Chorégraphie : Sharon Eyal. Co-créateur : Gai Behar. Musique originale : Koreless. Costumes : Maria Grazia Chiuri – Christian Dior Couture. Conception de l’éclairage : Alon Cohen. Conception des ongles et des bijoux : @prettybitchclawss. Danseurs : Darren Devaney, Guido Dutilh, Juan Gil, Alice Godfrey, Johnny McMillan, Keren Lurie Pardes, Nitzan Ressler.
« Je ne veux pas voir la chorégraphie, je veux voir la magie. Je veux ressentir et je veux que les gens ressentent ce que je veux leur donner. » dit la chorégraphe israélienne qui pénètre « à l’intérieur d’une chevelure » pour en démêler le mystère. Cette pièce pour sept danseurs nait de la nuit, d’une obscurité profonde qu’il nous faut scruter, pour distinguer les corps enchevêtrés.
De lents mouvements animent le groupe sur la musique électronique hypnotique du compositeur anglais Koreless (alias Lewis Roberts) où se glisseront des notes de musique sacrée. Seuls, les visages et les mains d’une blancheur blafarde, sont éclairés. La lumière spectrale sculpte une étrange cérémonie : « J’aime le noir, dit Sharon Eyal. Pour moi, le noir est de la lumière et les danseurs apportent la lumière. » Dans cette pénombre permanente d’intensité variable, le mouvement fait jaillir cette humanité somnambule, habillée par Maria Grazia Chiuri de Christian Dior-Couture, juste-au-corps arachnéides, fins comme une deuxième peau. Une esthétique raffinée jusqu’au bout des doigts, avec ongles et bijoux, mode « gothique ».
Issue de la Batsheva Dance Company où elle a été interprète, puis chorégraphe et directrice artistique associée, Sharon Eyal développe un style minimaliste, mêlant techniques gaga d’Ohad Naharin et classique, avec un penchant pour le « groove » et l’« underground clubbing culture». Un monde d’où vient aussi Gai Behar qui a lancé avec elle, en 2015, leur compagnie de danse : L-E-V.
Into the Hairy, comme une œuvre picturale, se compose et se défait en permanence, avec d’étranges postures, silhouettes déformées en figures grotesques ou images allégoriques rappelant un retable : bras en croix, bustes inclinés ou exposés nus, à la manière d’un Christ…
La chorégraphe demande à ses interprètes un engagement extrême et une tension physique intense pour traduire des états émotionnels par le corps : « Je travaille à l’instinct, je mets la peau de mon âme à nu, dit Sharon Eyal. » Telle une armée de l’ombre, les danseuses et danseurs avancent, reculent, se dispersent pour créer d’impressionnants tableaux. « Ce n’est pas un récit mais une expérience, j’ai l’impression de faire du cinéma. »
Nous recevons Into the Hairy comme une toile de maître. En répétitions, Sharon propose images et mots qui stimulent l’imagination : « Deep into the hairy. Dirty and gentle. Broken. Alone. Alone. Alone. Deeper. Stronger. Weaker. Sadder. More alone. Hole… » (Profond dans la chevelure… Sale et doux. Brisé. Seul. Seul. Seul. Plus fort. Plus faible. Plus triste. Plus seul. Plus profond. Vide) … »
Dans ses trois pièces précédentes, OCD Love, Love Chapter 2 et The brutal Journey of the heart, il s’agissait d’amour.
Ici, nous touchons au cœur d’une intimité tribale en forme de rituel ésotérique qui exige du public, comme des artistes, une grande concentration. Il faut aller découvrir cette artiste qui projette d’installer sa compagnie en France. À côté de leurs pièces réalisées à la L-E-V, Sharon Eyal et Gai Behar en créent d’autres pour le Nederlands Dans Theater, le Ballet Royal de Suède et le Göteborgs Operans Danskompani…
– Article de Mireille Davidovici. Source : Théâtre du Blog.
Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Katerina Jebb. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.