1 Parallèlement à des études théâtrales à l’université Paris X (avec Jean Boillot, Jean Jourdheuil, Jean-Louis Besson…), Benoît Dattez est formé comme comédien au conservatoire national d’art dramatique de Marne-La-Vallée. D’abord magicien autodidacte, il croise la route de Thierry Collet qui lui permettra de porter un autre regard sur son art puis suit la formation « magie nouvelle », au centre national des arts du cirque dirigée par Raphaël Navarro. Benoît Dattez s’attache à créer des images magiques porteuses de sens, en relation avec les œuvres et leur mise en scène. Il envisage la magie comme un langage qu’il déploie principalement au théâtre pour L’assassin sans scrupules d’Henning Mankell, Oh les beaux jours de Samuel Beckett sur des mises en scène de Blandine Savetier, Les Jeunes de David Lescot, Saga des habitants du val de Moldavie de Marion Aubert mis en scène par Marion Guerrero, Zig et More de Marine Auriol mis en scène par Gaëlle Héraut, Le plus important c’est Renée de Virginie Barreteau mis en scène par Marc Toupence, Matin et Soir de Jon Fosse mis en scène par Christine Koetzel, Le hibou, le vent et nous, de et par Fabrice Melquiot, C’est l’enfer d’après Dante, mis en scène par Solène Briquet, Fusées, écriture collective mis en scène par Céline Garnavault. Il travaille également pour les arts de rue : La femme squelette de Roberta Pracchia, Magie 2000 de et par Fabrice Groléat, Duos Habet de Massimilano Maccarinelli ; mais aussi l’opéra : Il Mondo della Luna d’Haydn mis en scène par David Lescot ; ou encore le cinéma : Le Passe-Muraille écrit et réalisé par Dante Desarthe, d’après la nouvelle de Marcel Aymé. Au sein de la compagnie qu’il a dirigée, Benoît Dattez a mis en scène Le Violon de Crémone d’après Hoffmann, créé le numéro visuel Le radar qui lui apportera la reconnaissance de ses pairs (primé aux championnats de France de magie et en Allemagne, puis sélectionné aux Championnats du monde), écrit et interprété Le petit plus d’Arthur, mis en scène par Claire Gueydon et créé Parallaxe Café, une forme de magie intimiste. Benoît a simultanément joué et a développé les effets de magie dans Le Funambule de Jean Genet mis en scène par Blandine Savetier, Le cabaret de la Saint Nicolas de la Coopérative d’écriture mis en scène par David Lescot, Le cabaret de la Saint Glinglin orchestré par Fabrice Melquiot. À l’opéra, il a œuvré dans Il Mondo della Luna de Haydn (m. sc. David Lescot), dans Le Timbre d’Argent (m. sc. Guillaume Vincent) et La Dame Blanche à l’Opéra-Comique.
Article de Jean Couturier. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Christophe Raynaud de Lage. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.