Vers l’an 600, sous Clotaire II, célèbre par le meurtre de Brunehaut, les Panto-mimes, qu’on appela plus tard Funambules, commencèrent à joindre leurs jeux aux premiers spectacles qui se composaient de tournois. On désignait sous le nom de Panto-mimes, chez les Romains, des acteurs qui, par des mouvements, des signes, des gestes, et sans s’aider de discours, exprimaient des passions, des caractères et des événements.
Les Panto-mimes, qui furent les premiers comédiens parmi les français, comme ils l’avaient été chez les Grecs et les Romains, amusaient le peuple par des postures et des chansons qui prouvaient toute la grossièreté du siècle. Le roi voulant corriger ces abus, qui allaient jusqu’à la licence, déclara les histrions incapables d’être admis en témoignage contre les personnes d’une condition libre. Cette peine infamante fit tomber les Panto-mimes, qui furent remplacés par les
farceurs et les bateleurs.
Au dire de Salvien, Marseille est, dans le Vème siècle, la première ville des Gaules qui ait accueilli les mimes de Rome. Les spectacles d’alors n’étaient, selon lui, que d’indécentes déclamations, un amalgame honteux de gestes et de danses obscènes. Le véritable berceau de la pantomime vraie est l’Italie. La pantomime italienne sera toujours le chef-d’oeuvre du genre. Ses principaux personnages étaient Cassandre, Gille, Pantalon, Arlequin, Colombine, etc. L’Angleterre, qui vient après, ne nous présenta que des clowns au lieu de Gille et de Pierrot.
Madame Saqui en 1820.
On a joué la pantomime aux foires Saint-Laurent, Saint-Germain, Saint Ovide ; chez Nicolet, chez Audinot. Vers 1790, un italien nommé Lazzari devint directeur d’un théâtre construit en 1777, par un sieur Tessier, ancien acteur de province, sur le boulevard du Temple, vis-à-vis la rue Charlot et le Cadran-Bleu (ne pas confondre le théâtre de Lazzari avec celui que fonda Frénoy-Audeville, à côté du théâtre de madame Saqui). Lazzari donna à son théâtre le nom de Variétés-Amusantes. C’est à ce spectacle que la Baleine avalait Arlequin, et, à son tour, ce qui est plus fort qu’Arlequin avalait la Baleine. Le théâtre de Lazzari subsista jusqu’en 1798, où, le 31 mai, à 9 heures du soir, il devint la proie des flammes, après une représentation de la Baleine avalée par Arlequin.
Théâtre des funambules en 1862.
On a joué la pantomime au café d’Apollon, en 1809, et enfin aux Funambules du boulevard du Temple, ouverts par tolérance en 1816. Pour pénétrer dans la salle des Funambules, espèce de cave enfumée, exploitée primitivement par une troupe de chiens savants, il fallait descendre six marches, au bas desquelles on trouvait deux rangs de loges, puis une scène étroite. Bertrand père l’acheta et la fit reconstruire et agrandir. Pour faire concurrence au théâtre de madame Saqui, on établit un spectacle nouveau de danseurs de corde, auquel on joignit la pantomime. Les frères Laurent, qui avaient fait en Angleterre le métier de clowns, firent représenter plusieurs féeries dans le genre anglais. La Révolution de 1830 permit à Bertrand de supprimer la danse de corde, mais
il eut le bon esprit de ne pas renoncer à ces pantomimes-arlequinades, où le jeu spirituel et fin de son mime, Gaspard Deburau, attira longtemps la foule et fit la fortune des Bertrand père et fils.
Gaspard Deburau par Félix Nadar (1854). Il devient la vedette du théâtre des Funambules entre 1819 et 1846.
C’est à ce théâtre que Frederick-Lemaître fit, pour ainsi dire, ses premiers pas dans la Carrière. Après avoir débuté chez Mlle Rose, où il tomba de la corde, puis au cirque, où il tomba de cheval, il signa, le 10 décembre 1826, un engagement avec Bertrand, et fit le succès d’Arimane. Le Théâtre des Funambules n’a guère eu pour directeurs que : Bertrand père, avec Fabien ; Bertrand fils, avec d’Ordan pour administrateur; Billon; Dautrevaux, avec de Fléchelle et Angrémy pour associés ; et enfin Dechaume, jusqu’à l’expropriation.
« Aux Funambules, il y a mille acteurs en un seul. Or, ces mille acteurs, ces mille visages, ces mille grimaces, ces mille postures, cette tendresse si prompte à commencer et à finir… tout cela n’a qu’un nom et s’appelle Deburau ! » J. Janin
Indépendamment de Deburau père, plusieurs artistes d’un véritable talent se firent remarquer aux Funambules du boulevard du Temple : Laplace, Charles Deburau, Paul Legrand, Alexandre Guyon, Cossard, Vautier père ; Mmes Lefebvre, Isménie, Béatrix, etc. Après la démolition des Funambules, M. Poiret ouvrit, sur le boulevard de Strasbourg, le 8 février 1862, un spectacle de marionnettes lyriques, qu’il métamorphosa en Funambules, avec des artistes en chair et en os, au mois de septembre 1866. Ce théâtre, parfaitement situé, et fréquenté par les familles, est dirigé maintenant par M. Gondré. La salle a été restaurée, et l’activité et l’intelligence que déploie la nouvelle direction, font espérer que les petits Funambules marcheront sur les traces de leurs aînés, ou du moins ne s’en tiendront pas très-éloignés.
JOUHAUD
A lire :
– Le Mime de A à Z.
– L’expression corporelle.
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