Jean-Pierre Marcos, ancien directeur du Pôle national cirque et arts de la rue d’Amiens, a eu la gentillesse de nous mettre un mot. Jules Cordière s’est éteint aujourd’hui… Cet ancien élève de Normale Sup, d’abord cracheur de feu dans les premiers spectacles du Magic Circus de Jérôme Savary, créa ensuite le Palais des Merveilles, une compagnie de rue, avec son amie miss Ratapuce, alias Carolyn Simonds, élève d’Étienne Decroux, flûtiste et contorsionniste. Par la suite, elle fonda le bien connu Rire Médecin, une association de clowns qui va amuser un peu les enfants hospitalisés…

Elle avait comme partenaires : Jules, acrobate sur fil mou et, entre autres, un géant de deux mètres dix à qui il fallait trois repas au lieu d’un et un petit homme qui mâchait un verre à pied (mais quand même sans le pied) et qui ensuite l’avalait, sans aucun trucage. Et nous avons vu plus d’une jeune femme tourner de l’œil devant ce numéro. Jean Digne qui créa Aix, ville ouverte aux saltimbanques invita le Palais des Merveilles pour la plus grande joie des habitants. Resteront de cette compagnie, de fabuleuses images d’une intensité poétique, comme Ratapuce jouant de la flûte sous les platanes du cours Mirabeau, ou sur les placettes d’Aix-en-Provence. Et Jules Cordière, crachant le feu dans le ciel bleu… Rien ou presque rien mais qui émerveillait les riches comme les pauvres, les jeunes comme les plus âgé…
Le Normalien à la culture savante avait su passer le pont et aller vers une contre-culture, gratuite et donc très populaire en un temps où, dans le centre d’Aix, vivaient encore des gens pas bien riches du tout… « La découverte, l’inquiétude et la joie, disait-il, y sont partagées par les passants et par ces autres passants que sont les Baladins. Le Palais des Merveilles, ce n’est pas la troupe par elle-même, mais la place publique ou la rue métamorphosées pendant nos spectacles en autant de Palais des Merveilles. Reste-t-il sur les trottoirs de nos villes un peu de place pour rêver ? Les Baladins du Palais des Merveilles, qui sont tous des professionnels du spectacle, se proposent de contribuer à rendre la ville plus humaine et l’image de la rue, plus belle et plus vivante. »


Jules Cordière était très souvent verbalisé à Paris par les flics avec amende à la clé. Motif : trouble à l’ordre public ! Non, ce n’était pas au Moyen-Age du plus-que-passé ? Du passé antérieur ? Même pas ! C’était juste après 1968, sous le règne du sinistre Raymond Marcellin, alors ministre de l’Intérieur, partisan de l’ordre musclé et devenu célèbre pour avoir fait installer des micros dans les bureaux du Canard enchaîné ! Alors que Jules Cordière était seulement en équilibre – un petit miracle – sur une corde molle attachée entre deux arbres à Saint-Germain des Prés… Quoi de plus charmant ? Mais la République n’a jamais été tendre avec les saltimbanques ! Pour preuve, comme on avait pu la voir à En Piste ! Clowns, pitres et saltimbanques, une remarquable exposition du MUCEM à Marseille, il y avait déjà une affiche fin XIXe siècle d’un arrêté préfectoral menaçant les saltimbanques. Ils devaient strictement se produire là où on les autorisait comme les horaires, différents l’été et l’hiver.
Jules Cordière, vivait retiré depuis longtemps en Provence. Nous t’aimions bien, Jules et nous regarderons avec encore plus de nostalgie et d’émotion cette belle photo de Bernard Lagneau sur un mur de notre appartement. C’était en 1972 et tu étais sur une corde molle devant Notre-Dame de Paris. Repose en paix, Jules. Et nous pensons fort à toi, Carolyn.
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